Publié le 26 Mar 2018 - 21:16
MARCHE DU COLLECTIF POUR LA PROTECTION DE L’ENFANCE

Les manifestants exigent des mesures fortes

 

Contre l’enlèvement, le meurtre et la maltraitance des enfants, le Collectif  pour la protection de l’enfance a marché ce week-end. Il attend des pouvoirs publics des actes concrets et des mesures fortes.

 

Perdus dans le tintamarre d’une sonorisation explosive, les enfants, de par leurs regards innocents, ne comprennent visiblement pas grand-chose de ce qui se joue autour d’eux. Qu’à cela ne tienne, ils sont mis au-devant de la scène pour les besoins de la théâtralisation devant les caméras de télévision et le souci de légitimation de l’adage : ‘’Tout ce qui se fait pour moi et sans moi est contre moi.’’ Aux premières heures de cette marche du Collectif pour la protection de l’enfant, un fait est à relever quant au profil et à la composition de ceux qui ont répondu présent. Ces marcheurs étaient composés, majoritairement, de jeunes filles et garçons. Ce qui était censé être la marche des mères et des pères en faveur de la protection des enfants, ressemblait plutôt à une protestation de la génération 2.0, c’est-à-dire celle qui utilise beaucoup les réseaux sociaux pour ses activités.

D’où la colère du rappeur Simon venu soutenir l’initiative : ‘’J’ai envie de crier un autre ras-le-bol. Je vois des Sénégalais s’offusquer un peu partout à travers le net, mais  quand il s’agit de descendre sur le terrain, vous ne voyez personne. Il faudrait arrêter cette hypocrisie, ce cinéma, cette mascarade. Il ne s’agit pas d’être des révolutionnaires Internet. Mais les choses se passent sur le terrain’’, s’est indigné le rappeur, non sans dénoncer le manque de solidarité et l’occidentalisation de la société sénégalaise. ‘’L’autre chose, c’est que les gens ne s’occupent plus que de leurs enfants et de leurs familles. Aujourd’hui, on devrait se surveiller. Mais nous nous occidentalisons et nous nous en fichons de la famille des autres, des voisins’’, a-t-il regretté.

Pour Aïcha Dramé, il n’est plus question que les Sénégalais restent les bras croisés, face au phénomène d’enlèvements et de meurtres d’enfants qui est en train de prendre de l’ampleur. Quant à Khadija Tandian, elle s’inquiète de la participation des acteurs politiques. ‘’Nous marchons pour exiger des réactions et des mesures fortes par les pouvoirs publics, la  société civile et par les parents. Aux politiciens qui sont là, je demande de marcher pour la cause des enfants et non pour récupérer notre combat. Nous sommes là pour nos enfants et non pour les politiciens’’, a précisé la juriste d’affaires et non moins présidente du Réseau national des femmes chefs d’entreprise.

Dans les propos de tous les marcheurs, une constante se dégage. Après la condamnation et l’indignation, il faut passer à des actes forts, exemplaires et dissuasifs. ‘’Nous sommes scandalisés par ce qui se passe. Les enfants  n’ont pas demandé à naitre. Ils doivent être protégés. Ce sont des innocents. C’est quand même incompréhensible que ça soit dans notre pays, réputé pour son hospitalité, où nous accueillons les étrangers, les protégeons, que  nous soyons incapables de protéger nos propres enfants.  Nous pensons que la peur qui nous habite en tant que parents doit changer de camp. On a l’impression que les malfaiteurs agissent impunément. L’Etat doit intervenir en apportant une stratégie dissuasive’’, a estimé le leader du mouvement politique Agir, Thierno Bocoum. L’ancien député de la 12e législature fait remarquer que le phénomène d’enlèvements d’enfants est devenu régional. Plus loin, il est d’avis qu’au regard de ce qu’il considère comme ‘’laxisme’’ de l’Etat, en ce qui concerne la mendicité, il y a aujourd’hui des gens d’autres nationalités qui emmènent leurs enfants pour mendier au Sénégal. ‘’Ne soyons pas étonnés, demain, que des personnes traversent des territoires pour venir prendre nos enfants’’, prévient l’ancien porte-parole de Rewmi.

Même inquiétude chez l’ex-parlementaire Aminata Diallo qui interpelle directement le président de la République, face au mutisme de la ministre qui s’occupe de l’enfance. ‘’Si on n’a pas d’enfants, c’est qu’on n’a plus d’avenir. Mais nous n’allons pas laisser en péril notre avenir. Nous attendons du gouvernement des réactions concrètes et disons au président de la République que ça suffit’’, réclame-t-elle.  

Au cours de la rencontre entre le collectif et le ministre de l’Intérieur, celui-ci avait promis la  mise en place d’un numéro vert et le renforcement du système de vigilance dans les quartiers, ainsi que d’autres mesures. Ce qui tarde à être matérialisé, selon Aïcha Dramé, membre dudit collectif.

