Publié le 23 Feb 2017 - 23:47
FOOT - PAPE BOURAMA SAMBOU, DIRECTEUR TECHNIQUE DE ZIG INTER ACADEMIE

‘’Aller au-delà de ce que Diambars fait’’

 

Zig Inter Académie (National 1) veut se faire une place dans l’élite du foot sénégalais. C’est l’ambition déclinée par son directeur technique. Approché en septembre dernier à Tendouck lors du Bulu-ji (compétitions sportives et culturelles de jeunes de l’arrondissement),  Pape Bourama Sambou, titulaire d’un Master en Stratégie, Innovation et Ingénierie de projets sportifs, étale son programme pour atteindre ses objectifs.

 

Pouvez-vous nous dire comment est né Zig Inter ?

Le club est né d’une initiative d’un monsieur qu’on appelle Abdallah Issa Sané qui vit actuellement au Canada et qui s’est dit : ‘Je veux aider la jeunesse de Casamance mais dans ce qu’elle aime. Et dans ce qu’elle aime, il y a le sport en bonne position. Je ne peux pas donner 5 francs à chaque Casamançais. Si le pouvais, je l’aurais fait. Je vais donc les regrouper pour participer à la construction de cette Casamance, à la prise en charge de ces jeunes de Casamance’. Parce que les problèmes sont nombreux et les jeunes n’ont pas suffisamment de structures d’encadrement, à commencer par les écoles de football. Ils sont obligés d’aller à Dakar. Il y a énormément de jeunes de Casamance qui ont abandonné l’école parce qu’ils ont été déracinés pour aller apprendre le football à Dakar. Il (M. Sané) s’est dit qu’il faudra quelque chose pour protéger ces jeunes, c’est-à-dire les aider à réussir au sport à partir d’ici. Et il s’est engagé là-dedans et il a créé Zig Inter. Au départ, c’était Zig Inter FC. Malheureusement, il y a eu des problèmes et il a réorienté son action et le club est devenu aujourd’hui Zig Inter Académie. Voilà donc un peu l’objectif de Issa Sané qui traduit son ambition de participer à la construction de la Casamance.

Sportivement, quel est l’objectif du club ?

L’objectif visé est d’emmener les jeunes à un niveau national au moins, voire international en les aidant dans le préfinancement, la prise en charge médicale. Cela passe bien sûr par un club performant avec l’effet d’entraînement pour transcender les jeunes pour qu’ils puissent réussir ou pour être vus au moins. Parce qu’un club qui ne joue pas un championnat national, c’est difficile de faire voir les jeunes qu’on a. c’est pourquoi, le minimum, c’est que Zig Inter réussisse sur le plan national pour qu’il puisse attirer l’attention des gens sur les joueurs qui évoluent dans ce club.

Avez-vous des ambitions de jouer dans l’élite ?

On y était presque. On a pour ambition de doter la Casamance d’un deuxième club professionnel. Le Casa Sport, seul, ne peut pas résorber tout le potentiel sportif de Casamance. C’est pourquoi, cette initiative est vraiment salutaire. C’est un club qui vient en appoint au Casa. Ce que le Casa ne peut pas faire et qu’un autre y arrive, c’est la jeunesse de Casamance qui en bénéficie. On était parti de la Division régionale (DR) au National 1. Et quant on était en National 1, on avait déjà le niveau de la Ligue 2 professionnelle. Après notre titre de champion de National, on nous a invités au tournoi de l’Assemblée nationale. A ce tournoi, on avait fait jeu égal avec Dakar Sacré-Cœur (Ligue 2) qu’on avait éliminé, on avait aussi fait jeu égal contre Diambars (Ligue 1) dans un match qui s’était terminé par 1-1.

Il nous avait marqué un but et on s’était réorganisés pour répondre. Diambars nous a battus à la série des penalties. Donc, on avait le niveau. Malheureusement, il y a eu un problème avec un quartier de Ziguinchor et on leur avait abandonné l’équipe. Et nous avons été obligés de recommencer. Et recommencer, c’est difficile. Surtout quand vous le faites nous, c’est difficile de tenir parce que tous les joueurs étaient partis car ils avaient déjà un niveau de National 1 avec lequel on devait jouer pour accéder en Ligue 2. Si ce n’était pas ce recommencement, on devait avoir un niveau que tout le monde aurait vu parce qu’on a les compétences pour faire un plan de développement, pour gérer un joueur sur terrain, pour observer un adversaire… Il reste quoi ? Seul le travail ! Donc, c’est pour dire que l’ambition d’Issa peut être traduite en acte sur le terrain. Le reste, c’est des questions d’ajustement, les gens n’avaient pas très bien compris notre démarche. Ils pensent qu’au lieu qu’Issa crée un autre club, il fallait prendre cet argent pour financer le Casa.

Tout le monde sait que le Casa paie cher ses déplacements, surtout en énergie. Certains pensent même que s’il ne domine pas le football sénégalais, c’est parce qu’il se déplace trop. Donc, logiquement, deux ou quatre clubs à Ziguinchor, ça fait trois déplacements en moins. C’est important ! Il faut que les gens comprennent que si quelqu’un prend des initiatives pour financer un club, c’est pour participer à l’éclosion de cette jeunesse casamançaise comme le Casa le fait si bien. On voudrait que ces initiatives se perpétuent, qu’il y ait 4 ou 5 clubs soient bien financés. Parce que là où nous sommes, quand on prend le volet médical de tous les joueurs, du début à la fin, le déplacement parce que nous empruntons le bus, ce sont vraiment des choses à encourager. Nous lançons un appel à tout le monde pour qu’ils descendent sur le terrain et monter des clubs avec un objectif clair et aider les jeunes.

