Publié le 11 Jun 2018 - 16:17
RENVOI DOSSIER FUITE AU BAC AU 21 JUIN

Les faits qui ont conduit les prévenus à la barre

 

L’affaire de la fraude au Bac est renvoyée au 21 juin prochain. ‘’EnQuête’’ revient sur les faits qui ont conduit une quarantaine de personnes à la barre où est attendu Babou Diaham, l’ex-directeur de l’Office du Bac, cité comme témoin.

 

C’était encore la déception pour les personnes impliquées dans le scandale de la fraude à l’examen du Baccalauréat 2017. Des larmes ont même coulé, vendredi dernier. Le procès prévu en audience spéciale a été renvoyé au 21 juin prochain, car le dossier n’est toujours pas en état. En fait, le tribunal correctionnel de Dakar n’a pas encore reçu le retour de la citation du prévenu Pape Oumar Mboup, le seul à n’avoir pas comparu, vendredi, sur la quarantaine de personnes attraites. Outre la citation du prévenu absent, le parquet veut saisir le Doyen des juges pour la régulation de l’ordonnance de renvoi en jugement. D’après les observations du substitut Pape Ismaïla Diallo, certains prévenus ont été renvoyés sans qu’ils soient cités dans le dispositif. D’autres sont renvoyés sans que les infractions retenues contre eux soient mentionnées.

Il s’y ajoute que les témoins Alain Christian Bassène, Bocar Traoré et Babou Diaham, l’ex-directeur de l’Office du Bac, ont fait défaut. Après l’appel nominatif du trio, le président Magatte Diop s’est étonné que celui-ci n’ait pas comparu. ‘’Où sont les témoins ? Ils doivent comparaître, car ils ont tous reçu citation !’’, a fulminé le juge.

Dans cette affaire, les prévenus devront répondre pour association de malfaiteurs ainsi que pour les chefs de fraude aux examens et concours, obtention frauduleuse d’avantages matériels indus, blanchiment de capitaux, escroquerie et complicité de ces chefs. Après instruction, les agents de l’Office du Bac ont bénéficié d’un non-lieu. Seuls 12 prévenus dont 4 dames (Mame Diarra Ndiaye, Fatou Bakhoum, Diatta Diakhaté et Ndew Badiane) sont encore en détention préventive.

Les prévenus ont été appréhendés après le scandale né de la fuite sur les épreuves de français et d’histo-géo. Les sujets de ces matières étaient entre les mains de certains candidats avant même qu’ils n’entrent en salle. Suite à ce scandale, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche avait saisi le procureur de la République d’une plainte avec constitution de partie civile dirigée contre X. L’enquête menée en collaboration avec la Division des investigations criminelles (Dic), les commissariats de Dakar-Plateau, Tivaouane, Kaolack et Diourbel, a conduit à la saisie de 76 téléphones portables et à l’arrestation de 42 personnes. Il s’agit de 23 candidats au Bac 2017, 3 ayant réussi à la session de 2016 et 16 personnes de professions diverses, notamment étudiants, chômeurs, ménagère, déclarant en douane, logisticiens, commerçants, stylistes, 3 agents de l’Office du Bac, 1 professeur de français et 1 proviseur de lycée, par ailleurs président de jury.

L’exploitation des différents procès-verbaux a permis à l’instruction d’établir l’existence de plusieurs chaînes ou réseaux de transmission frauduleuse des épreuves du Bac. D’après l’accusation, l’enquête menée par la Section de recherches de la gendarmerie a permis de découvrir deux réseaux à Kaolack dirigés par Mouhamed Ben Abdallah Mbaye (Ben) et un à Diourbel sous la conduite Yémou Diop. Quant à la Dic, elle a fait part de six réseaux à Tivaouane, Kaolack et Dakar, dont l’un est imputé à Omar Dieng. 

 

Les épreuves vendues entre 10 000 et 200 000 F Cfa

Ce candidat a été le premier à être appréhendé et a confié avoir reçu l’épreuve de géographie de son cousin Paul Baba Khamad Talla, stagiaire à Socetrans. Celui-ci lui a envoyé, via WhatsApp, le sujet reçu de son collègue Abdou Ndour. Lequel l’a eu du nommé Ibrahima Ndiaye qui l’a obtenu du logisticien Papa Moussa Maï Ndiaye. Quant à Mouhamed Sarr, habitant Yoff, il a été perdu par un message qu’il a envoyé au professeur de philosophie Mamadou Sanoussy Ba, la veille de l’anticipé de philosophie. ‘’M. Diapalléma nguir Yalla’’ (M. Aidez-moi), a-t-il écrit. Le lendemain, lorsqu’il s’était rendu compte que l’épreuve reçue était le sujet n°1 de philosophie de la série L2, il a en informé le directeur de l’Office du Bac ainsi que les membres du Cusems et du Saems. Seulement, le prévenu avait déjà envoyé le sujet à d’autres de ses camarades.

Poursuivant leurs investigations, les enquêteurs ont appréhendé la candidate libre Binta Ndiaye, qui détenait les sujets d’anglais, de français et d’histo-géo. La prévenue a révélé les avoir reçus dans une chaîne de transmission via WhatsApp, entre les nommés Mariétou Ndiaye, Serigne Mbacké Niass, Kheuwé Guissé, Lamine Sow, Mame Ibrahima Ndiaye, Amacodou Ndiaye, Seydou Amadou Diallo et Mariétou Sakhir Ndoye. L’exploitation du téléphone portable de cette dernière a permis de découvrir que Djibril Kébé a reçu la somme de 200 000 F Cfa, après avoir fait croire à la candidate qu’il allait la mettre en contact avec un professeur du nom de M. Diallo qui serait en mesure de lui délivrer les épreuves. Cependant, le sieur Kébé a avancé avoir donné fictivement ce nom, parce que Mariétou voulait empocher le montant susvisé, lorsqu’il l’a entendu faire état de son intention de verser la somme de 250 000 F Cfa à Abdoulaye Ndour, un professeur de français au groupe scolaire Machallah.

