Le «discours de politique générale» d'Aminata Touré

Le ministère de la Justice a visiblement d'autres (nombreux) chats à fouetter en même temps que le suivi de la traque des biens mal acquis...
D'une certaine manière, le ministre de la Justice pourrait avoir répondu à ceux qui l'accusent, dans le sillage du gouvernement, de n'avoir pour programme politique que la traque des biens mal acquis. A l'assemblée générale de l'Union des magistrats du Sénégal (UMS), Aminata Touré a fait un véritable «discours de politique générale» autour du secteur de la Justice. Et les annonces en ont été nombreuses, avec certaines redites.
Le viol plus criminalisé que jamais
Au rayon des réformes du Code pénal envisagées par le gouvernement, figurent le recel de détournement de deniers publics, la corruption d'agents publics étrangers, les violations relatives aux marchés publics. Mais également la criminalisation de la non dénonciation de viol tenté ou consommé sur mineur de 15 ans, les abus de faiblesse, l'atteinte à la vie privée, le vol et recel d'informations, la fausse alerte, etc.
Pour le Code de procédure pénale, «des modifications sont en cours», a rappelé Mme Touré. Elles concernent, entre autres, «l'inéligibilité des personnes pour détournement de deniers publics pour une période de dix ans», «le renforcement des pouvoirs des juges d'instruction dans la collecte des preuves ou des données informatiques en cas d'infraction en matière de cybercriminalité», «l'érection de la fuite comme cause de suspension du délai de prescription de l'action publique», «l'institution d'une perquisition nocturne en matière de détournement de deniers publics et d'infraction contre les biens publics».
Perquisition nocturne
Ces modifications du code de procédure pénale visent aussi à permettre aux mineurs victimes de viol de poursuivre leurs bourreaux à l'âge de la majorité, a ajouté le Garde des Sceaux. En matière de flagrant délit, la réforme vise à obliger le Procureur de la République à «traduire la personne poursuivie (…) dans un délai précis sous peine de caducité du mandat de dépôt». Dans ce registre d'accélération des procédures, «l'interdiction de la pratique des retours de parquet» sera codifiée.
Par ailleurs, un délai de prescription de sept ans sera élargi «au trafic illicite de migrants et à la traite des personnes», et «une procédure de convocation sur procès-verbal» sera établie pour l'officier de police judiciaire. Vieille revendication dans une frange de l'opinion publique, donner «la possibilité pour le juge répressif d'allouer d'office au besoin, en cas de relaxe, des dommages et intérêts sur la base d'une faute civile».
Rebeuss vendu pour construire Sébikhotane
Sur un tout autre plan, le ministre de la Justice a affirmé que le programme de construction d'infrastructures judiciaires et pénitentiaires a jusqu'ici été «exécuté à 80% (et) va se poursuivre» en parallèle avec un redécoupage de la carte judiciaire nationale. Une politique qui se traduira, selon elle, par «la création de sept nouveaux tribunaux de grande instance» à Pikine-Guédiawaye, Rufisque, Tivaouane, Mbacké, Mbour, Sédhiou et Kaffrine.
L'argent tiré de la vente de la prison de Rebeuss sera utilisé pour la construction de la maison d'arrêt et de correction de Sébikhotane, prévue pour 1 500 détenus, en plus d'abriter l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire. Pour Aminata Touré, «l'Île de Beauté» qu'est la Justice mérite tant de sacrifices financiers...