Un métier pas fait pour les femmes…
Côtoyer les morts n’est pas donné à tout le monde. Selon El hadj Djiby Sall, qui veille sur le cimetière de Dangou (Rufisque Nord) depuis plusieurs dizaines d’années, ‘’aucune femme ne peut et même ne doit avoir la prétention de garder des morts’’.
Clôturé par un mur d’une centaine de mètres peint en vert et blanc, couleurs de l’islam, le cimetière de Dangou s’impose majestueusement au fin fond du quartier du même nom situé au nord de la ville de Rufisque. Un silence de… mort règne à l’entrée des lieux. Sur la droite, se dressent deux chambres qui ont tout l’air d’un hangar. Balais, pelles, râteaux, brouettes, tableaux d’identification, tout s’entremêle dans cet endroit poussiéreux et crasseux. Le maître des lieux n’autorise l’accès qu’aux gens qui doivent enterrer leurs morts.
Assis sur une natte installée devant le hangar, El hadj Djiby Sall se lève dès notre arrivée, apparemment étonné et intrigué par notre présence. Après les salutations d’usage, le vieil homme de 89 ans, haut comme trois pommes, est formel : son métier n’est pas fait pour les femmes. ‘’En plus de garder le cimetière, je me charge de creuser les tombes, de les entretenir, de les balayer, de nettoyer les tableaux ; bref, de rendre propres ces lieux de repos éternel. Pensez-vous qu’une femme a le courage de faire ce travail ? Côtoyer les morts n’est pas donné à tout le monde, hum !’’, lance-t-il en secouant la tête comme s’il venait de proférer des menaces. El hadj Djiby Sall est simplement convaincu de l’impossibilité, pour la gent féminine, d’exercer ce métier.
Il semble d’ailleurs dépité, dès qu’on insiste sur la probabilité pour lui d’être secondé par une femme. ‘’Voyez-vous, je suis né en 1929, donc je ne suis plus jeune, je n’ai plus la force de creuser des tombes. Mais en aucun moment je n’ai pensé à me faire remplacer par ma seconde épouse, encore jeune, ou par ma fille d’une trentaine d’années, qui est célibataire sans enfant. Quoique robustes, elles n’ont ni le courage ni la sérénité requise pour exercer ce métier. La foi, n’en parlons pas. C’est une affaire d’homme’’.
Employé par la municipalité de Rufisque, le gardien de cimetière perçoit 30 000 F Cfa par mois. Une somme dérisoire pour entretenir ses deux épouses et ses trois enfants. Pour autant, il ne se plaint pas. Il dit être passionné. ‘’Je me promène sans aucune crainte à l’intérieur du cimetière. Je veille à tout sans sourciller’’, confie-t-il.
Du fait de son âge avancé, le vieil homme fait appel à son neveu pour le relayer de temps à autre. Il compte d’ailleurs faire de lui son héritier, en tant que gardien des lieux.
Ndèye Arame Mbaye (Etudiante au Cesti)