''Les infrastructures restent encore sous-financées en volume et mal financées…''
La cérémonie d’ouverture du 2e Sommet sur le financement des infrastructures en Afrique s'est tenue hier, dans la capitale sénégalaise, Dakar. L'objectif est de remédier aux problèmes du continent par rapport au manque d'infrastructures physiques et numériques. En marge de cette première journée, le président Macky Sall a dénoncé l'insuffisance de l’investissment, mais assure les conditions de financement des pays africains.
Le Sénégal accueille, depuis hier, le 2e Sommet sur le financement des infrastructures en Afrique, une semaine après la 2e Conférence internationale de Dakar sur l’agriculture. Les progrès du continent en matière de construction d’infrastructures sont réels. Mais les défis le sont tout autant. ''En Afrique, les infrastructures restent encore sous-financées en volume et mal financées en termes de taux d’intérêt et de délais de remboursement'', dénonce le président du Sénégal Macky Sall.
En effet, selon le dernier rapport annuel du Consortium pour les infrastructures en Afrique, publié en décembre, le financement des infrastructures en Afrique s’élevait à 81 milliards de dollars en 2020, contre 100 milliards en 2018. Ce consortium a été mis en place en 2005, à Gleneagles, au sommet du G8 d’alors (G7 aujourd’hui). Il rassemble autour de la Banque africaine de développement (Bad), les principaux partenaires bilatéraux et les banques de développement actives sur le continent.
''Il est vrai que l’impact de la pandémie a freiné nos efforts sur les infrastructures, avec le ralentissement de l’activité économique et la réorientation des dépenses publiques vers des urgences sanitaires et sociales. Mais même sans ces difficultés conjoncturelles, l’Afrique a toujours payé cher ses projets, à cause de taux d’intérêt élevés'', insiste le président Sall.
En outre, le président actuel de l'Union africaine regrette le fait que pour des financements aussi lourds et des infrastructures de longue durée, les pays africains soient souvent tenus de rembourser leurs dettes dans des délais souvent courts, à quelques exceptions près.
Néanmoins, il salue les efforts des partenaires bilatéraux et multilatéraux, en particulier les banques de développement, dans le financement des infrastructures en Afrique. ''En même temps, la problématique du financement restera entière, tant que perdurent les règles et pratiques de la gouvernance économique et financière mondiale qui entravent l’accès de nos pays à des ressources conséquentes et à des conditions soutenables'', prévient Macky Sall. Qui fait allusion, entre autres, aux notations ''abusives'' des agences d’évaluation et à la perception du risque d’investissement en Afrique, ''toujours plus élevée que le risque réel'', à ses yeux.
Macky Sall souligne que tout au long de son mandat à la tête de l’Union africaine, il a constamment posé le débat, notamment à l’OCDE, au G7, au G20 et aux Nations Unies sur les conditions de financement de nos économies, en particulier pour les infrastructures. Pour lui, il est important de continuer à porter le plaidoyer dans le cadre des échanges sur la réforme de l’architecture financière mondiale. ''Mais nous devons aussi relever les défis de la planification et de l’ingénierie technique et financière des projets pour les rendre bancables'', poursuit-il.
Ainsi, 61 % des 69 projets du deuxième Plan d’actions prioritaires du Pida n’ont pas encore fait l’objet d’études de faisabilité pour être susceptibles d’attirer des investisseurs privés, d'après Macky Sall. Pour le chef de l’État, il y a lieu de créer une synergie entre les banques multilatérales de développement, les partenaires techniques et financiers, et le Fonds de préparation des projets du Nepad pour améliorer les études de faisabilité des projets prioritaires.
Vingt projets sélectionnés ont été présentés dans le cadre des ‘’Boardroom Sessions’’. Cette présentation devra servir de cas d’école pour aider à lever les obstacles sur les différentes étapes. En même temps, ''nous gagnerions à apprendre les uns des autres en échangeant davantage nos expériences en matière de préparation, d’exécution et d’exploitation de projets. C’est cela aussi une des finalités de ce sommet'', dit Macky Sall.
''Afrique, notre déficit en infrastructures physiques et numériques reste encore élevé''
L'infrastructure est perçue comme le nerf du développement et le fil conducteur de l’intégration. Parce qu'elle soutient l’activité économique et assure la mobilité indispensable au processus d’intégration. ''Or, en Afrique, notre déficit en infrastructures physiques et numériques reste encore élevé'', constate le chef de l'État du Sénégal. Il est relevé que malgré la disponibilité d’abondantes sources d’énergie qui aident à éclairer le monde, plus de 600 millions d’Africains n’ont pas encore accès à l’électricité. Et le transport routier et ferroviaire reste toujours problématique. Il en est de même du transport aérien où, pour voyager d’un pays à un autre, l'Africain est souvent obligé de sortir de son continent.
Pour les infrastructures numériques, malgré les progrès enregistrés, le taux de connexion sur le continent reste encore faible : 36 % contre une moyenne mondiale de 62,5 %. La liste est loin d'être exhaustive.
C’est pour y remédier que l’Union africaine, le Nepad et la Bad ont lancé, en juillet 2010, à Kampala, le Programme de développement des infrastructures en Afrique (Pida), pour stimuler la réalisation de projets transfrontaliers dans les secteurs des transports, de l’énergie, de l’eau et des Tic, entre autres.
Quatre ans plus tard, en juin 2014, Dakar a accueilli le premier sommet sur le financement du Pida. En marge de cette rencontre, le Plan d’actions prioritaires de 16 projets a été lancé. Dans la foulée, Africa 50 a été créée en tant que plateforme d’investissement dans les infrastructures, pour passer de la vision à l’action. C'est ce qui fait dire à Macky Sall qu'en dépit des difficultés structurelles et des effets de la pandémie de Covid-19, l’Afrique est en chantier.
À titre d’exemple, dit-il, avec un prêt de la Bad, le Sénégal et la Gambie se sont associés pour réaliser en quatre ans seulement le pont de la Sénégambie sur le fleuve Gambie. C’est une doléance de 40 ans qui a été satisfaite depuis janvier 2019, en assurant la fluidité du transport entre les deux pays et vers les régions sud du Sénégal.
En novembre 2021, le Sénégal et la Mauritanie ont lancé le chantier du pont de Rosso, sur le fleuve Sénégal, qui sera réalisé en 30 mois, avec le concours de la Bad, de l’Union européenne et de la Banque européenne d’investissement (BEI). ''Ce pont est un chaînon du processus d’intégration africaine en tant que partie intégrante du corridor transfrontalier Tanger – Casablanca – Nouakchott – Dakar - Abidjan - Lagos'', se réjouit Macky Sall.
La cérémonie d’ouverture de ce 2e Sommet sur le financement des infrastructures en Afrique s’est tenue en présence du président en exercice du Comité d'orientation du Nepad, Paul Kagamé, du Premier ministre algérien Aïmene Benabderrahmane, du Premier ministre de la République arabe d'Égypte Mostafa Madbouly et du président de la Commission de l'Union africaine Moussa Faki.
BABACAR SY SÈYE