Publié le 30 Aug 2013 - 17:20
MÉDIATION PÉNALE AVEC TAHIBOU NDIAYE

 La volte-face de l'Etat qui peut discréditer tout un processus

 

 

Si les avis sont partagés sur la gestion par l'État du dossier Tahibou Ndiaye, la classe politique s'accorde sur l'obligation du régime en place d'informer l'opinion sur les conditions de libération de l'ancien directeur du Cadastre arrêté et accusé d'enrichissement illicite portant sur des deniers publics puis libéré grâce à une médiation pénale.

 

 

L'affaire Tahibou Ndiaye telle qu'elle a été gérée par l'État suscite beaucoup d'interrogations chez bon nombre de citoyens sénégalais. Selon l'Union des indépendants du Sénégal (Unis), elle ''semble traduire une justice au comptoir et à la tête du client''. ''Une pratique sélective qui devait précisément être enrayée par une application impartiale, claire et rigoureuse de la loi par la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI)'', selon Amadou Guèye, Président de l'Unis et ses camarades. Qui, dans une déclaration publiée hier, tire la sonnette d'alarme sur ''la continuation de cette pratique qui donnera incontestablement des résultats plus décevants eu égard aux espoirs attendus d’aller vers une gouvernance judiciaire indépendante et non soumise aux ordres et intérêts ponctuels au sommet de l’État''.

C'est à ce titre que le président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY), Moustapha Diakhaté, interpelle l'État. ''Tout sénégalais pris en flagrant délit de détournement de deniers publics ou d'enrichissement illicite à partir de sa position de pouvoir, doit non seulement rembourser les sommes spoliées mais doit être sévèrement sanctionné pénalement et pécuniairement'', estime-t-il. Non sans encourager l'État à ''prendre des décisions judiciaires pour que cet homme ou cette femme reconnu coupable d'enrichissement illicite ne puisse plus exercer une fonction publique élective ou nominative à vie''.

Arrêté il y a quelques jours de cela, l'ancien directeur du Cadastre hume depuis mardi dernier l'air de la liberté après avoir restitué 3,6 milliards de ses biens estimés à environ 7 milliards de nos francs. Mais à l'heure où nous écrivions ces lignes, aucune information sur les conditions de sa libération n'avait été donnée ni par le procureur spécial de la Crei, ni par le ministère de la Justice. Mais selon Moustapha Diakhaté, ''l'opinion doit savoir si la justice a signé une convention avec l'ancien directeur du Cadastre''. ''Le dieu de la démocratie, c'est l'opinion ; elle doit être informée de ce que font les gouvernants, que ce soit l'Exécutif, le Législatif ou le Judiciaire. Les populations ont le droit de savoir ce qu'on fait en leur nom'', déclare-t-il.

 

«Confusion au sommet de l'Etat»

De toute évidence, renchérit le secrétaire général du Mouvement des radicaux de gauche, Mamadou Wagué, ''les Sénégalais ont demandé que la lumière soit faite sur la gestion qui a eu lieu avec le gouvernement précédent''. Maintenant, précise-t-il, ''si la justice recourt à la médiation pénale, c'est parce que dans le cadre de ses fonctions, cela est permis''. Pour autant, ''elle doit clarifier sa démarche'', selon lui.

''Lorsqu'il y a eu la confusion au sommet entre les déclarations de Abdou Latif Coulibaly ou de Me El Hadji Diouf, contredits par Abou Abel Thiam et Aminata Touré, c'est finalement le président Macky Sall qui est intervenu en arbitre en soutenant que l'État ne va pas recourir à la médiation pénale dans la traque des biens mal acquis'', rappelle le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), le Dr Dialo Diop. Qui constate, dans la gestion de ce dossier, ''une volte-face du président de la République''.

Médiation pénale ou pas, ce qui est important, selon le porte-parole de Yoonu askan wi, Madièye Mbodj, ''c'est comment faire dans les cas avérés de détournement de deniers publics et d'enrichissement illicite pour obliger les coupables à rendre gorge jusqu'au dernier centime et qu'il y ait une sanction exemplaire pour dissuader les fonctionnaires de l'État''. ''Il faut qu'il y ait une démarche claire, transparente au vu et au su de tout le monde ; qu'on dise s'il est coupable ou pas. A ce moment-là, ils peuvent châtier très sévèrement pour que ces cas ne se renouvellent pas'', soutient-il.

Pour sa part, le député Imam Mbaye Niang, leader du Mouvement de la réforme pour le développement social (MRDS), interpelle directement le Procureur spécial de la Crei qui doit, selon lui, ''clarifier la situation pour éclairer les Sénégalais''.

 

Pds, Ps et Ld se défilent

''Acte de reddition publique des comptes, la traque des biens mal acquis doit donner un message clair à tous que le détournement des ressources publiques par les hauts fonctionnaires et autorités politiques, mène à la prison et à leur restitution jusqu’au dernier centime'', persifle Amadou Guèye. Précisant en outre qu'''elle ne saurait donc se réduire  au versement de quelques montants remis par les grands criminels à col blanc pour acheter leur liberté et échapper ainsi à l’application de la justice, la même qui met en prison des voleurs de bétail et coupables de menus larcins''. À ce titre, il demande à la CREI ''de ne pas minimiser l’impact de cette affaire qui  risque de miner la crédibilité du processus engagé pour la moralisation de la vie publique''.

Il faut relever que nombreux sont les hommes politiques qui n'ont pas voulu se prononcer sur l'affaire Tahibou Ndiaye. C'est le cas du président du groupe parlementaire Pds, Mamadou Diagne Fada qui, interrogé hier sur la question par EnQuête, a répondu : ''C'est un sujet sensible sur lequel je ne peux pas me prononcer.'' ''Je me préserve de parler de ce dossier dont je ne maîtrise pas les contours. Je ne sais absolument rien du dossier'', sert pour sa part, Abdoulaye Wilane, chargé de communication du Parti socialiste. À la Ligue démocratique, ''la question n'est même pas posée au sein de leurs instances'', renseigne le coordonnateur des cadres, Alpha Ousmane Aw.

 

 

 

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