Publié le 18 May 2024 - 14:37
NOMINATION AUX POSTES DE MINISTRES ET DE DIRECTEURS GÉNÉRAUX DES STRUCTURES PUBLIQUES

Le dogme républicain autour du diplôme et des titres académiques

 

Le culte des diplômes semble devenir l'élément central pour nos autorités, dans la nomination aux postes de ministres et de directions des entreprises publiques. Les titulaires de ces diplômes sont souvent perçus comme les mieux préparés aux postes de responsabilités et à affronter les défis complexes de la gouvernance moderne. ‘’EnQuête’’ jette un regard critique sur ce phénomène.

 

Doctorats, PHD, MBA, DESS, Master II… La possession de ces différents sésames semble être une condition sine qua non pour être nommé dans ce nouveau gouvernement. Le diplôme n’est plus une présomption de connaissance, mais une finalité en soi dans un pays où le statut social et la légitimité se mesurent à l'aune d’un curriculum vitae bien rempli. Les partisans de l’ancien président Abdoulaye Wade aimaient le présenter comme le chef d’État le plus diplômé du Caire au Cap. 

En effet, de nos jours, le Sénégal traverse une période où les titres académiques sont devenus des symboles de réussite sociale et de compétence professionnelle. Le nouveau gouvernement illustre cette tendance, en promouvant des qualifications académiques élevées pour toute nomination à des postes clés. Les titulaires de ces diplômes sont souvent perçus comme les mieux préparés pour affronter les défis complexes de la gouvernance moderne.

Cependant, cette course aux diplômes soulève des questions sur la véritable nature de la compétence et de l'efficacité dans la gestion des affaires publiques. Pour le journaliste, Moustapha Mbaye, ‘’le pouvoir discrétionnaire du président de la République est souvent téléguidé par d'autres considérations socioculturelles. Le diplôme ne suffit pas, il n'est qu'un justificatif au plan hiérarchique. De ce fait, la confiance, la proximité avec le chef et l'apport politique comptent beaucoup. À cet effet, le mérite inclut des paramètres qui exposent le choix final à des critiques’’, a-t-il déclaré. 

Pour beaucoup de citoyens, d'un côté, cette exigence de qualifications élevées pourrait conduire à une Administration publique plus compétente et mieux formée. Les titulaires de diplômes avancés apportent souvent une expertise spécialisée et une capacité analytique précieuse, pense Fatou M. Guèye, assistante de direction. 

Cependant, cette approche présente également des limites. La surévaluation des diplômes peut éclipser des compétences tout aussi importantes, comme le leadership, l'innovation et l'expérience pratique. Elle peut également engendrer une élite technocratique déconnectée des réalités et des besoins de la population, analyse un assistant de ressources humaines dans un cabinet situé sur la VDN, B. Fall.

Pour un gouvernement réellement efficace, il est important de trouver un équilibre entre les qualifications académiques et les compétences pratiques. La reconnaissance des expériences de terrain, des capacités de gestion et des compétences interpersonnelles est essentielle pour compléter la formation académique des responsables publics, conseille-t-il.

Oumou Niang : ‘’Le recrutement dans l’Administration est trop politisé.’’

Contrairement au secteur public, le secteur privé sénégalais se distingue par des procédures de recrutement beaucoup plus rigoureuses et basées sur le mérite. Les entreprises privées suivent généralement des processus de sélection stricts, comprenant des évaluations techniques, des entretiens approfondis et des vérifications de références.

Directrice des ressources humaines dans une société de la place, Oumou Niang considère que le recrutement dans l’Administration est trop politisé. ‘’Le secteur privé est plus rigoureux que la Fonction publique où les recrutements se font sur la base du clientélisme politique, du lobbying ou de la familiarité… Les compétences ne sont pas les seuls critères. Alors que dans les structures privées, le mode de recrutement obéit à une procédure de sélection, de test écrit et d’entretien’’, soutient-elle.

Elle poursuit qu’il faut aussi une période d’essai de deux à trois mois pour un contrat. 

