Les magistrats, bientôt à l’épreuve de l’évaluation
Le corps de la magistrature fait partie des plus souverains du système étatique d’un pays. Cependant, malgré cette souveraineté, ils restent soumis à des règlements institués par la législation qui les contraints à certains principes parmi lesquels, l’évaluation. C’est dans ce cadre que le Ministère de la Justice a prévu de soumettre les magistrats du Sénégal à l’épreuve de l’évaluation. Les fiches d’évaluation ont été partagées avec les concernés lors d’un atelier de trois jours qui s’est déroulé cette semaine à Saly Portudal.
Aux yeux de beaucoup de citoyens, les magistrats sont les plus libres du système juridique sénégalais. Mais, cette idée ne peut pas prospérer au regard du programme du Ministère de la Justice qui va mettre en application les textes régissant l’exercice de cette fonction. En effet, le statut des magistrats prévoit en son article 43, un dispositif d’évaluation. Dans cette perspective, informe Abdoulaye Ndiaye, « l’évaluation du magistrat qui se fait chaque année à partir du 15 août, sera régi à partir des fiches d’évaluation dont les caractères sont fixés par un décret ». Il précise que cet exercice « se traduit par une note chiffrée assortie d’une appréciation globale basée sur le professionnalisme et le mérite ».
Selon le même texte de statuts des magistrats, en son article 44, « cette évaluation est contenue dans une fiche dont les caractéristiques sont fixées par décret ». C’est d’ailleurs dans ce cadre que le ministère de la Justice a regroupé l’ensemble des chefs de cours, chefs de juridictions de Dakar, membres de la Cour suprême dont le premier président et le Procureur général, les présidents et procureurs généraux près les Cours d’appel (CA), les présidents et procureurs, entre autres acteurs du système judiciaire, dans un atelier de partage de ces fiches.
Dans cette lancée, Cheikh Ndiaye, Premier président de la cour d’appel de Saint Louis, estime que c’est une initiative qui vient à son heure. Selon lui, le texte est nouveau, et même si, c’est vrai que le système d’évaluation était prévu depuis 2018, il y a toujours un processus ou une phase d’adaptation au bout duquel tous les magistrats de toutes les juridictions se mettent au diapason pour pouvoir appliquer correctement les textes. « Le système d’évaluation des magistrats à titre principal et à usage interne pour que le processus d’évaluation et de notation des magistrats soit connu dans la chaîne hiérarchique interne et ensuite au niveau de l’administration centrale. Mais, il peut être utile aux justiciables, parce que l’idée la plus répandue est que les magistrats travaillent en vase clôt, personne ne sait qu’ils font et ils sont munis d’une certaine impunité, alors que ce n’est pas le cas.
Les magistrats du tribunal de grande instance sont suivis, supervisés et évalués par le président du TGI à l’intérieur du ressort, le président de la Cour d’appel supervise tous ces magistrats-là », explique Cheikh Ndiaye. Poursuivant, il précise : « Maintenant, il faut que tout ça soit formalisé et cela doit résulter des procédures objectives, égalitaires et contradictoires, pour que celui qui est évalué ait son mot à dire et qu’au bout du compte, que l’on puisse avoir une notation transparente qui puisse rendre compte du profil du magistrat, pour qu’au moment des nominations et même dans les procédures disciplinaires qu’on connaisse le profil du magistrat, afin qu’on sache à qui on a à faire », a laissé entendre le 1er Président qui ne trouve pas normal « qu’on sorte le dossier d’un magistrat et qu’on ne voit aucune de notation qui renseigne le comportement du magistrat vis-à-vis de ses collègues et des justiciables ». Il estime qu’ « il faut faire des évaluations qui permettront d’avoir des renseignements sur la nature de la personne ».
Dans la foulée, le Directeur des Services Judiciaires a annoncé la réalisation d’un outil informatique pour la gestion des informations sur les magistrats. « Nous sommes en train de travailler sur un système d’information des ressources humaines qui est une application informatique qui a été mise en place au niveau de la Direction des Services Judiciaires qui permet de renseigner en temps réel de la carrière de tous les magistrats. Il s’agit juste d’automatiser le dispositif papier qui existait au niveau de la Direction des services judiciaires et qui permet de moderniser davantage notre système de gestion des ressources humaines », a projeté le Directeur.
IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)