L’élève ne s’est pas limité là ; il a révélé avoir appris auprès de Dame Lô, un pensionnaire de l’établissement précité, que M. Ndour réclamait de l’argent à ses élèves, en contrepartie des épreuves. Lorsqu’il a été entendu, Dame a affirmé avoir entendu des rumeurs dans ce sens et a confessé avoir mis en rapport son ami avec le professeur. Pour corroborer sa déclaration, Dame a précisé avoir accompagné Kébé, lorsqu’il versait, via Orange, la somme de 90 000 F Cfa, à l’enseignant. Même s’il a réfuté ces accusations, M. Ndour a été confondu par les documents bancaires retrouvés par-devers lui. Selon l’accusation, ceux-ci montrent qu’il a reçu, courant mai et juin 2017, dans son compte logé au Crédit mutuel sénégalais, des versements variant entre 50 000 et 1 400 000 F Cfa. Mais le professeur a déclaré que ces versements proviennent d’un remboursement obtenu suite à l’annulation de la vente d’un terrain qu’il avait cédé à 7 000 000 F Cfa à un de ses cousins.

Cependant, relativement au montant de 50 000 F Cfa reversé à un certain Mansour, M. Ndour l’a justifié par l’échec de ce dernier, car le candidat lui avait remis l’argent pour qu’il l’assiste. Toutefois, le prévenu est revenu sur ses déclarations en reconnaissant avoir reçu des montants variant entre 50 000 et 150 000 F Cfa, soit au total 500 000 F Cfa pour escroquer les élèves.

Le témoignage de Babou Diaham

La vague d’arrestations s’est poursuivie jusqu’à Tivaouane où ont été interpellés Mouhamadou Guèye, Ablaye Sène et Mandao Cissé. Pris à Diourbel, le candidat Seydou Amadou Diallo a contesté avoir envoyé les épreuves au premier nommé, malgré les accusations de celui-ci. Pointé du doigt par Diallo, Malick Mamadou Diop, étudiant à l’Université virtuel de Diourbel, a contesté lui avoir remis les épreuves de mathématiques. Et de déclarer que c’est une de ses élèves, du nom de Marième Diallo, qui lui a donné le sujet la veille des examens. Tout compte fait, il a associé d’autres élèves à la correction. Candidat à Diourbel, Mouhamed Kâ a indiqué avoir obtenu les épreuves d’histo-géo, d’anglais et d’espagnol auprès de Seydou Amadou Diallo. Qui, selon Ka, a reçu, tout comme lui, la correction de l’épreuve de mathématiques de la part de la dame Claire Diouf.

Présenté comme sans profession, Baye Talla Diallo est cité par plusieurs de ses co-prévenus arrêtés à Kaolack, car il aurait demandé à certains de lui démarcher des candidats intéressés par les épreuves moyennant de l’argent. La procédure renseigne qu’il a vendu les sujets à 45 000 F Cfa et lorsqu’il a été arrêté, il a dénoncé Mouhamed Ben Abdallah Mbaye et Mouhamadou Lamine Thiam comme des membres du réseau. Baye Talla a révélé avoir reçu les épreuves de la nommée Adji Samassa qui, à son tour, a pointé du doigt le proviseur du lycée de Kahone, Mamadou Djibril Dia, moyennant 20 000 F Cfa par épreuve. Ce dernier, qui était président de jury du lycée de Thiaroye au moment de l’éclatement du scandale, a été chargé par Fatou Bakhoum, une candidate de 2016 qui avait payé 40 000 F Cfa pour les épreuves d’anticipé de philosophie, de français ainsi que l’anglais et l’histo-géo.

Bachelière en 2016, Diatta Diakhaté avait acheté les épreuves de maths et d’espagnol à 20 000 F Cfa auprès de Ndew Badiane qui les a obtenues par le biais de Fatou Bakhoum. Le reste des épreuves, elle a payé 50 000 F Cfa au proviseur qui a reconnu lui avoir remis les sujets des sessions du Bac 2016 et 2017. Toutefois, le sieur Dia n’a pas voulu plonger seul, en soutenant que Mamadou Thiam, agent à l’Office du Bac, lui envoyait par mail les sujets moyennant 50 000 F Cfa. Par conséquent, il n’est qu’un simple intermédiaire.

Mais les agents ont été blanchis, car tout le long de la procédure, ils ont contesté les accusations portées contre eux. Toujours est-il que Ndew Badiane a également confié que le proviseur lui avait réclamé 50 000 F Cfa, lorsqu’elle passait le Bac en 2016. A cet effet, elle avait versé un acompte de 30 000 F Cfa et reste toujours lui devoir un reliquat de 20 000 F Cfa.

D’ailleurs, Babou Diaham, le directeur de l’Office du Bac sortant, entendu comme témoin, a déclaré aux enquêteurs que Mamadou Djibril Dia a, en sa qualité de chef de centre, eu à réceptionner et à garder les cantines de philosophie pour les centres de Kahone, Mbadakhoune et Ngathie Naoudé pendant près de 12 jours. Pire, il leur a aussi confié qu’un président de jury de Kahone avait fait part de ses soupçons relatifs à la fermeture des enveloppes contenant les épreuves. Selon le témoignage de Babou Diaham, l’enseignant avait partagé ses soupçons avec Alain Christian Bassène, superviseur à l’examen du Bac.

FATOU SY

 

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