Publié le 15 May 2018 - 22:38
FORTUNES DIVERSES POUR IMAM NDAO ET CIE

21 peines de 5 ans à la perpétuité et 8 acquittements requis 

 

Après 17 jours d’instruction d’audience, le substitut Aly Ciré Ndiaye a fait, hier, ses réquisitions dans l’affaire imam Alioune Badara Ndao. Contre ce dernier, il a demandé 30 ans de travaux forcés. Douze accusés dont Makhar Diokhané encourent les travaux forcés à perpétuité. Certains accusés risquent des peines allant de 5 ans ferme à 20 ans de travaux forcés. Le maitre des poursuites a requis l’acquittement de 8 accusés.

 

Hier, la salle d’audience n°4 du palais de Justice Lat Dior a encore été rythmée aux cris d’’’Allahou Akbar’’. Tandis que certains affichaient un large sourire, d’autres, à la place des larmes, débitaient des versets du Coran relatifs à l’endurance pour manifester leur colère et résignation suite au réquisitoire du parquet. Un long réquisitoire au bout duquel le substitut Aly Ciré Ndiaye a demandé l’acquittement de 8 accusés et la condamnation des 21 restants. Pour les peines, trois personnes encourent entre 5 et 10 ans ferme. Trois autres risquent 15 ans de travaux forcés, tandis que deux accusés seulement encourent 20 ans de travaux forcés. L’imam Alioune Ndao est le seul contre qui planent 30 ans de travaux forcés au moment où Makhtar Diokhané et 11 autres personnes sont sous la menace des travaux forcés à la perpétuité.

Le parquetier Aly Ciré Ndiaye a prononcé ces sanctions à l’issue de quatre tours d’horloge de réquisitoire pendant lesquels il a tenu en haleine accusés, avocats, journalistes et public. Feuilles ou bloc-notes et stylo en main, tous les avocats n’avaient d’yeux et d’oreilles que pour le parquetier. Avec forces arguments puisés du droit, des recherches internet, du Coran et même d’une projection, il a cherché à soutenir l’accusation ou le démonter au besoin pour certains accusés. Pendant qu’il faisait la genèse des faits, des sourires moqueurs se dessinaient sur certains visages parmi le public. Mais ces sourires se sont vite transformés en rictus, lorsqu’aux environs de 14 h, le ministère public informa qu’il était venu pour lui l’heure d’annoncer les sanctions qu’il entendait requérir contre ceux pour qui les preuves étaient établies. Suffisant pour que tous les avocats constitués, coincés dans leurs sièges, ainsi que le public se réajustent comme pour mieux entendre. Sauf que le parquetier a commencé par la bonne nouvelle, notamment demander l’acquittement de ceux contre qui il n’avait pas de preuve.

 Marième Sow est la première. Epouse du cousin de Coumba Niang, première femme de Makhtar Diokhané, le substitut a demandé son acquittement pur et simple, arguant que la dame est une personne digne de foi, à qui on a confié de l’argent sans qu’elle sache l’origine, ni le montant. Pendant que le public poussait un ouf de soulagement, le parquetier demandera autant pour Ibrahima Hann. ‘’Connaître Makhtar Diokhané ou imam Ndao n’est pas un délit. Je peux dire qu’il est un talibé de l’imam Ndao. Il le vénère même, car j’ai remarqué comment il buvait chaque mot prononcé par imam lors de son instruction d’audience. Il lui a été reproché d’envoyer des messages pour demander aux personnes de prier à 4 h du matin pour que l’imam sorte, mais cela n’est pas un délit’’, a-t-il argumenté.

