Publié le 30 Mar 2018 - 11:51
DOSSIER WARI

Les ex-associés de Kabirou Mbodje saisissent la Bceao et n'exclut pas l'Uemoa

 

La guerre des associés, à la société Wari, ne se limite pas au plan judiciaire. Elle a tout naturellement atterri au niveau de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao). Son gouverneur a été saisi de deux correspondances par les ex-associés de Kabirou Mbodje. La première est datée du 22 mars 2017.

D’ailleurs, celle-ci fait suite à une signification de lettre adressée pour alerter et dénoncer le détournement du réseau des Points services interactive au profit d’Interlinq, société unipersonnelle de M. Mbodje. Seulement, les co-fondateurs de Wari, Seyni Camara, Malick Fall et Cheikh Tague, se désolaient que ces correspondances soient restées sans suite. Une raison qui a poussé le trio à saisir à nouveau la banque centrale, à travers une missive datée du 19 mars dernier. Dans cette lettre de relance, les signataires alertent Thiemoko Koné sur ‘’les dérives persistantes‘’ du Pdg de la société de transfert qui ‘’risquent de mettre en péril tout un écosystème’’.

Cependant, ils n’ont pas manqué de déplorer qu’aucune diligence n’ait été effectuée et qu’aucune mesure conservatoire n’ait été prise, aussi bien par la Bceao que par le ministère de l’Economie et des Finances. Aussi, ils expliquent avoir interpellé à nouveau la banque, car ‘’conscients du risque systémique’’ que M. Mbodje fait supporter à l’ensemble du secteur de la finance digitale. En fait, les signataires lui reprochent trois griefs qui, à leur avis, ne devraient pas être ignorés par la Bceao et les banques partenaires de Wari. Le premier porte sur le ‘’détournement de devises et d’objets’’.

Dans les faits exposés, les co-fondateurs accusent leur associé d’avoir créé à Hong Kong une structure écran sous le label Wari Limited avec un certain David Wang. Dans la même veine, ils lui reprochent d’avoir ouvert à son nom un compte à Hsbc, en vue de ‘’recevoir en toute illégalité le préfinancement et les couvertures des opérations de transfert international’’. Ce que les sieurs Camara, Fall et Tague qualifient ‘’d’acte en violation flagrante de la réglementation des changes’’. Puisque, arguent-ils, ‘’les transactions s’effectuent au nom de Wari Sa’’. Or, avec cet acte, ‘’des dizaines de millions d’euros ont transité sur ce compte’’. Pour étayer leurs propos, les correspondants de la Bceao renseignent que les états financiers 2016 ne sont pas encore certifiés par les commissaires aux comptes’’. Pis, ils révèlent que ce même compte a aussi servi à régler les acomptes sur les opérations de rachat de la Siab au Togo et d’acquisition de Tigo au Sénégal.

Banques fictives

D’autre part, les auteurs de la correspondance reprochent à Kabirou Mbodje d’avoir fait des détournements de dépôts par le biais des transactions non dénouées. Car, renseignent-ils, ‘’les montants issus de ces opérations sont transférés sur un compte marchand puis récupérés en cash et reversés sans scrupule dans son compte de sa société unipersonnelle Interlinq ouvert dans les livres de Fbn Bank. La troisième accusation porte sur le faux et l’usage de faux ainsi que les détournements de commissions et de dépôts. A ce propos, le trio fait savoir à la Bceao que ‘’l’accusé’’ crée ‘’des banques fictives’’ dans le système Wari pour ‘’contourner l’agrément et usurper ainsi les banques partenaires’’.

Le modus operandi que dénoncent les actionnaires de Wari consiste à rattacher à ces ‘’banques fictives’’ des milliers de points services afin d’échapper à tout contrôle et de capter indûment’’ les commissions qui revenaient normalement aux institutions financières partenaires. A titre illustratif, ils ont cité la création de Boa Sn dans le système Wari pour y rattacher des milliers de points services, alors que la banque précitée n’avait même pas de distributeurs Wari’’.

Face à tous ces manquements, ces co-fondateurs font savoir à la Bceao que ‘’le système Wari pourrait s’effondrer, si tous ses détenteurs de compte décidaient de récupérer leurs fonds, puisque les contreparties monétaires imposées par la banque centrale ont déjà été largement grevées’’.

Considérant Kabirou Mbodje comme un véritable danger, les signataires soulignent dans le document que si ‘’les pratiques illicites ne rencontrent pas un barrage énergique, elles pourraient entrainer un énorme sinistre avec des dommages incommensurables’’.

Par conséquent, ils estiment qu’il y a urgence à faire une prompte intervention. A cet effet, ils appellent le gouverneur à faire une diligence particulière, pour qu’une action appuyée soit prise en vue des mesures conservatoires et d’une application rigoureuse de la réglementation’’. Se disant ‘’résolument engagés et décidés à mettre fin à la mascarade’’, les sieurs Camara, Fall et Tague n’excluent pas d’aviser, au besoin, l’Uemoa, la Commission de l’Uemoa ainsi que les médias nationaux et internationaux. Pour, disent-ils, s’indigner de ce mutisme incompréhensible et cette léthargie inacceptable des autorités de tutelle et de la justice, face à un scandale d’une ampleur et d’une gravité sans précédent’’.

 

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