Publié le 14 Sep 2015 - 08:41
IRRESPONSABILITE DE LA COMMISSION DU PELERINAGE

La faillite de l’Etat

 

Depuis 4 jours, un drame se joue au Hangar des pèlerins. Plus de 200 pèlerins dont moi-même sont laissés en rade et risquent de ne pas effectuer le Hadj. Aucune information crédible n’émane de la commission nationale du pèlerinage.

Des pèlerins se sont opposés à l’embarquement de certains responsables qui ont dû fuir devant la détermination des candidats au Hadj.

Corruption, népotisme et politique politicienne sont avancés par certains pour expliquer la situation. Il est dit que le président de la République lui-même est en train de trouver des solutions.

Je considère cette possible intervention du président de la République comme la faillite du système et une défaillance inadmissible de toute la chaîne de commandement. Convoyer directement 2000 pèlerins et encadrer 8500 autres convoyés par des privés est une opération logistique à la mesure d’un Général de division ayant exercé de très hautes responsabilités militaires.

Les aspects religieux ne devraient pas compliquer l’opération et justifient amplement l’emploi de religieux bien outillés pour conduire les rites du pèlerinage.

Il appartient à la commission, avec méthode, organisation, engagement et initiative de mettre en place les différentes phases de l’opération. La phase préliminaire qui conditionne les autres phases repose sur la gestion de données fiables de personnes qui s’inscrivent pour le pèlerinage. Elle comporte un aspect administratif, un aspect médical, un aspect financier.

L’aspect administratif exige la production par le pèlerin de documents administratifs qui lui permettent de voyager et d’obtenir de l’Arabie Saoudite un visa d’entrée dans le royaume pendant la période du mois du Hadj. Le futur pèlerin doit avoir un passeport en cours de validité. A défaut un passeport lui est fait sous quarante-huit heures après présentation de sa carte d’identité. Cette phase peut poser des problèmes pour certains de nos compatriotes qui n’ont pas toujours tous ces papiers. Le ministère de l’Intérieur et notamment la direction des passeports ont pris toutes les dispositions pour régler les cas difficiles.

L’octroi du visa ne devrait pas présenter un cadre particulier du moment que chaque partie respecte les règles du jeu. La partie sénégalaise doit fournir les papiers exigés et dans le respect du quota alloué. La partie saoudienne, tenant compte de ses prescriptions de sécurité, délivre les visas au prorata du quota offert. Le Sénégal pèche à ce niveau par l’intervention de politiques politiciennes.

Les politiques offrent sur le tard des billets à leurs militants, perturbant le travail effectué depuis deux mois par la commission. Tout le monde a vu la Première Dame offrir des billets le jour du départ des premiers pèlerins. Ces gens qui se croient sortis des cuisses de Jupiter prennent le pas sur tout le monde, sans aucune transparence et dans une arrogance inadmissible dans un état normal.

L’état a failli dans cette phase et les règles édictées n’ont pas été respectées par les autorités gouvernementales. La corruption, le népotisme et l’incompétence qui tuent à petit feu ce charmant pays prennent le dessus. Les tenants du pouvoir, sans aucun respect pour le citoyen, mettent en marche les méthodes qui ont toujours dominé ce pays. Des règles sont faites pour être respectées et les premiers à devoir les respecter doivent être les tenants du pouvoir.

Il suffit d’avoir un petit décret dans sa poche pour se croire au-dessus des lois. Autant nous avons dénoncé l’arrogance des hommes de pouvoir de la première alternance, autant nous dénonçons avec énergie, vigueur et sans retenue les pratiques malsaines des nouveaux dirigeants qui tiennent en otage tout ce pays.

L’aspect médical ne nécessite pas de remarques particulières. Une constante de l’opération logistique militaire repose sur l’aptitude médicale et le suivi médical d’une population a priori saine. Les médecins commis et qui sont employés par la commission doivent être intransigeants dans le cas d’aptitude médicale.

