Publié le 22 May 2021 - 03:21
GESTION DE L’ENVIRONNEMENT MARIN

La bouée ‘’Melax’’ remise à l’eau

 

Le Sénégal dispose une fois de plus d’un appareil à même de collecter toutes les données du fond marin et de suivre son évolution. La bouée ‘’Melax’’, en cours de réparation, permettra de fournir des prévisions en faveur de la pêche sénégalaise, tout en analysant l’impact des activités pétrolières et gazières prochaines.

 

A l’instar de bon nombre de pays d’Afrique de l’Ouest, les informations relatives à l’environnement marin sénégalais sont assez rares. D’où l’acquisition, en 2014, d’une bouée nommée ‘’Melax’’ (éclair en wolof) par le projet Préface.

Cependant, cet outil de mesure (de la température, salinité et acidité des courants, de la concentration du plancton, de la vitesse de l’eau, des sons, des radiations solaires du fond marin) se retrouve souvent piégé dans les filets des pêcheurs. Actuellement en réparation au Port autonome de Dakar, les scientifiques impliqués dans le projet ont tenu hier une rencontre de sensibilisation des pêcheurs quant à la fragilité de la bouée et des capteurs (étalés sur une profondeur de 35 m) qui y sont raccordés. Sa détérioration a coûté cher au Sénégal, car les données recueillies auraient permis de déterminer la cause exacte de la maladie subite des pêcheurs apparue en novembre 2020.

‘’La bouée peut subir des agressions intrinsèques prévues dans le projet. Il s’agit de la corrosion, de coups de vent et de vagues importantes qui provoquent des retournements de bouée. Mais il y a également des détériorations liées à des événements extérieurs tels que des filets de pêche entremêlés dans la bouée, des bateaux et pirogues qui viennent s’amarrer à la bouée. Les pêcheurs peuvent voir et reconnaître que c’est une bouée, mais ils ignorent qu’en dessous, il y a de nombreux capteurs qui valent très cher et qui sont très précieux pour la recherche’’, indique l’ingénieur en chef du projet Préface, Antonio Laurencio.

 A ce jour, seuls le Sénégal et le Maroc possèdent cet appareil de dernière génération. Il est le résultat d’une collaboration entre le Sénégal et la France, en océanographie, météorologie et étude du climat au travers de l’Institut européen Préface et l’Institut de recherche et de développement (IRD).

En outre, d’autres parties prenantes associent des scientifiques que sont les ingénieurs du Centre national de recherche scientifique (CNRS), du Laboratoire d’océanographie de l’Ucad, du Centre de recherche océanographique de Dakar-Thiaroye (CRODT), de l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) et de ceux du laboratoire l’Océan de Paris. D’une valeur globale de 65 000 000 F CFA, le projet Préface s’étale sur une deuxième décennie (début en 2010). Mais en l’absence de financements, il risque de prendre fin. En effet, l’entretien de la bouée nécessite une somme de 15 000 euros par an (environ 10 millions F CFA), collectée par les scientifiques actuellement à travers divers projets européens. De l’avis des chercheurs, le Sénégal gagnerait à prendre le relais de cet investissement qui en vaut le coup, vu l’importance des résultats récoltées par la bouée pour la pêche sénégalaise.

‘’La bouée est équipée d’un ensemble de capteurs qui permettent de faire un suivi en temps réel, en instantané et sur le long terme de paramètres essentiels de l’océan et de l’atmosphère dans le pooling sénégalais. Le pooling est une remontée d’eau froide venant des profondeurs, riche en nutriments pour les algues qu’on appelle le plancton. Et ce plancton permet la présence d’une bonne quantité de poissons au large du Sénégal, de la Mauritanie et du Maroc.  La bouée nous renseigne sur tout ce qui se passe en profondeur et on reçoit ces mesures en temps réel, grâce aux satellites dans les différents centres scientifiques. Elle peut aussi servir de piège aux poissons qui viennent autour de la bouée. Chaque année, on doit trouver environ 15 000 euros pour l’entretenir, réparer et acheter de nouveaux capteurs quand ils sont cassés ; payer des bateaux pour aller en mer. On arrive à rassembler cet argent grâce à des projets européens’’, renchérit le chercheur du laboratoire de la Sorbonne, Alban Lazare.

Après l’étape de sensibilisation des pêcheurs, il est prévu un échange d’informations entre la science moderne et la science traditionnelle des pêcheurs artisanaux du Sénégal.

