Publié le 30 Jun 2013 - 17:04
ETAT-CIVIL AU SENEGAL

Dans le labyrinthe des faussaires

 

Dans quel état se trouve...l'état-civil au Sénégal ? Si l'affaire Kukoï Samba Sagna, qui a visiblement obtenu des papiers hors du circuit normal, a attiré l'attention, du fait justement de la célébrité de l'homme, le faux dans la confection de pièces d'état-civil et autres documents n'est pas un phénomène nouveau.

Plusieurs zones de ''névralgie'' ont été identifiés lors de nos investigations qui  ont mené vers des officiers d'état-civil, des policiers, magistrats etc. Si tout le monde est conscient de la fragilité du système, personne ne veut en porter la responsabilité. Bienvenue dans l'univers des faussaires... fantômes.    

FAUSSE NATIONALITÉ
L'état-civil, la racine du mal

Après la polémique soulevée par la nationalité de Koukoi Samba Sagna, EnQuête a fait un tour au tribunal départemental de Dakar. Le constat ou l’aveu fait par des juges, c’est que les étrangers peuvent avoir la nationalité sénégalaise, à cause des failles de l’état-civil. 

Lorsque nous sommes arrivés dans son bureau, le juge s’apprêtait à signer une requête pour l’établissement d’un certificat de nationalité. Il s’agit d’un document comprenant une demande manuscrite adressée à la présidente du tribunal départemental de Dakar et deux extraits de naissance : celui du requérant et de son père. Après vérification, le magistrat n’a décelé aucune anomalie sur les deux actes de naissance. Aussi a-t-il apposé sa signature sur la requête qui portait déjà celle du procureur.

Le requérant peut espérer obtenir son certificat de nationalité, après avoir rempli les autres formalités. Pourtant, assure notre interlocuteur, ‘’en signant, aucun juge ne peut jurer que les actes sont authentiques. Il y a juste un contrôle sur pièces’’. En d’autres termes, reconnaît-il, un étranger peut bel et bien obtenir la nationalité sénégalaise. Cela, n’en déplaise aux autorités judiciaires qui, pour enrayer le phénomène, après le démantèlement, il y a quelques années, d'un réseau de faussaires s’activant dans la délivrance de certificats de nationalité, surtout à des étrangers, avaient apporté des correctifs, en exigeant des actes d’état-civil, à la place de la copie de la carte d’identité nationale.

''Confier l’état-civil à des privés, comme au Maroc''

Une option qui est loin de résoudre le problème, d’autant que, constatent plusieurs juges interpellés, notre état-civil présente des failles. Or, poursuit notre interlocuteur, ‘’le juge ne reçoit que des requêtes présentées, alors que rien ne prouve que les actes versés au dossier sont authentiques’’. En guise d’illustration, il exhibe les fameux actes de naissance et explique : ‘’Vous voyez, les deux actes comportent toutes les mentions prévues par la loi. Et plus, il y a le timbre, le cachet et la signature de l’officier d’état-civil’’. Pourtant, confie le magistrat, ‘’rien ne me prouve qu’il s’agit d’actes authentiques ou faux. S’il y avait un système informatisé, je pourrais vérifier réellement si la signature de l’officier d’état-civil est authentique‘’.

Donc, étant dans l’impossibilité de procéder à des vérifications, ‘’à cause de l’absence de connexion entre les Officiers de police judiciaire, magistrats et officiers d’état-civil pour un contrôle du fichier informatisé’’, le juge est obligé d’apposer sa signature. ‘’Ce n’est qu’en cas de doute apparent qu’on demande la production de la copie littérale de l’acte de naissance, ou le registre d’inscription’’,  renseigne notre interlocuteur. Encore que pour cette seconde option, poursuit le juge, ‘’cela est matériellement impossible, car il peut arriver que le requérant vienne d’une localité éloignée’’.

C’est pourquoi le magistrat pense qu’on devrait aller dans le sens de la sécurisation de l’état-civil, par le biais des moyens technologiques. L’idéal, selon lui, est de confier l’état-civil à des privés, comme c’est le cas au Maroc. Sans quoi, se désole-t-il, ‘’non seulement les gens vont naître et renaître, mais les étrangers vont se glisser dans le fichier, surtout par le biais des audiences foraines qui souvent sont organisées, soit pour des raisons politiques ou par les directeurs d’école, afin de permettre aux élèves âgés de se présenter à l’examen’’.