Un malade ne doit pas partir à La Mecque comme un militaire inapte ne participe jamais à une opération militaire. Nous avons l’habitude de mettre tout sur le dos de Dieu, cependant, la famille du pèlerin mort dans le hangar devrait poursuivre et la commission et le docteur ayant délivré le certificat d’aptitude après autopsie du corps.

Le suivi médical doit être mieux organisé en éliminant tous les parasites qui gravitent dans la commission du pèlerinage du fait d’un népotisme sans fin. Des données fiables permettent d’affirmer que beaucoup de missionnaires sont présents grâce à des liens familiaux, des liens d’amitié, des liens de servitude et, plus graves si c’est avéré, des liens communautaristes. Chaque groupe de mille pèlerins mérite une équipe médicale de 4 personnes qui prend en charge le suivi médical pendant tout le séjour.

L’aspect financier a bien été pris en compte, l’Etat ayant encaissé par la Banque Islamique les deux millions six cent cinquante mille francs de chaque pèlerin. Je ne veux pas croire comme certains l’affirment que les billets offerts par les politiques proviennent de cette manne financière.

J’ai payé deux millions six cent cinquante mille francs pour un séjour de 21 jours tous frais compris à La Mecque. Mon ami qui insistait pour que j’aille avec lui dans le privé a payé la même somme pour 28 jours. Il a fait un voyage sans souci et sans problème avec une escale parfaite à Istanbul.

7 jours me sont ainsi volés par rapport à lui et le calcul est vite fait : trois pèlerins comme moi financent un pèlerin à qui des politiques offrent ainsi un billet et des frais de séjour. C’est du vol organisé et une hypocrisie lamentable de la part de ceux qui nous gouvernent. En plus, cela expliquerait le retard constaté dans l’octroi de tels billets.

Ces billets ont été offerts après le premier septembre alors que les inscriptions pour le pèlerinage ont été closes le 15 juillet. C’est inacceptable en termes de bonne gouvernance. En outre, en vertu de quoi est-il offert des billets de La Mecque à des militants politiques si ce n’est pour des fins politiques ?

Certes, le Commissariat m’avait contacté la semaine dernière pour me demander de changer mon passeport, le mien fourni étant illisible. Cependant, dans mon cas précis, cela ne peut être une excuse pour la bonne raison que j’avais décidé de partir à La Mecque avec mes deux grands frères qui ont fourni à temps leurs passeports. Toujours est-il que des personnes ayant eu des bons d’Etat ont eu un visa après avoir déposé leurs passeports bien après moi.

Ma philosophie dans cette affaire est simple et sans équivoque : soit Dieu ne m’a pas encore appelé et n’agrée pas ma volonté, soit des personnes corrompues, incompétentes et très hypocrites ont fait des manœuvres qui justifient le dépassement du quota de visas alloué par l’Arabie Saoudite. Ces personnes ont failli. Le service public a failli. Beaucoup de mes amis qui sont aujourd’hui à La Mecque m’avaient averti des dysfonctionnements de la commission.

Je ne voulais pas y croire, mon sens du devoir m’interdisant de manquer de confiance a l’État. Ils ont eu raison sur moi. L’Etat et sa commission ont failli. J’exige des sanctions. J’exige des informations. J’exige un service public normal. J’exige une rupture dans les pratiques malsaines et nébuleuses de l’Etat. J’exige un Plan Sénégal Normal avant un Plan Sénégal Emergent.

Il y va de notre avenir, de notre devenir et de la survie de nos enfants. Je refuse d’être un mouton de Panurge et d’accepter l’inacceptable ;

En tout état de cause, en attendant un éventuel voyage à La Mecque, voici les premières remarques qui me font regretter amèrement le choix de faire confiance à l’Etat pour mon premier pèlerinage à La Mecque. Le système a failli et depuis 4 jours, je poireaute dans un hangar sans toilettes, dans la chaleur, au milieu de gens simples, tristes et qui en veulent à tout le monde. Leur misère est la négation de l’Etat.

COLONEL  ABDOULAYE AZIZ NDAO

 

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