Les droits-de-l’hommistes plaident pour la libération pure et simple de Khalifa Sall
Des organisations et militants des droits humains au Sénégal, commentant l’arrêt rendu par la Cour de justice de la Cedeao, ont constaté hier la violation des droits de Khalifa Sall. Par conséquent, ils estiment que la libération de se dernier coule de source.
Les commentaires de l’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao rendu dans l’affaire Khalifa Sall font rage. Hier, en conférence de presse au siège d’Amnesty International/Section Sénégal, des organisations et défenseurs des droits humains se sont livrés à une interprétation de la décision de la Cedeao. Pour Me Assane Dioma Ndiaye, dès lors que la Cour de la justice de la Cedeao constate la violation du droit d’assistance par un avocat à Khalifa Sall, toute la procédure est nulle. ‘’La Cour de justice de la Cedeao dit que le droit d’assistance à un avocat, qui est un droit fondamental garanti par le règlement 5 de l’Umoa et transposé dans le droit national sénégalais par l’article 55 du Code de procédure pénale et sanctionné par une nullité absolue par le législateur sénégalais, est violé’’, commente la robe noire.
A en croire Me Ndiaye, la Cour de justice de la Cedeao s’est servie simplement du procès-verbal de l’enquête préliminaire pour dire qu’il ne résulte pas de ce procès-verbal que mention ait été faite que Khalifa Sall avait le droit de constituer un avocat. A ce sujet, il rapporte que l’article 55 du Code de procédure pénale dit que, si l’officier de police judiciaire ne fait cette mention, l’enquête préliminaire est nulle. Dès lors, ‘’le placement sous mandat de dépôt est nul, l’information est nulle, le renvoi est nul et le jugement est nul. C’est pourquoi tous les juges de tribunaux qui ordonnent la nullité du procès-verbal d’enquête préliminaire ordonnent automatiquement la nullité de toute la procédure subséquente’’, poursuit-il.
Ainsi, au regard de ce qui précède, Me Assane Dioma Ndiaye analyse pour conclure que : ‘’A partir de mercredi prochain, quelle que soit la libération ou pas de Khalifa, la première question à laquelle la Cour d’appel devrait répondre est : est-ce qu’on a violé le droit de Khalifa à l’assistance d’un avocat ? Est-ce que son immunité parlementaire a été violée ? Voilà les questions sur lesquelles Demba Kandji devra statuer. Mais avant de statuer, il a déjà une réponse d’un juge qui lui est supérieure. Il y a primauté du juge communautaire sur le juge national. Car le traité fait partie du bloc de constitutionnalité. Les traités viennent même au-dessus de la Constitution du Sénégal. Sous quelque angle qu’on puisse se placer, le juge d’appel ne peut pas entrer en contradiction avec le juge communautaire. Et s’il ne peut pas entrer en contradiction avec le juge communautaire, il est obligé de se conformer au constat du juge communautaire. En le faisant, il constate la violation du droit d’assistance à un avocat de Khalifa Sall. Et en constatant cela, il applique le Code de procédure pénale qui dit que le procès-verbal d’enquête préliminaire est de nullité absolue. Conséquence, c’est l’annulation de la procédure, ce qui implique la libération de Khalifa Sall’’, juge-t-il.
‘’Ce qui met mal à l’aise l’Etat du Sénégal…’’
Par ailleurs, les droits-de-l’hommistes pensent que cet arrêt de la Cour de justice de la Cedeao, venu au bon moment, met l’Etat dos au mur. ‘’Cet arrêt pourrait arriver et trouver que la Cour suprême du Sénégal se soit prononcée. Là, on serait dans un cas où la justice est dessaisie. Dans ce cas, on aurait pu épiloguer, parce que la Cour d’appel aura déjà statué. La Cour suprême de même. La décision serait passée en force de chose jugée. Dans ce cas, l’Etat serait dans une position confortable, parce qu’il se serait dit même s’il y a eu violation, il y a épuisement de tous les recours et que l’Etat ne peut que dédommager. Ce qui met mal à l’aise aujourd’hui l’Etat du Sénégal, c’est que la Cour de justice de la Cedeao a statué avant que le juge d’appel ne statue’’, ajoute Me Ndiaye. Qui pense que la Cour de la Cedeao est un formidable outil pour tous les citoyens et des Etats de la communauté, de protection de leurs droits fondamentaux.