REACTIONS

AIDA DIENE

Mame Anta Loumpieu, initiatrice de la marche

‘’Nous sommes plus de 15 000 membres à dénoncer ces actes’’

‘’Ce qui se passe en ce moment, tous ces enfants que l’on enlève. On ne sait pas ce qui se passe. C’est un cri d’une mère, c’est une mère qui a parlé. J’ai peur pour mes enfants et des autres. J’ai dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas. Lorsque j’ai lancé ce cri, tout le monde a répondu à une vitesse pas possible. On a créé le groupe le mardi à midi. Le lendemain, à la même heure, on était à 3 000 membres. Aujourd’hui (samedi) on est à plus de 15 000 membres. Tout le monde se sent concerné, mais, ils ne savaient pas par où commencer, il fallait juste que quelqu’un se lève et s’y mette. C’est un combat qui nous concerne tous et tout est mis pour que ça marche. Déjà, nous avons fait une mobilisation aujourd’hui et ça peut passer. Aujourd’hui, nous pouvons dire que nous avons un résultat, parce que nous avons eu le retour du ministère de l’Intérieur. Cela veut dire que ce que nous sommes en train de faire prend forme. De l’autre côté, il y a la responsabilité des familles. Le collectif ne doit pas se limiter tout simplement à marcher. On doit descendre dans les quartiers, sensibiliser. C’est vrai, au début, avec la colère, les gens disent que les parents ont démissionné. Je ne pense pas que quelqu’un qui a porté son enfant pendant neuf mois va démissionner. Peut-être l’information ne passe pas correctement et au départ, on avait nos mœurs, du fait qu’on laissait librement nos enfants. Aujourd’hui, les temps ont changé, il y a tout ce phénomène qui est là.’’

Cheikh Guèye, Adjoint maire ville de Dakar

‘’C’est une déchirure sociale, une folie’’

‘’Ce qui se passe dans le pays est inadmissible, inacceptable, inhumain. Avant d’en arriver-là, il fallait des mesures, parce que nous ne connaissons pas cela. Nous devons revoir les comportements. Je suis venue participer à cette marche le cœur meurtri. Notre histoire, c’est une histoire de solidarité, d’amour, de cohésion, nous sommes des croyants et la vie humaine est sacrée. Dieu est le premier à s’adresser à la vie humaine. Nous autres humains, nous devons, la main dans la main, nous protéger, protéger la société, nos familles, nos enfants. Le Sénégal est signataire de plusieurs conventions internationales dont l’essentiel de ces conventions s’adressent à l’enfance, à sa protection. Il y a beaucoup de structures, d’institutions dédiées à la protection de l’enfance. Il y a même un ministère dédié, mais quand cela arrive, on ne les voit pas. Les autorités doivent agir. L’Etat est le premier protecteur, le garant de la sécurité, de notre sécurité et celle de nos enfants. Il est interpellé, il doit assumer sa partition dans cette problématique qui secoue le pays. C’est une déchirure sociale, une folie. Même les animaux ne vivent pas cette situation, à plus forte raison l’espèce humaine.’’

Aïda Mbodj, député à l’Assemblée nationale

‘’Ce qui nous désole, c’est le mutisme du gouvernement’’

‘’Je pense que c’est un fléau, une catastrophe. Ce qui nous désole le plus, c’est le mutisme du gouvernement. Il a fallu que l’on dépose notre question d’actualité mardi (dernier) matin pour que le soir, la police soit instruite pour se prononcer. Je pense qu’il ne sert à rien de revendiquer quoi que ce soit. Il faudrait que chacun joue sa partition et que l’on mette en place une synergie capable d’identifier les criminels, les complices, amener le gouvernement à agir.

Nous avons affaire à des bandits qui sont organisés. C’est une série qui tourne autour des enfants, qui pousse les enfants jusque dans leurs derniers retranchements. Aujourd’hui, les enfants se sont retrouvés dans leurs écoles, maisons. Il ne suffit pas de sacrifier les enfants de la rue, mais tous les enfants. Personne n’est à l’abri, aucune famille n’est protégée. Or, l’Etat a la mission régalienne de protéger les populations, les familles et leurs biens. C’est cette synergie dont nous avons besoin et non autre chose. Face au mutisme de l’Etat, nous étions obligés d’user de notre droit de parlementaire et de déposer cette question d’actualité.’’

Malick Gackou

‘’La famille sénégalaise est menacée’’

‘’Je suis là en tant que père de famille, manifester ma solidarité à toutes les familles sénégalaises. Avec cette situation récurrente d’enlèvements d’enfants, c’est la famille sénégalaise qui est menacée. Bien évidemment, le peuple sénégalais doit se lever, c’est la raison pour laquelle, en tant que père de famille, je suis à côté des familles sénégalaises. D’une part, pour dénoncer cette situation, surtout manifester mon courroux face à l’absence des mesures hardies du gouvernement, puisque ce sont des situations inacceptables, à la fois inadmissibles dans un pays et dans les démocraties qui se respectent. C’est aussi une occasion pour moi de rendre hommage au comité d’organisation qui n’a ménagé aucun effort pour favoriser les conditions d’organisation de cette marche, surtout mobiliser les Sénégalais autour de la sensibilisation et je supporte leur plaidoyer. Aimer son pays, c’est aimer l’enfant, c’est le plus grand patrimoine.’’

MAMADOU YAYA BALDE

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