Le premier ''ndëpp'' du foot sénégalais
Convié par la Direction technique nationale, le monde du football sénégalais s’est réuni hier, dans un grand hôtel de Dakar, pour ausculter ce sport au Sénégal.
Enfin ! Le football national sénégalais a tenu ses ''Assises''. Initiée par la Direction technique nationale du football (Dtn), la rencontre, sous le thème ''Journée de réflexion et d’échanges'', a permis aux nombreux techniciens, dirigeants et administrateurs présents de mettre le doigt sur les maux qui gangrènent le football sénégalais. Campant le débat dès l’entame de la rencontre, le nouveau Directeur technique national, Mayacine Mar, a appelé à une maîtrise du calendrier des compétitions. Rien moins que ça. ''Le concept d’échange, de partage semble être la seule solution de progrès de notre football. Chaque année, notre calendrier est non maîtrisé et il faut arriver à créer une saison dont le début et la fin sont connus'', a-t-il déclaré. D'après lui, ce calendrier répond plus à des critères financières qu'à un objectif de compétitivité.
''Sentir'' la DTN sur la programmation des matches
Les techniciens ont dit en effet leur indignation en constatant que le championnat de deux poules, qui ne permet que quatorze matches aux joueurs, se déroule sur 9 mois. Pis, les play-offs se jouent sur trois mois. Pour Joe Diop, président de l’Association des entraîneurs et formateurs, ''il faut sentir l’autorité de la direction technique sur les programmations''.
Le président de Diambars, Saër Seck, a botté dans la même direction tout en s'interrogeant : ''Comment vendre un football qui n’a pas de date, pas de programmation, pas de public ? Quel sponsor va s’engager pour 14 matches. Il faut que les clubs s’adaptent aux exigences du foot sénégalais.'' Quant à l’ex-coach de Jaraaf, Alassane Dia, il s'est insurgé contre la primauté accordée à l’argent sur l’aspect sportif. Plus virulent, l’ex-coach de la Jeanne d’Arc, Roger Mendy, a mis la lutte au banc des accusés. ''C’est normal que le championnat dure, car on programme et on déprogramme à cause de la lutte. La lutte nous prend notre stade'', a dénoncé l’ancien international.
''Il n'y a rien de professionnel dans notre football''
Aussi acerbe que son ami et ancien de la Jeanne d’Arc et de l’équipe nationale, Moussa Ndao a flétri le manque de respect des coaches sénégalais. ''Dans la programmation, on n’associe pas les techniciens. Les entraîneurs acceptent les situations de miskin (quémandeur)''. D'après en outre l'ancien international attaquant, ''les clubs ne sont pas prêts, il n'y a rien de professionnel dans le football. C’est la même situation que par le passé'', a martelé l’ancien coach de la JA. Il est rejoint par Alassane Dia qui résume ainsi la culture actuelle du foot sénégalais : ''Les gens ne jouent pas. Nous avons fait 90% de chance et 10% de travail, contrairement à la règle qui demande 90% de travail et 10% de chance.'' Pour Yérim Diagne, ancien entraîneur adjoint de l’équipe nationale, ''l’amateurisme est toujours présent dans le football. Il y a des joueurs qui préparent la Coupe de Ligue et qui jouent en même temps dans les Navétanes (football populaire, Ndlr)''.
Les coaches de l’équipe nationale de foot, Joseph Koto et Karim Séga Diouf, ont bouclé le débat en se posant des questions. ''Qui est footballeur professionnel et qui est footballeur amateur'', s'est demandé Koto. ''On ne sait pas dans quel football on se trouve'', a renchéri son adjoint. Pour Karim Séga : ''Une formule à deux poules avec 14 matches la saison et vouloir être compétitif, c’est se mettre le doigt dans l’œil. La formule de cette saison est à enterrer''. Des vérités crues aux allures de ''ndëpp'' (séance d'exorcisme) du foot sénégalais.
MAMADOU LAMINE SANÉ