Mais, il constate, pour le déplorer, que ‘’pour les affaires mercantilistes, on accepte de renoncer à notre souveraineté. Mais parce que la décision qui est rendue aujourd’hui avantage un opposant, on dit que c’est chiffon. Il faut que nos Etats soient sérieux. Les présidents actuels peuvent avoir intérêt à aller demain devant cette Cour de justice de la Cedeao. Attention ! Ne sacrifions pas les principes et des acquis fondamentaux sur l’autel des causes conjoncturelles, de calculs politiques, politiciens ou parce qu’il y a des échéances électorales en vue. Cette affaire dépasse Khalifa Sall’’, prévient-il.
A l’origine, cette Cour de la Cedeao avait été mise sur pied pour uniquement l’interprétation des traités qui lient les Etats sur les affaires économiques. C’est en 2005 que les chefs d’Etat ont décidé à donner compétence à la Cour de justice de la Cedeao à statuer sur les questions des Droits de l’homme pour que tout citoyen de la Cedeao qui estimerait que ses droits sont violés qu’il puisse saisir cette cour afin de condamner l’Etat violateur. Dans le préambule même, il est dit que les Etats acceptent de renoncer à leur souveraineté.
PR. MALICK NDIAYE, COORDONNATEUR DU CIIS ‘’Ceux-là qui font partie des 25 % du premier tour et les 65 % du second tour sont là pour marcher’’ ‘’A mon avis, ce n’est pas l’opposition, mais c’est la République qui est là, réunie avec les différents partis politiques de l’opposition. Il faut noter et accepter que beaucoup de gens qui avaient soutenu Macky Sall en 2012 sont là. Le professeur que je suis et d’autres avaient dit : je vote ‘Yonou Yokouté’. Ceux-là qui font partie des 25 % du premier tour et des 65 % du deuxième tour, il y en a combien ici ? C’est la République de 2011-2012 qui, pour la première fois, depuis la deuxième alternance, qui a réalisé son unité malgré les divisions des partis politiques. Aujourd’hui, c’est une convergence républicaine qui dit que Khalifa Sall doit être libéré, Karim Wade doit rentrer chez lui, le parrainage doit être supprimé, les ressources pétrolières et gazières gérées et les élections dirigées par quelqu’un choisi de manière consensuelle. Là, nous ne sommes non plus dans une problématique d’alternance, mais celle alternative. Cela veut dire qu’un candidat de l’opposition qui, demain, gagnerait, va avoir la même option que Macky de se maintenir, si le système n’est pas réformé. C’est ça que l’on entend par la refondation. C’est un grand jour pour la refondation et ça s’applique aussi bien à Idy, à Decroix, à Tekki, à tout le monde. Ce n’est pas un individu qui va sauver le pays, mais c’est le pays qui va sauver le pays. Donc, c’est ça qui explique le succès et ceux qui sont là, ce sont les gens qui avaient voté pour changer et qui sont revenus pour dire que le changement va avoir lieu sans Macky Sall.’’ CHEIKH TIDIANE DIEYE (SENEGAL BI NU BEUG) ‘’Si les choses continuent telles quelles, il peut y avoir des mouvements plus intenses’’ ‘’D’abord, en tant qu’acteur politique indépendant, pour dire simplement que la manifestation que nous avons vue aujourd’hui nous rassure. Le peuple sénégalais est resté debout et digne. C’est un peuple de refus qui s’était battu à plusieurs reprises en 2000, pour créer les conditions d’un changement qui a amené le président Abdoulaye Wade au pouvoir. Ce même peuple s’est remobilisé encore en 2012 et le président Macky Sall est très bien placé pour le savoir, parce que c’est avec lui, nuit et jour, la main dans la main, que les gens se sont battus pour que les choses changent. Ce peuple, qui