‘’Tant qu’il y aura des audiences foraines, il y aura des fraudes sur l’état-civil’’
Un avis largement partagé par un de ses collègues qui a une longue expérience en matière civile. ‘’Tant qu’il y aura des audiences foraines, il y aura des fraudes sur l’état-civil’’, fulmine le juriste. En fait, durant ces audiences foraines organisées à la demande des élus locaux ( PCR) pour une régularisation du statut des personnes qui n’ont pas été déclarées à la naissance, il suffit juste de deux témoins pour attester de la naissance de la personne pour que le juge le constate. Or, fait savoir le magistrat, ‘’ il arrive même que la personne présentée à la barre ne soit pas celle qui est réellement concernée par la déclaration tardive’’. C’est pourquoi, renseigne un autre juge, il est demandé, ‘’par mesure de prudence’’, la présentation d’un certificat  d’accouchement ou de carnet de suivi de la grossesse de la mère. Même à ce niveau, regrette-il, ‘’ il est arrivé que ces documents soient complaisants’’.

Formel sur le fait que les audiences foraines sont la source du mal, le juge soutient que les individus préfèrent cette voie de recours. Car, dit-il, ‘’lorsqu’une requête normale est introduite pour déclaration tardive, une enquête est menée et dans ce cas, le procureur peut procéder à des arrestations, en cas de tentative de fraude’’. Donc au-delà de la sécurisation de l’état-civil, un magistrat à la Cour d’appel invite l’État à inciter les parents à déclarer les enfants à la naissance. Une politique surtout en direction des paysans qui, contrairement aux fonctionnaires et autres travailleurs, ne sentent pas le besoin de déclarer leur enfant, à cause de l’absence d’incidence financière. 

FATOU SY

 

Connexions état civil et Carte d'identité nationale

       

Selon nos investigations, la racine du mal se trouve dans la confection de la pièce de base : bulletin de naissance ou extrait. Pour se faire confectionner une carte d'identité, il faut impérativement présenter une ces deux pièces. Si la pièce ne présente aucune anomalie, on délivre le document. Contrairement à d'autres services, la Police a bien les  moyens de dénicher le faux, même si c'est confectionné avec des scanners au laser, pouvant photocopier  avec une fidélité  mathématique, les signatures les plus complexes, avec logo.

C'est pourquoi, ''c'est presque impossible de se faire confectionner une fausse carte d'identité'', nous assure un policier de la Direction de l'automatisation du fichier  (DAF). Cependant il arrive que le policier qui fait les procédures, reçoive un document avec un nom à consonance étrangère. ''Dans ce cas de figure, on demande un certificat de nationalité''. Quel moyen dispose le policier qui reçoit ces deux documents de vérifier qu'ils sont faux ? Aucune. ''Si c'est confectionné par une personne assermentée, on se fie à cela, mais la carte d'identité en elle-même ne peut pas être un faux''.

C'est peut-être en  amont qu'il faut voir. Seulement en amont, c'est bien souvent la jungle...

 

 

Section: 
DE BARGNY À SALY : L’érosion côtière, un fléau qui dévore le littoral sénégalais
MINIMISATION RISQUES SANITAIRES ASSOCIÉS AU PÈLERINAGE : Le MSAS crée un manuel de procédures pour la couverture sanitaire du Hajj
COMMÉMORATION DE L’ANNIVERSAIRE DU DÉCÈS DE LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR : Immersion dans l’univers poétique et politique du 1er président
KOLDA - ÉQUIPEMENT EN MOYENS MODERNES ET FORMATION : L’État arme les douaniers contre les narcotrafiquants
Matam-SAED
ENTRE JANVIER ET NOVEMBRE 2024 : 35 762 migrants sont arrivés en Europe
Trafic illicite de faux médicaments
DÉPART DE L’ALLIANCE POUR LA RÉPUBLIQUE : Diouf Sarr s’est retiré
Sénégalais bloqués à Mayotte
ACCÈS À DES TOILETTES POUR TOUS : 150 000 latrines et plus de 700 édicules sensibles au genre prévus d’ici 2029
JOURNÉE INTERNATIONALE DES MIGRANTS : Le Remidev regrette la recrudescence des départs
DR CHEIKH T. GADIO SUR LA CRISE DE LA CEDEAO : "Il faut organiser les assises historiques de la gouvernance en Afrique"
SAINT-LOUIS: FORMATION ET EMPLOI DES JEUNES : L’ITA forme  52 porteurs de projet
Cemga
Trafic de drogue
ESCROQUERIE : Un étudiant congolais risque deux ans de prison
DÉCÈS EN DÉTENTION DE L’OCTOGÉNAIRE MAMADOU GUEYE : Son avocat charge le parquet
PERSONNES DÉPLACÉES À L’INTÉRIEUR DE LEUR PAYS : 60 % préféreraient rester sur place plutôt que de retourner dans leur communauté d’origine
AFFAIRE BARTHÉLEMY DIAS : Une requête déposée aux fins d’annulation déposée au CC
CONSEIL DES MINISTRES : Le PM fera sa DPG le 27 décembre