Publié le 18 Oct 2022 - 16:20
FRANCE

La gauche marche “contre la vie chère” à Paris, avant une semaine sociale tendue

 

Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé dimanche 16 octobre à Paris à l’appel de l’union de la gauche. Si, sur le papier, il s’agissait de protester contre l’augmentation du coût de la vie et l’inaction climatique, le contexte social, avec la grève dans les raffineries, et politique, avec la réforme du chômage ou des retraites, donne des ailes à la Nupes, qui voit dans ce premier rendez-vous dans la rue les prémisses d’un mouvement beaucoup plus large.

 

Juché sur le camion menant la manifestation, Jean-Luc Mélenchon harangue la foule. Le leader Insoumis en est convaincu, les planètes sont alignées pour que la France vive un bouleversement politique, rapporte notre envoyé spécial, Aurélien Devernoix : « Aujourd’hui est le jour un, le jour deux va être le 49-3 et le jour trois, ce sera la grève générale, le 18 octobre. C’est la grande conjonction entre une mobilisation populaire, une crise institutionnelle et une mobilisation sociale. »

Quelque 30 000 personnes, selon les services de police, 140 000, selon les organisateurs, ont défilé dimanche à Paris à l'initiative de l'opposition de gauche à Emmanuel Macron lors d'une « marche contre la vie chère et l'inaction climatique ».

En ligne de mire, un espoir pour Jean-Luc Mélenchon : que cette marche soit le prélude à « une sorte de nouveau Front populaire ». Le leader de La France insoumise (LFI) a donc défendu l'idée d'une « grève générale » mardi, relayant des appels lancés en ce sens, notamment dans les transports (SNCF, RATP, dockers) et dans la fonction publique. « La puissance de notre marche est un appui à la mobilisation des salariés, notamment celle qui va avoir lieu » et « il faut penser tout ça comme un tout, qui s'entre-épaule, qui s'entraide », a estimé ce dimanche Jean-Luc Mélenchon.

Parvenir à une conjonction des forces

Dans le viseur de la marche, Emmanuel Macron bien sûr, jugé « carbonisé » par Jean-Luc Mélenchon et qui n’aurait plus comme seul recours que le sacrifice des acquis sociaux du pays. Dans le cortège, des représentants de tous les partis de gauche, ainsi que la prix Nobel de littérature, Annie Ernaux, avaient fait le déplacement.

Clémentine Autain et Jean-Luc Mélenchon dans la manifestation, dimanche 16 octobre à Paris. REUTERS - STEPHANE MAHE

« L’assurance chômage, là, on va passer la retraite, on est en train de passer le budget de l’État... Tout casse notre système social. Qu'est-ce qu’il a contre ce système social Emmanuel Macron ? », interroge Sandrine Rousseau, députée écologiste.

À présent, il faut parvenir à créer réellement cette conjonction des forces à laquelle aspire l’union de la gauche. Le patron du Parti socialiste Olivier Faure se veut prudent : « Ça ne dépend pas de nous, il faut être suffisamment humble pour reconnaître que ça dépendra beaucoup de la mobilisation à la fois du monde syndical, des salariés de ce pays et puis de toutes celles et ceux qui vont accompagner ce mouvement : les retraités, les précaires ou encore les chômeurs. »

Quelques échauffourées

Si la marche n’a pas été un échec, certains au sein de la Nupes reconnaissent que la mobilisation aurait pu être plus forte, notamment en ayant réussi la jonction avec les syndicats.

Ambiance globalement bon enfant, même si quelques échauffourées ont émaillé la marche. Une agence de la Société générale, dans laquelle des individus ont réussi à pénétrer, a notamment été dégradée, a constaté une journaliste de l'AFP. Dans un tweet, le ministre de l'Intérieur a remercié les forces de l'ordre pour « avoir assuré la sécurité des personnes et empêché la dégradation de commerces durant la manifestation ». Gérald Darmanin avait décidé d'annuler un déplacement dans le Nord ce week-end pour rester à Paris en raison des risques de débordements entourant cette marche.

Dimanche soir, la Première ministre Élisabeth Borne, qui intervenait à la télévision sur TF1, n'a pas commenté la manifestation. Mais elle a tenté de désamorcer par avance toute contagion : « Je le dis clairement, toutes les entreprises qui le peuvent doivent ouvrir des négociations et augmenter les salaires, répondre à l'attente des salariés ». 

Près d'une station-service sur trois (27,3%) manquait d'au moins un produit samedi, selon le gouvernement. Dans la région parisienne, la situation était plus tendue avec 39,9% des stations-service en difficulté. « C'est trop », a regretté la cheffe du gouvernement, demandant aux salariés grévistes du groupe énergétique TotalEnergies de « ne pas bloquer le pays ». S'il y avait « des situations très tendues demain [lundi], nous procèderions aussi à des réquisitions », a-t-elle prévenu.

Élisabeth Borne a en outre annoncé la prolongation « jusqu'à mi-novembre » de la ristourne de 30 centimes à la pompe accordée par l'État, assurant que Total allait « également » prolonger sa remise de 20 centimes. Cette mesure financée par l'État devait en principe descendre à 10 centimes à partir du 1er novembre.

Concernant le budget en débat à l'Assemblée nationale, le gouvernement devrait recourir à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter sans vote la première partie de son projet, a-t-elle indiqué, mais pas lundi. Les groupes de l'opposition « m'ont à peu près tous confirmé qu'ils ne voteraient pas le budget et qu'ils voteraient même contre. Donc on sera sans doute amenés à recourir au 49.3 mais, contrairement à ce que dit Jean-Luc Mélenchon, ça ne sera pas demain » lundi, a affirmé la Première ministre.

RFI

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