Publié le 6 Oct 2023 - 19:10
ABUS DE CONFIANCE PORTANT SUR 130 MILLIONS F CFA

La coopérative d'habitat du ministère du Pétrole et des Mines se fait doubler par un entrepreneur

 

Les limiers de la Division des investigations criminelles (Dic) ont interpellé un entrepreneur pour les faits d'abus de confiance portant sur un montant de 130,5 millions. M. Ba était chargé de livrer 600 parcelles à la coopérative d'habitat du ministère du Pétrole et des Mines. Une promesse qu'il n'a pas tenue.

 

L'entrepreneur M. Ba, âgé de 56 ans, a été déféré hier au parquet par les limiers de la Division des investigations criminelles (Dic) pour les faits d'abus de confiance portant sur un montant de 130,5 millions F CFA.

Selon nos informations, au mois d'août dernier, le patron de la Dic a été saisi par un soit-transmis, portant lettre plainte formulée par un avocat à la cour, d'ordre et pour le compte de la Coopérative d'habitat des agents du ministère du Pétrole et des Mines à l'encontre du nommé M. Ba, pour abus de confiance portant sur un préjudice de 130 500 000 F CFA.

De l'économie de cette affaire, il ressort que dans le cadre de son programme d'attribution de logements à ses membres, la Coopérative d'habitat des agents du ministère du Pétrole et des Mines avait souscrit dans le plan de lotissement d'un site de 60 ha situé à Diender, initié par la mairie de la commune pour l'attribution à ladite coopérative d'un lot de 600 parcelles.

Toutefois, le démarrage des travaux a été bloqué par les paysans qui se sont opposés à un tel projet qu'ils considèrent comme une tentative de spoliation de leurs terres.

Face à cette situation, le nommé M. Ba, se présentant comme étant le représentant des paysans, s'est approché de la coopérative pour lui proposer sa médiation, moyennant le versement d'une enveloppe de 90 000 000 F CFA destinée à dédommager les paysans. Cependant, après réception des fonds, il n'a remis que 19 000 000 F CFA aux ayants droit et a reconnu avoir viré le reste de l'argent dans son compte personnel. Cela a engendré le blocage des travaux et le paiement, par la coopérative, d'un surplus de 59 000 000 F CFA à la société de terrassement.

Lors de son audition-plainte, le nommé I. R. Sonko, en sa qualité de secrétaire général de ladite coopérative, a tenu à rappeler qu’en 2020, le ministre de l'Urbanisme, du Logement et de l'Hygiène publique d'alors avait accordé à la commune de Diender une autorisation de lotissement d'un terrain non immatriculé, d'une superficie de 60 ha, situé à Khar Yalla, dans la commune de Diender.

Dans la foulée, renseigne-t-il, le maire avait signé un protocole avec un promoteur du nom d'A. M. Diagne pour le terrassement et le bornage du site. Ce dernier a, à son tour, signé un protocole avec la coopérative pour lui livrer son quota de 600 parcelles, moyennant le versement d'un acompte de 140 000 000 F CFA.

Mais, poursuit le plaignant, le démarrage des travaux a été bloqué par les paysans qui ont menacé d'en découdre avec tout promoteur qui tenterait de toucher à leurs terres.

C'est dans ces circonstances que M. Diagne leur a présenté le nommé M. Ba qui se dit représentant des paysans. Pour gagner leur confiance, ce dernier a personnellement engagé une médiation avec les paysans et a réussi à obtenir leur accord de céder les terres moyennant dédommagement.

Ainsi, I. R. Sonko renseigne qu’un mémorandum a été signé entre les quatre parties constituées du promoteur Diagne, chargé de mener les démarches administratives et de superviser les travaux, le représentant des paysans, M. Ba, chargé de récupérer l'argent destiné au dédommagement des paysans contre décharge et d'assurer le suivi des travaux de terrassement et celui des travaux de terrassement, le directeur d’Africa Highligh, Nd. F. Ndiaye, chargé du terrassement et la coopérative en charge du financement.

Après cela, les travaux ont démarré correctement jusqu'au jour où la dame N. F. Ndiaye les a contactés pour les informer que ses engins ont fini de terrasser le premier lot de 11 ha, mais que le nommé M. Ba refuse toujours de leur ouvrir les autres brèches.

Face à cette situation, dit-il, la coopérative a saisi le maire de la commune, qui a immédiatement convoqué une réunion entre les différentes parties et les paysans. Il a révélé que c'est au cours de cette rencontre qu'ils ont découvert qu'en réalité, aucun des paysans n'avait mandaté le nommé M. Ba comme représentant. Pire encore, sur le montant de 90 000 000 F CFA que la coopérative lui avait remis pour le dédommagement des paysans, il a indiqué ne leur avoir versé que 19 000 000 F CFA ; le reliquat de 71 000 000 F CFA a été utilisé à des fins personnelles.

