AFFAIRE NDIAGA DIOUF
Le parquet général requiert cinq ans de prison ferme contre Barthélemy Dias
‘’J’ai fait appel pour laver mon honneur. Je suis un homme public’’, a soutenu, hier, Barthélemy Dias à la barre de la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Dakar. Condamné en première instance à deux ans de prison dont six mois ferme pour coups et blessures volontaires, coups mortels sur Ndiaga Diouf et port d’arme sans autorisation, le nouveau maire de la ville de Dakar souhaite être blanchi une bonne fois pour toutes dans cette affaire.
Le procès en appel de Barthélemy Dias s’est tenu hier, à la barre de la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Dakar. Il avait écopé, en première instance, d’une peine de deux ans dont six mois d’emprisonnement ferme pour coups et blessures volontaires, coups mortels sur Ndiaga Diouf et détention d’arme sans autorisation. L’actuel maire de la ville de Dakar a interjeté appel pour contester cette décision qui, dit-il, entache sa réputation.
A la barre, Barth et Baboucar Faye étaient les seuls à déférer à la convocation. Entendu en premier, Barthélemy Dias soutient, dès l’entame de ses propos : ‘’Je rappelle que j'ai déjà purgé cette peine. Et même si cette affaire a été vidée et que j'ai purgé cette peine, je souhaite que le dossier soit vidé et que je sois blanchi. Ce verdict est injuste envers ma personne et à mon honneur. Ce n'est pas sérieux d'entendre des gens de droit dire qu'ils ne sont pas prêts, alors que c'est moi qui suis à la barre. Le dossier est prêt et doit être vidé. Je suis devant vous parce que j'ai fait appel, parce que je considère que cette peine est injuste.’’
Déplorant cet acharnement sur sa personne, il martèle que ce dossier est purement politique. A cet effet, il revient sur le déroulement des faits qui lui ont valu la levée de son immunité parlementaire à l’époque.
‘’J'ai fait appel pour laver mon honneur, parce que je suis un acteur politique. À cette période, à l'époque des faits, on luttait contre un troisième mandat et on m'avait attaqué. Des hommes bien identifiés sont venus avec des véhicules bien identifiés et qui appartenaient au pouvoir d'alors. C'est une bagarre qui a duré une heure. Ces gens sont venus à bord de cinq pick-up et ces véhicules ont été identifiés et ils appartenaient aux responsables d'un parti politique au pouvoir d'alors. C'était des personnes recrutées pour venir attenter à ma vie. C'est des échanges qui ont suivi des coups de sommation. C'est le pouvoir actuel qui m'a sorti de prison et l'actuel chef de l'Etat était un membre de l'Etat d'alors. Et il m'avait dit que c'est l'Etat qui est responsable de cette affaire’’, a-t-il raconté.
‘’Les assaillants ont encerclé la mairie et je me trouvais là-bas avec des femmes et des agents. En première instance, on avait produit une vidéo où on voyait qu'ils avaient encerclé la mairie. Je me suis défendu et c'est de cela qu'il s'agit. Et, Madame le Juge, si je ne l'avais pas fait, je n'allais pas être ici devant vous. Je me suis défendu avec mon arme à feu, en tirant des coups de sommation pour leur demander de partir. Ces gens n'étaient pas venus pour me donner une carte d'invitation d'anniversaire, mais pour me faire la peau. Moi, j'ai vu la mort. Je suis marié et père de trois enfants’’, a-t-il ajouté.
Barth conteste l’enquête et accuse le ministre de l’Intérieur d’alors
En dehors de cette injustice qu’il a fermement décriée, Barthélemy Dias s’est également offusqué, au prétoire, de la manière dont s’est déroulée l’enquête. ‘’L'enquête n'a pas été bien menée. Le pouvoir avait utilisé des moyens peu orthodoxes pour m'empêcher de participer à l’élection présidentielle. Ils ont utilisé ce dossier comme une épée de Damoclès suspendu sur la tête’’, affirme-t-il, en constatant qu’il est le seul à la barre, avec le père du défunt.
Ainsi, il a regretté l’absence des autres nervis comme Ndione qui apparaît sur la vidéo et tenant une arme. Car, clame-t-il, ‘’je suis un homme public. On m'accuse de coups mortels, alors qu'il n'a jamais été brandi une arme et on veut me faire porter ce crime. J'étais porteur d'un calibre 9 mm et le permis correspondait à cette arme. Je n'ai pas eu à détenir cette arme du crime dont on me parle et c'est aux accusateurs d'apporter la preuve. Je conteste l'enquête, parce qu'elle a été menée par le ministre de l'Intérieur d'alors, Ousmane Ngom, et elle a été aussi menée à charge. La scène de crime a été infectée. Je suis victime d'une injustice notoire. Les coups de sommation n'ont pas permis à ces gens de partir et ce qui s'en est suivi, c'est une bagarre. À l'enquête, on a parlé de 77 douilles et la bagarre a duré quasiment une heure. Je leur ai dit qu'une personne ne pouvait pas tirer autant de balles. Il n'y a aucune balistique au Sénégal et jusqu'à l'heure où je parle’’, s’est-il défendu.