Acquittement pour l’essentiel du groupe de la Mauritanie

Venant au cas de l’étudiant Alpha Diallo arrêté en Mauritanie, il a relevé qu’il connait certes Matar Diokhané et certains de ses co-accusés, puisqu’ils se rencontraient lors des cérémonies familiales et il leur donnait même des cours. Ceci ne constitue pas un délit ou un crime. ‘’Il en est de même pour Oumar Keïta chez qui Alpha Diallo a été arrêté, car ce sont des Sénégalais qui sont à l’étranger et ont essayé de se retrouver’’, a poursuivi le substitut Ndiaye. Quant à Mor Mbaye Dème, appréhendé au moment de l’interpellation de son voisin Mouhamed Ndiaye, il estime que son délit a été d’être ‘’au mauvais moment et au mauvais endroit’’.

Quid de l’étudiant Mamadou Moustapha Mbaye qui avait quitté la Suisse pour aller étudier en Mauritanie ? Le magistrat Aly Ciré Ndiaye a soutenu qu’il est juste quelqu’un qui s’intéresse au djihad et aux questions de terrorisme, puisqu’il s’est essayé à rédiger un livre dans ce sens sans pour autant faire l’apologie.

Pour Boubacar Décol Ndiaye, il reste convaincu qu’il en sait des choses sur cette affaire, mais il n’y a aucune preuve contre lui. Le fait de se déplacer chez l’imam pour demander sur la mort de djihadistes sénégalais dans les champs de combat ne fait pas de lui un terroriste. Idem pour Daouda Dieng. Le frère du djihadiste Cheikh Ibrahima Dieng mort en Libye est victime pour avoir ‘’liké’’ le message facebook d’Abu Hamza Ndiaye montrant les photos de djihadistes sénégalais morts en Libye avec un menace proférée contre le président de la République et l’armée nationale.

Après les demandes d’acquittement, le ministère public est passé aux cas de ceux qui méritent, à ses yeux, des peines fermes. Alioune Badara Sall est le premier de la liste. Il a demandé que ce dernier soit condamné pour blanchiment de capitaux et acquitté des autres chefs d’accusation. Pour la répression, il a requis 5 ans de prison ferme et confiscation des montants reçus. Il s’agit notamment des 12 millions de francs Cfa que lui a remis Makhtar Diokhané dans le cadre d’un contrat. Il estime que l’accusé connaissait bien l’origine illicite de l’argent. ‘’Alioune Badara Sall a reconnu avoir pris part à la réunion des sunnites. Il a fait part du changement de Diokhané qui l’avait poussé à retirer ses enfants, mais cela ne l’a pas empêché de recevoir allégrement les 12 millions pour un contrat de construction. Il n’aime pas ses idées, mais aime son argent’’, a avancé le magistrat d’un ton réprobateur.

Peines fermes pour les deux épouses de Makhtar Diokhané

S’agissant d’Amy Sall, première épouse de Makhtar Diokhané, il a demandé qu’elle soit condamnée à 5 ans ferme pour blanchiment de capitaux et la même peine pour financement du terrorisme. Il a demandé que la dame soit relaxée des autres accusations. Le même réquisitoire est fait à l’égard de sa coépouse Coumba Niang. Compte tenu qu’il considère cette dernière comme la gérante de l’argent, il a demandé contre elle 5 ans ferme pour blanchiment et 10 ans pour financement du terrorisme. Il reste convaincu que les deux coépouses savaient l’origine illicite de l’argent reçu de leur époux.

Contre Pape Kibili Coulibaly et son ami El Hadj Mamadou Bâ dit ‘’Mama Ba’’ et Ibrahima Ndiaye qui étaient tous sur le point de partir avant de désister pour les deux premiers, ils encourent 15 ans de travaux forcés pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Quant à Saliou Ndiaye et  Moustapha Diatta, ils risquent 20 ans de travaux forcés pour association de malfaiteurs en relation avec un réseau terroriste, en sus de l’apologie du terrorisme pour le premier. Le parquet estime que n’eussent été les deux refus de visas pour la Turquie, ce dernier serait déjà en Syrie. Au second, il lui reproche également d’avoir financé les voyages d’Abdoullah Dièye et Abdallah Ba ainsi que l’épouse de celui-ci partis en Libye.