Par la même occasion, il a déclaré avoir découvert que le mis en cause a fait payer à la coopérative auprès de Mme Ndiaye un surplus de 59 500 000 F CFA pour des travaux qui n'ont pas été réalisés, du fait de l'opposition de paysans qui n'auraient pas reçu leur dédommagement. Il a expliqué ce préjudice par le fait que le terrassement du premier lot de 11 ha s'élève à 24 500 000 F CFA suivant les factures pro forma fournies par M. Ba et jointes à la plainte. Puis, après avoir achevé ce site, les travaux bloqués par sa faute ont entraîné le paiement d'un montant total de 84 000 000 F CFA à la société de terrassement, soit un surplus de 59 000 000 F CFA qui porte le préjudice global à 130 500 000 F CFA.

M. Ba nie et explique

Lors de son face-à-face avec les hommes du commissaire Adramé Sarr, le patron de la Dic, le nommé M. Ba a déclaré être propriétaire de la société à l'enseigne Hidi SA, spécialisée dans la promotion immobilière et le bâtiment. Il a affirmé que c'est cette société qu'il a engagée dans le projet de lotissement du site situé à Diender. Il a d'emblée confirmé être propriétaire terrien, mais également représentant des paysans de la localité à travers une procuration qu'il dit avoir reçue auprès d'un certain D. Ka qui détient un mandat délivré par tous les paysans.

À l'appui, il a déposé copie de cette procuration. Il a soutenu qu'en cette qualité, il a signé un mémorandum avec la coopérative, la société Africa Highligh, pour le terrassement d'un site de 30 ha, couvrant 600 parcelles au profit de ladite coopérative.

Revenant sur les faits objet de l'enquête, il a reconnu avoir effectivement reçu de la coopérative un montant de 97 000 000 F CFA, au lieu de 90 millions comme déclaré par le plaignant. Cet argent, selon lui, était destiné à dédommager les paysans, afin qu'ils libèrent les terres pour permettre l'exécution du projet. Il a cependant soutenu n'avoir pas remis l'intégralité de cet argent aux paysans, au motif qu'il avait signé avec le promoteur A. M. Diagne un protocole d'accord qui lui octroie 50 % de tout montant décaissé dans le cadre du projet. Il a laissé entendre que, sur la base de ce protocole, il a défalqué pour son compte la somme de 72 500000 F CFA. Le reste a été distribué aux paysans. Il soutient ne disposer d'aucune décharge de ces remises, mais prend à témoin le maire de Diender, à qui il dit avoir remis la somme de 19 500 000 F CFA dans l'enveloppe qu'il a distribuée aux paysans.

Sommer de produire le document qui l'autorise à utiliser à des fins personnelles une partie de l'argent destiné aux paysans par les enquêteurs, il a déposé une copie d'un protocole d'accord signé avec la société du nommé A. M. Diagne en date du mois d'août 2021 qui stipule, dans son article 3 : ‘’La société Moct'Art percevra une commission de 30 % sur les 15 ha pour sa rémunération, la population 50 % et la commune de Diender 20 %.’’

Par ailleurs, s'agissant du surplus de 59 000 000 F CFA réclamé par la coopérative, le nommé M. Ba a dégagé toute responsabilité, soulignant n'avoir aucun lien avec la société de terrassement qui, selon ses dires, ne traitait qu'avec le promoteur M. Diagne.

Dans le cadre de cette enquête, M. Diagne a été convoqué et entendu. Il s'est d'emblée inscrit en faux contre les déclarations du mis en cause, évoquant le protocole d'accord du 26 août 2021 comme justificatif du retrait pour son compte de la somme de 72 500 000 F CFA sur les fonds destinés aux paysans.

En outre, il a précisé que cet argent n’était pas destiné au dédommagement des paysans, mais aussi que cette clause ne visait pas les fonds, que le protocole dont il a fait allusion n'a même pas été appliqué, puisqu'il a été annulé d'un commun accord au profit d'un autre protocole d'accord signé avec le mis en cause en date du 22 septembre 2021.

M. Ba accuse M. Diagne de lui avoir tendu un piège

Expliquant l'objet de ces deux protocoles d'accord, il a indiqué que le premier a été signé dans le but de nouer un partenariat avec lui pour l'exploitation du site qui s'étend sur 15 ha, moyennant rémunération par pourcentage en fonction de la vente des terrains déjà lotis.

Toutefois, un mois plus tard, avant même le démarrage du projet, il a convenu avec M. Ba de l'annulation de ce protocole et de la signature d'un nouveau en date du 22 septembre 2022, dans le but de laisser tomber le partenariat, pour une cession définitive de ce site à son entreprise, à raison de 11 500 000 F CFA/ha, soit un montant total de 172 500 000 F CFA.

D'ailleurs, dans le cadre de cette transaction, il a déclaré lui avoir remis un acompte de 40 000 100 F CFA et reste lui devoir 132 000 400 F CFA, payables par tranche de 33 000 100 F CFA.

Selon nos sources, vu les contradictions notées dans les déclarations respectives des nommés I. R. Sonko, M. Ba et A. M. Diagne, les enquêteurs les ont mis en présence pour une confrontation. À l'issue de laquelle le mis en cause a reconnu avoir commis une erreur qui l'a fait tomber dans ce qu'il considère comme un piège tendu M. Diagne, à travers la signature de ces protocoles d'accord.

Toutefois, il a refusé de se prononcer sur la nature de ce piège.

CHEIKH THIAM

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