‘’Nous ne sommes pas un adversaire, ni un concurrent du Casa mais plutôt un complément’’

Mais comment comptez-vous vous faire une place à côté du Casa Sport qui a un ancrage très fort dans la ville et toute la Casamance ?

On le répète souvent : notre président fait partie de ceux qui font des contributions d’honneur. Chaque année, il cotise pour le Casa. Et là où nous sommes, c’est lui qui prend entièrement les frais d’eau du stade Jules François Bocandé de Néma, là où le Casa s’entraîne. Il le fait alors que son club ne s’entraîne pas là-bas. Pourquoi il le fait ? C’est pour le football en Casamance.

Comment vous construire une base affective à côté du Casa Sport ?

Pour une base affective, c’est une grande étape. Quand nous avions commencé, nous avions appelé tout le monde. Mais quand les gens se sont rendu compte que la gestion du club n’est pas celle attendue - ils s’attendaient à une gestion traditionnelle alors que le club est dans une gestion d’entreprise - ils n’y ont pas trouvé leur place. Quand ils sont venus, ils ont vu que nous n’avions pas ce mode de fonctionnement. Mais concernant la base affective, il y a des gens, quand nous jouons à Dakar, qui disent : ‘nous sommes avec vous’. C’est pourtant de fervents supporters du Casa. C’est parce qu’ils ont compris qu’être du Casa ne signifie pas décourager les autres initiatives en Casamance. Ça ne signifie pas non plus supprimer les autres clubs. La vie du Casa dépend aussi un peu de la survie des autres. C’est pour cela que nous nous disons que nous ne sommes ni un adversaire du Casa, ni un concurrent. Nous sommes un complément du Casa. Maintenant, en sport, quand tu t’engages, c’est pour aller loin. C’est-à-dire que s’ils ne font les efforts pour aller loin, nous allons les rattraper. Parce que nous sommes certains que le jour où nous mettrons pied là où nous voulons, ça va coûter très cher. Là par exemple, nous sommes sur un projet de centre d’académie. Le jour où l’académie sera montée, il faudra que le Casa travaille. Ce sera un complexe sur 5 ha, la formation professionnelle comprise. C’est-à-dire que le joueur aura forcément un métier.

Comme ça se fait à Diambars ?

Mon ambition, c’est d’aller au-delà de ce que Diambars fait. Diambars n’est concerné que par les enfants de 12-13 ans. J’ai déjà la possibilité, je l’ai expérimenté à Tendouck (dans le département de Bignona), de prendre les enfants à partir de 8-9 ans et de mettre en œuvre ce que je voudrais qu’ils aient à 12 ans, plutôt que d’aller organiser des tests dans le tout Sénégal pour voir des talents. Les talents, je vais, moi-même, les former. C’est mon ambition et j’en ai la capacité. Et je sais que, avec la matière qui est là, nous pouvons le faire. C’est vrai que les moyens sont ce qu’ils sont… Ceux d’une seule personne et ceux d’un groupe comme le Casa, c’est différent. Nous n’avons pas les mêmes moyens que Diambars mais notre ambition est de faire mieux que lui. A part ce retard dû à la gestion qui nous avait obligés à laisser le club en National 1 à d’autres, à l’heure actuelle, on aurait été vraiment loin. C’est certain !

On reproche aux clubs de privilégier l’aspect financier à celui sportif, c’est-à-dire former pour vendre et non pour construire un grand club. Est-ce que vous ne risquez pas de tomber dedans ?

Nous allons tomber dedans, c’est certain ! Mais si nous commençons très tôt, à 8 ans, cela veut dire qu’à 18 ans, les enfants auront cette qualité et auront donné suffisamment au football sénégalais avant de partir. Parce qu’ils commenceront à être opérationnels à partir de 16 ans. C’est qu’au Sénégal, dans le contexte actuel, on ne peut pas retenir nos enfants. Mais le Casa a cette possibilité. Avec ses supporters, il suffit de mobiliser 50 000 supporters avec la possibilité de faire d’eux des sociétaires. Ainsi, il pourra avoir au moins 500 millions de budget annuel. C’est-à-dire que le Casa peut retenir ses meilleurs joueurs et même faire venir ceux d’Afrique.

Mais nous (Zig Inter Académie), nous n’envisageons pas cela. Mais la logique est d’accompagner ces jeunes qui ont le talent pour devenir professionnels. Nous avons expérimenté cela avec un club. Après avoir été champion du Sénégal en cadets, nous avons donné six de nos meilleurs joueurs à club de Dakar pour que, au moins, ils puissent voyager avec eux et qu’ils aient un contrat professionnel. Malheureusement, ça n’a pas marché comme on l’espérait.

Parce qu’en sport, ce qui est difficile, c’est de donner ta confiance à un autre. Ils ont voulu jouer au plus malin, c’est-à-dire laisser les enfants en Europe jusqu’à leurs 18 ans et de pouvoir décider à notre place. Voilà comment nous avons perdu au moins six enfants. Parmi eux, il y a Abdoulaye Daffé que la Juventus (Italie) voulait mais que ce club de Dakar a confisqué jusqu’à maintenant. On ne sait même ce qu’il devient. Mais encore une fois, ça va être difficile de retenir les enfants. Parce que même si vous avez les moyens financiers de le retenir, vous allez vous exposer aux parents. Ils ont une influence terrible sur la décision des jeunes. Quand ce moment de décision arrive, ils n’ont pas souvenance que quelqu’un a financé la formation du jeune. Au denier moment, ils disent que c’est leur fils, ils ont donc le droit de décider pour son avenir.

Adama Coly

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