‘’La bouée nous a beaucoup aidés’’

Ces derniers, pour leur part, disent être victimes de leur ignorance. ‘’Cette bouée nous est d’une grande utilité, surtout en termes de repère. Quand on est perdu e mer ou en difficulté sans GPS, dès qu’on voit la bouée, on sait que nous sommes aux alentours de Mbour. En cas de sauvetage, on se réfère toujours à ‘Melax’ pour orienter les sauveteurs. Aussi, il y avait beaucoup de poissons en dessous (les pélagiques). Nous étions surpris et inquiets de ne plus voir la bouée. Il a fallu qu’elle soit retirée pour qu’on prenne conscience de son importance. Vraiment, on ignorait que nous étions la cause de sa détérioration, encore moins qu’il y avait autant d’appareils. Au sortir de cette rencontre, je vais rendre compte aux pêcheurs et on va s’organiser pour que les pirogues et les bateaux fassent attention à la bouée. Normalement, les bateaux ne doivent pas approcher son périmètre, car cette zone revient à la pêche artisanale’’, explique le vice-coordonnateur du Conseil local de la pêche artisanale (CLPA) de Joal-Fadiouth, Mamadou Sadji. 

D’une manière générale, l’objectif de la mise à l’eau de cette bouée est de combler un vide dans l’observation systématique et à long terme de l’environnement marin au Sénégal et en Afrique de l’Ouest. Pour le chercheur Amadou Gaye de l’Ucad, les données marines sont capitales dans la compréhension de la productivité de la mer. ‘’La grosse difficulté qui se pose aux chercheurs dans les mécanismes de la variabilité du climat à différentes échelles, c’est l’absence d’observation. Il y a des modèles qu’on utilise pour faire des prévisions et d’autres qu’on utilise pour suivre l’évolution des paramètres atmosphériques ou océaniques. Mais pour tout cela, il y a un vide très important sur l’environnement marin. Seules quelques campagnes de mesures sont organisées par des bateaux étrangers qui font des observations et retournent chez eux.  On ne peut pas comprendre ce qui se passe dans l’environnement marin, si on n’a pas d’observations régulières et sur une longue durée. C’est le début d’un grand observatoire naturel de l’environnement marin qui va relier des données de l’océan, de l’atmosphère et du climat. Tout cela, on en a besoin, si on veut comprendre pourquoi il y a moins de poissons.  Il nous faut absolument des observations et de la connaissance pour pouvoir faire plus de science, mais surtout utiliser cette science pour l’aide à la décision, à la gestion de notre environnement marin’’.

Prévisions affinées pour la pêche et l’exploitation pétrolière

Les paramètres tels que les courants, la température, la salinité de l’eau de mer constituent l’habitat physique de ces poissons qui conditionne parfois leurs déplacements et impacte sur la reproduction des espèces. Une vérité scientifique qui exige la connaissance régulière de ces caractéristiques, dans le cadre de l’exploitation des ressources halieutiques.

Par ailleurs, les données recueillies par la bouée viennent alimenter les informations relatives au changement climatique. ‘’D’un point de vue climatique, elle va participer à améliorer les prévisions de l’Anacim qui conseille les pêcheurs avec parfois des incertitudes. Donc, les données atmosphériques vont participer à améliorer ces prévisions et à aider davantage les pêcheurs à optimiser leurs sorties. Nos pays sont pauvres en données sur le changement climatique. Ce qui réduit la capacité d’adaptation des populations sahéliennes.  Or, grâce à ces résultats, on pourra mieux gérer les ressources halieutiques et aider les autorités à prendre des mesures de gestion qui correspondent aux besoins alimentaires des populations, à la hausse de l’apport du secteur de la pêche au PIB, à alimenter la base de données des différentes institutions nationales’’, indique l’océanographe-physicien du CRODT, Docteur Saliou Faye.

Il souligne que ces données vont servir à identifier un écosystème de référence qui va permettre aux autorités de mieux suivre durant la phase d’exploitation du pétrole et du gaz les impacts en mer.

Le système de mesure est associé à des calculs sur ordinateur qui permettent de faire des prévisions en avance de deux semaines. Les mesures in situ vont donc permettre de savoir si les calculs par ordinateur sont proches de la réalité ou pas, sachant que le modèle qui simule l’océan sénégalais n’est qu’une reconstruction de la nature sur ordinateur. Les mesures réelles permettront de connaître les défauts et les corriger en vue d’informer à l’avance les pêcheurs sénégalais quant aux zones et périodes favorables ou non pour leur activité. La bouée vient ainsi compléter les données numériques et satellitaires existantes.

Plusieurs étudiants de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar en profitent pour boucler leurs travaux de recherche.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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