Publié le 25 Sep 2024 - 19:06
OUPE DU MONDE

Comment la Corée du Nord a pris le pouvoir dans le foot féminin

 

Avec leur succès 1-0 face au Japon, les Nord-Coréennes sont devenues championnes du monde U20 pour la troisième fois de leur histoire, devenant la nation la plus titrée dans cette catégorie d’âge aux côtés des États-Unis et de l’Allemagne. Si la sélection A a perdu de sa superbe depuis quelques années, les sélections jeunes du royaume ermite ne se sont jamais aussi bien portées, de quoi en faire la nouvelle place forte du football féminin chez les jeunes.

 

Les mines étaient radieuses à l’Estadio El Campin de Bogotá dimanche. Huit ans après son dernier sacre mondial, la Corée du Nord a remporté pour la troisième fois de son histoire le Mondial U20 féminin dans une finale 100% asiatique face au Japon (1-0). Face à une domination de tous les instants et une emprise sur la rencontre jamais relâchée, le Japon, rapidement étouffé par la pression exercée par les Nord-Coréennes, a dû céder dès la 15e minute face aux contre-attaques et à la finition clinique de Choe Il-son, tout juste âgée de 17 ans. Avec 25 buts inscrits, dont 6 par Il-son, l’unique buteuse de la finale, qui a raflé le Soulier d’or et le trophée de meilleure joueuse de la compétition, 4 buts encaissés et 7 victoires en autant de matchs, la Corée du Nord s’affiche plus que jamais comme la place forte du football féminin chez les jeunes.

Le football féminin comme vitrine du régime

Depuis 2006, les sélections féminines jeunes de la Corée du Nord ont donc remporté 5 coupes du monde féminines (2 en U17 et 3 chez les U20), en 6 finales disputées. Dans la catégorie U20, le royaume ermite est la nation la plus titrée aux côtés de l’Allemagne et des États-Unis avec 3 couronnes chacun. La sélection A, malgré un relatif déclin depuis son exclusion du Mondial 2015 après que cinq joueuses ont été testées positives aux stéroïdes lors de la Coupe du monde 2011, continue de se maintenir au 9e rang du classement de la FIFA (devant la France) et a manqué les Jeux olympiques 2024 pour un rien.

L’avènement du football féminin en Corée du Nord est pourtant ancien. Dès les années 1990, le régime dictatorial nord-coréen a investi massivement dans le football féminin. Pour Kim Il-sung, premier dirigeant du pays entre 1949 et 1994, le sport et la condition physique permettent de projeter l’image de la nation sur la scène internationale, comme il l’a déclaré lors du sixième congrès du Parti du travail de Corée en 1980 : « Nous devrions populariser la culture physique et le sport, les intégrer à notre vie quotidienne et améliorer ainsi la condition physique de toute la nation. » Thomas Gestner, ancien sélectionneur de la sélection U20 féminine nord-coréenne entre 2017 et 2018 et interrogé par le média australien ABC, estime que « les pays communistes veulent se faire apprécier à l’étranger par le biais du sport, et en particulier du football ».

Pour Brigitte Weich, réalisatrice autrichienne et autrice de deux films autour de la sélection féminine nord-coréenne, le développement du football féminin en Corée du Nord a débuté en 1986 après la plaidoirie de la Norvégienne Ellen Wille au congrès de la FIFA à propos du délaissement du football féminin. Dans une interview donnée à la BBC, la réalisatrice revient sur cette séquence : « La Corée du Nord n’est pas la meilleure en économie, science, droits de l’homme et autres, mais des pays comme celui-ci peuvent exceller dans certains sports car, de haut en bas, ils peuvent se concentrer sur la formation et rien d’autre. »

Une formation rigoriste dès le plus jeune âge

Les dirigeants nord-coréens ont donc établi des stratégies pour le développement du football aussi bien masculin que féminin en axant leurs investissements sur les installations et les infrastructures. L’école de sport de Taesong, à Pyongyang, qui a formé plusieurs joueuses victorieuses de la première Coupe du monde U20 nord-coréenne en 2006, en est l’un des meilleurs exemples, comme le relate ABC. Elle dispose de son propre programme de football féminin depuis 1999 et travaille en étroite collaboration avec l’Académie des sciences du sport pour suivre les joueuses dans plusieurs catégories d’âge ainsi que pour concevoir des programmes d’entraînement afin d’optimiser leurs capacités physiques. Au programme de cette école, le football est partie intégrante du programme scolaire, la théorie et l’entraînement physique étant intégrés à l’étude quotidienne de l’enfant.

Un modèle étatique essentiel, puisque très peu de footballeurs nord-coréens et encore moins de footballeuses ont été autorisés à quitter le pays pour jouer à l’étranger. Ainsi, le régime dictatorial s’est fixé un plan simple : une formation au football dans les écoles dès le plus jeune âge et des recruteurs envoyés à travers le pays. Pour les meilleures joueuses, elles ont la possibilité d’évoluer dans un noyau d’excellence et une série d’équipes de l’armée, leur permettant de s’entraîner et de se développer à plein temps aux frais de l’État, comme en témoigne Lee Jung-woo, chercheur à l’université d’Edimbourg et membre du Centre européen d’études nord-coréennes, dans un entretien au journal Le Monde : « Là où, en Europe et en Amérique du Nord, on aiguise d’abord la notion de plaisir, les staffs nord-coréens mènent un entraînement très dur dès le plus jeune âge. Du coup, les joueuses sont directement performantes. C’est un mode d’entraînement militaire dénué de fun. » Un parcours difficile et exigeant, mais qui fait actuellement de la Corée du Nord l’une des meilleures nations chez les jeunes.

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