Par la suite, le ministère public a abordé le cas de l’imam Ndao qu’il estime coupable de tous les chefs d’accusation qui lui sont reprochés. Association de malfaiteurs en relation avec un réseau terroriste, apologie du terrorisme, blanchiment et financement du terrorisme, détention d’armes et de munitions sans autorisation administrative. Le parquetier s’est évertué à soutenir les accusations une à une. Pour l’association de malfaiteurs, il a relevé qu’il constitue un acte terroriste en ce sens où, en 2015, Boko Haram a fait allégeance à Daesh. Mieux, il a souligné qu’il n’y a nul besoin que tous les membres se connaissent, mais que l’alliance entre deux personnes suffit. C’est pourquoi a-t-il raillé la défense en leur lançant : ‘’J’ai toujours souri lorsque j’entendais un conseil demander à un accusé : ‘Connaissez-vous imam Ndao ?’’

Concernant l’apologie du terrorisme, il s’est appuyé sur ‘’l’exclusion’’ d’imam Ndao de la Diamatoul Ibadou Rahmane pour ses positions radicales, mais également sur la conférence qu’il animait à lac Rose, au village de Keur Marème Mbengue. ‘’Celle-ci  n’était destinée ni plus ni moins qu’à faire l’éloge du terrorisme. Par des discours, il a fait l’éloge des groupements terroristes’’, a asséné le magistrat convaincu également que l’accusé a bel et bien adhéré à la cause et au projet de Makhtar Diokhané visant à installer une cellule djihadiste au Sénégal. ‘’Il était prêt à diriger les actions qu’allait poser Diokhané, mais il y a aussi son plan de développement local, sans compter les 9 millions de francs Cfa reçus d’Ibrahima Diallo qui lui avait dit la volonté de Makhtar Diokhané de faire de lui leur guide pour l’entreprise terroriste’’, a ajouté le parquetier. Et de conclure qu’on ne peut plus douter de la connaissance de l’imam du séjour de Diokhané, vu qu’il y a les déclarations des accusés qui ont été concordantes à l’instruction et à l’enquête par deux unités différentes.

La mauvaise foi de l’imam fustigée

A propos de l’argent, il a fustigé la mauvaise foi de l’imam qui n’a daigné en parler qu’après l’arrestation d’Ibrahima Diallo, appréhendé un an après lui. Sur sa lancée, il estime que les moyens financiers présentés la semaine dernière par la défense sont la preuve que de l’argent d’origine illicite est tombé entre les mains de l’imam. A cet effet, le substitut n’a pas encore manqué de lancer une pique aux conseils de l’accusé. ‘’Nous avons une défense qui a choisi de déserter la barre pour aller faire sa plaidoirie dans la presse. D’ailleurs, le barreau doit être interpellé’’. Avant qu’il n’achève, des grognements se sont manifestés du côté des avocats qui n’ont pas apprécié ses propos. Mais Aly Ciré Ndiaye ne s’est pas laissé distraire en poursuivant son propos. ‘’Ce que je dois annoncer va faire mal, mais je vais quand même le dire, car nous avons entendu, lors des plaidoiries hors prétoire, un avocat s’offusquer que le dossier soit appelé affaire imam Ndao alors que celui-ci ne connait pas le bébé, ni le père, ni la mère, ni les ‘’ndieuké’’ (belles-sœurs). Sauf qu’ils ont oublié de dire que lors de ce baptême,  il a reçu les ‘’ndawtal’’, a-t-il soutenu, plongeant la salle dans un fou rire.

Au regard de ces arguments, il considère que le religieux mérite 30 ans de travaux forcés.  