Se voulant plus explicite sur son innocence, l’ancien maire de Mermoz Sacré-Cœur déclare : ‘’On m'accuse de coups mortels, alors qu'il n'a jamais été brandi une arme et on veut me faire porter ce crime. Il n'y a pas d'arme de crime dans le dossier. Ce qu'il y a dans le dossier, c'est que Barthélemy aurait tué quelqu'un. Et ici, on est au pénal et qu'il faut rapporter la preuve.’’ Le nouveau maire de Dakar d’ajouter : ‘’Je n'avais qu'une arme factice. Pour sortir de mon pays où entrer dans mon pays, il me faut l'autorisation du ministère de l'Intérieur. Parce que depuis 10 ans, je suis sous contrôle judiciaire. Je voyage avec mon passeport américain.’’
‘’Ils voulaient que je charge Barthélemy Dias ; j'ai refusé’’
Son coprévenu Baboucar Faye, également appelant dans cette procédure, relate : ‘’Du début à la fin, on constate que le dossier est politisé. J'ai fait appel parce que la décision qui a été rendue contre moi en première instance est injuste. Aussi, je ne peux pas comprendre que de 8 h à 2 h, l'enquête se poursuivait. Ce qui m’étonnait, puisque l'Administration ne travaille pas jusqu'à 2 h du matin, mais de 8 h à 16 h. On m'avait fait savoir que j’étais responsable de tout ce qui se passait. Ils voulaient que je charge Barthélemy Dias ; j'ai refusé’’.
Si le nouvel édile de la ville de Dakar et celui qui lui a sauvé la vie souhaitent que leur honneur soit lavé, le substitut du procureur général, lui, requiert l’infirmation de la première peine et la condamnation de Barth à cinq ans d’emprisonnement ferme et deux ans ferme contre Baboucar Faye.
A en croire l’avocat général, l’excuse de provocation retenue par le juge d’instance doit être écartée. ‘’C'est à tort que le tribunal a retenu l'excuse de provocation’’, a souligné le maître des poursuites. ‘’Cinq véhicules de marque 4x4 pick-up avaient quitté le siège du PDS et ont rallié la mairie de Sacré-Cœur. Une fois là-bas, ils ont échangé des propos, puis des jets de pierres avant des coups de feu. Les agents du commissariat central se sont rendus sur les lieux et ils ont ramassé plusieurs douilles de calibres 38 et 39. Ils constataient d'autres orifices de balles aux encablures d'un kiosque. Avant que le corps de Ndiaga ne soit trouvé et conduit à l'hôpital’’.
Il poursuit : ‘’Les constatations ont révélé une balle qui l'a atteint au niveau de la région du cœur. Il est constant que le jour des faits, Barthélemy Dias avait deux armes, à savoir une qui est factice et un autre à plombs. À cela, il s'y ajoute des constatations des médecins que les balles extraites du corps de Ndiaga et des blessés ne provenaient pas du pistolet de Barthélemy Dias, mais d'une autre arme de calibre 38’’, a relevé l’avocat général.
L’avocat de la famille de Ndiaga Diouf réclame 150 millions de francs CFA
Avant que ce dernier ne prenne la parole pour ses réquisitoires, l’avocat de la partie civile a réclamé la somme de 150 millions de francs CFA pour dédommager la famille de Ndiaga Diouf. Selon la robe noire, Ndiaga Diouf a été utilisé par des politiciens et c'est des pratiques qui existent. ‘’Il faisait partie de ces personnes. On le présente comme un vulgaire assaillant ou un nervi, comme si sa vie n'avait pas de sens’’, s’est désolé l’avocat.
‘’Pour nous, il y avait préméditation et meurtre. Nous avons fait appel, car la somme qui nous a été allouée est de 25 millions F CFA, alors qu'on avait réclamé 100 millions. Si vous ne requalifiez pas les faits en meurtre, il faut au moins confirmer le jugement rendu en première instance et nous allouer 150 millions F CFA de dédommagement’’, a-t-il poursuivi.
La défense plaide le renvoi des prévenus des fins de la poursuite
De leur côté, les avocats de Barthélemy Dias et de Baboucar Faye ont sollicité le renvoi de ceux-ci des fins de la poursuite. Selon Me François Senghor, la constance dans cette affaire, c’est qu’une mairie a été attaquée et leurs clients se sont défendus. Maitre Demba Ciré Bathily, quant à lui, soutient fermement que Barthélemy Dias n’a pas tiré cette balle qui a tué Ndiaga Diouf. Plus virulent que ses collègues, Me Abdoulaye Tall lance : ‘’Ils étaient des nervis, des agresseurs et il faut qu'on le dise. Les balles extraites des corps des victimes ne provenaient pas de l'arme. Il faut rendre justice à Barth, parce qu'il aurait pu se constituer partie civile. Il faut le relaxer purement et simplement.’’
Quant à Me Alioune Badara Ndiaye, il trouve que cette affaire est bien calculée sur le plan politique. ‘’Les faits ont eu lieu en 2011 ; le jugement en première instance en 2017 et en 2022 l’appel. C'est un calcul politique’’. Il estime que le doute plane sur cette affaire, parce que, dit-il, rien n'a été caractérisé.
Au terme des plaidoiries, la cour a mis l’affaire en délibéré. La décision sera rendue le 18 mai prochain.
MAGUETTE NDAO
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