Une thèse que confirme Doudou Diamé qui a postulé à plusieurs reprises dans une multinationale anglophone spécialisée dans la sécurité. ''J'ai été éliminé trois fois après avoir réussi les tests préliminaires et des cas pratiques... Ce n’est pas facile d'entrer dans ces boîtes ; elles sont exigeantes’’, nous confie-t-il.

En effet, les entreprises privées mettent l'accent sur les compétences techniques et les expériences professionnelles pertinentes. Les candidats doivent souvent passer par plusieurs étapes de sélection, y compris des tests de compétences, des entretiens comportementaux et des évaluations de performance. Ce processus rigoureux assure que les employés recrutés sont bien qualifiés pour les postes proposés, favorisant ainsi la productivité et la compétitivité des entreprises.

Un canevas très rare dans l’Administration. Pour expliquer cette dichotomie, le journaliste Moustapha Mbaye relève la différence qui existe entre ces deux mondes. ‘’L’Administration a une démarche différente de celle du privé qui n'est pas pris au piège par la politique, même si d'autres considérations sociologiques sont prises en compte. Le diplôme est la porte d'entrée, mais la compétence et le résultat demeurent les racines qui vous permettent de mieux vous implanter dans l'entreprise’’.

L'ENA et les corps militaires et paramilitaires…

Le plus grave dans cette pratique se trouve dans la Fonction publique locale (municipalité et mairie de ville, conseil régional ou départemental) où ‘’le clientélisme politique excessif a étouffé dans l’œuf toute compétence’’, nous confie un secrétaire municipal dans l’anonymat.

Malgré ce contexte de clientélisme, certaines institutions sénégalaises continuent de promouvoir des concours basés sur le mérite, garantissant ainsi une certaine transparence et équité dans le recrutement. L'École nationale d’Administration du Sénégal (ENA) est un exemple phare de cette méritocratie. Les concours d'entrée dans cette école administrative sont rigoureux et sélectifs, attirant les meilleurs talents du pays. Ces concours garantissent que seuls les candidats les plus qualifiés, ayant démontré leurs compétences académiques et professionnelles, accèdent à des postes dans la haute Administration publique.

Les recrutements dans les corps militaires et paramilitaires sont également basés sur des concours stricts et des critères de sélection rigoureux. Ces processus de recrutement sont conçus pour identifier les candidats les plus aptes physiquement et intellectuellement, assurant ainsi un haut niveau de professionnalisme et d'efficacité au sein des forces de défense et de sécurité. 

Toutefois, la promotion à certains grades supérieurs entraine des guéguerres et des frustrations dans l’élite martiale.

Avec la promesse des appels à candidatures qui n’est pas encore tenue, le mode de recrutement dans la Fonction publique sénégalaise est toujours décrié par certains citoyens pour ses pratiques clientélistes. Pour eux, cette forme de favoritisme où les emplois publics sont distribués en fonction des affiliations politiques plutôt que des compétences et du mérite est une réalité persistante qui compromet l'efficacité et l'intégrité des institutions publiques. C’est pourquoi d’aucuns pensent que ces pratiques peuvent saper la méritocratie et alimenter un sentiment d'injustice parmi les citoyens.

Elles peuvent également engendrer une inefficacité bureaucratique, car les compétences professionnelles sont souvent négligées au profit de la loyauté politique. Le recrutement dans la Fonction publique sénégalaise est marqué par un dualisme frappant. D'une part, le clientélisme politique continue de prévaloir, entravant le développement d'une administration publique efficace et compétente. D'autre part, des concours méritocratiques comme ceux de l'ENA et des corps militaires et paramilitaires offrent des lueurs d'espoir pour un système de recrutement plus équitable.

En parallèle, une partie du secteur privé, avec ses procédures de sélection strictes et basées sur le mérite, pourrait servir de modèle pour réformer les pratiques de recrutement dans la Fonction publique. Une telle réforme serait essentielle pour renforcer l'efficacité des institutions publiques et restaurer la confiance des citoyens dans l'Administration. Singapour est un exemple patent.

Amadou Camara Gueye 

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