Le ministère public a fini ses réquisitions avec les cas de Makhtar Diokhané et ses 11 co-accusés ayant été aux côtés des combattants de Boko Haram au Nigeria et d’Aqmi au Nord Mali. Il s’agit de Mouhamed Ndiaye alias ‘’Abu Youssouf’’, Lamine Coulibaly (Abu Jafar), Ibrahima Mballo (Abu Moussa) Cheikh Ibrahima Ba (Abu Khaled), Ibrahima Diallo (Abu Omar), Abdoul Aziz Dia (Abou Zoubeir), Mouhamed Lamine Mballo (Abu Zilkifli), Abou Diallo (Abu Diendel), Oumar Yaffa (Abu Hafsa), Latyr Niang (Abu Moussa) et Abdou Hakim Mbacké Bao. Ce dernier est le seul à avoir combattu au Nord Mali et le seul à ne pas porter de pseudonyme.

D’ailleurs, le ministère public a pris le contre-pied des accusés qui ont prétendu que c’est en référence aux compagnons du Prophète (Psl) qu’ils se sont affublés de ces surnoms. D’après ses renseignements, ces pseudonymes font référence à des terroristes mondialement reconnus. A titre d’exemple, il y a Abu Youssouf qui a été un expert en explosif, membre d’un groupe basé dans la péninsule du Sinaï et impliqué dans l’attaque d’ambassades en Egypte. Abu Diendel fut garde du corps de Ben Laden. Abu Zoubeir, un terroriste égyptien expert en explosif.

Le parquetier s’est également mis à expliquer le pourquoi de l’usage de l’application Telegramm qui était le moyen de communication de certains  accusés. Il a révélé qu’elle a été créée par des frères russes qui avaient délaissé l’application Vcontacts pour éviter toute traçabilité de communication.  ‘’C’est une application très sécurisée qui permet d’envoyer des messages par code. Si elle est bien paramétrée, aucun service de renseignements ne peut y entrer pour extraire des informations’’, a-t-il informé.

Toujours est-il que les accusés portant ces surnoms sont ceux-là qui ont été au fief de Boko Haram. ‘’La plupart d’entre eux  ont avoué avoir pris part à des combats qui ont pour conséquence des morts, des violences. Il s’y ajoute que le caractère terroriste du groupe Boko Haram n’est pas contesté, car il a été déclaré comme tel le 22 mai 2014 par les Nations Unies. Les faits d’actes de terrorisme sont réunis et leurs sont imputables’’, a soutenu Aly Ciré Ndiaye tout en demandant une  requalification des faits d’association de malfaiteurs en relation avec un réseau terroriste, en acte de terrorisme contre ces derniers.

Le parquet décore Makhtar Diokhané de la perpétuité

En revanche, concernant Makhtar Diokhané alias ‘’Abu Anwar’’, le ministère public a soutenu qu’il est évident que personne ne l’a vu aux combats. En réalité, a-t-il déclaré, il était l’idéologue et formait la matière grise, puisqu’il disait que ses enseignements ont même poussé les membres de Boko Haram à revoir leur position. Il a demandé que les faits soient requalifiés en complicité d’actes de terrorisme. Dans la même veine, le parquetier a laissé entendre que l’association de malfaiteurs en relation avec des réseaux terroristes est établie de même que l’apologie, le financement et le blanchiment. Sur ce point, le magistrat a pris au mot Makhtar Diokhané qui, lors de sa déposition, soutenait qu’il devait être décoré pour avoir sauvé ses co-accusés de Boko Haram. ‘’Il vous a rappelé qu’il espérait recevoir une décoration, mais il a oublié que c’est par ses propres actes que ses compatriotes se sont retrouvés dans les entrailles de Boko Haram’’, a-t-il avancé. Et d’ajouter avec raillerie : ‘’La seule décoration à laquelle j’ai pensé, c’est de l’élever au grade des premières personnes à être condamnées pour des faits d’actes de terrorisme par une peine des travaux forcés ainsi que pour tous le groupe du Nigeria.’’

Le procès reprend jeudi avec le démarrage des plaidoiries de la défense.

FATOU SY

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