s’est battu en 2012, c’est celui-là qui est venu lui adresser un seul et simple message pour qu’il revienne à la raison. Nous nous battons, nous nous mobilisons pour lui dire que force reste à la loi. La loi sénégalaise ne peut pas continuer à être piétinée. Le Sénégal est un pays qui a ratifié les conventions internationales, notamment sur la Cour de justice de la Cedeao. Sur le cas Khalifa Sall, un procès a été tenu, une procédure qui l’a amené en prison a été enclenchée. Aujourd’hui, la Cour de la Cedeao, qui est au-dessus des lois sénégalaises, a dit son verdict pour montrer que les droits de Khalifa Sall n’ont pas été respectés. Et la conséquence logique doit être sa libération immédiate. C’est d’ailleurs un message que j’estime que ce peuple lui a lancé à l’endroit de la justice. Il faut que le juge de la Cour d’appel comprenne qu’il doit libérer Khalifa Sall. Nous voulons lancer un message au président de la République pour qu’il comprenne que la loi sur le parrainage n’est pas appropriée, contextuellement parlant. Nous ne sommes pas contre le parrainage, parce que nous nous sommes battus pour que tous les candidats soient passés à la même enseigne, indépendants comme partisans. Mais le contexte choisi pour le faire est techniquement impossible.’’ IDRISSA DIALLO (MAIRE DE DALIFORT) ‘’Nous avons relevé le défi de la mobilisation’’ ‘’Vu tout ce qui s’est passé dans le passé, les tentatives de l’opposition à rassembler, bien que l’opinion soit d’accord avec elle qu’il y a trop de mécontentements, les gens ne sortaient pas. Aujourd’hui, avec cette chaleur à 15 h, on ne pensait pas que les Sénégalais allaient sortir. Mais ils sont venus très nombreux. Vraiment, nous avons relevé le défi de la mobilisation. Maintenant, il y a d’autres défis à relever. Nous donnons rendez-vous au peuple une prochaine fois. Il faudrait que le gouvernement comprenne que l’opinion ne partage pas son attitude et quand on dirige des gens et qu’ils n’apprécient pas ce que vous faites, vous devez vous arrêter et vous questionner et en tirer les conséquences. Je crois que Macky Sall aura la sagesse de tirer les conséquences de tout ce qui se passe en ce moment, parce que ce n’est pas à lui de dire qui peut être candidat ou non. Ce sont les Sénégalais qui décident de cela. Donc, on ne lui a jamais donné ce pouvoir.’’ CHEIKH GUEYE (ADJOINT AU MAIRE DE LA VILLE DE DAKAR) ‘’Le Sénégal a gagné la bataille’’ ‘’Aujourd’hui, c’est le Sénégal qui a gagné la bataille contre le pouvoir. Ce n’est pas l’opposition qui a gagné, mais le Sénégal. Tous ceux qui sont là sont des Sénégalais qui aiment leur pays et qui souhaitent être entendus, qui veulent que leurs problèmes soient résolus. Toutes les batailles que nous avons menées, c’est pour l’intérêt du pays. Nous avons vu que les libertés et droits sont bafoués. On emprisonne par-ci et par-là. Beaucoup subissent des intimidations et des renvois. Ce n’est pas ça la politique. Nous devons nous respecter les uns les autres. Le respect doit être mutuel. Le pays est indivisible, chacun doit apporter sa touche, mais ça ne sert à rien de menacer les gens. Nous sommes en politique et ce n’est pas ça qui règle le problème. Nous n’avons peur de rien, ni de personne et nul ne peut nous faire reculer sur nos prises de position. Nous sommes des lions.’’ TOUSSAINT MANGA, SG DE L’UJTL (PDS) ‘’Si Macky Sall n’accepte pas la démocratie, on va la lui imposer’’ ‘’Nous sommes satisfaits, parce que les Sénégalais se sont mobilisés en masse pour venir dire non à Macky Sall. Je crois que la sortie d’aujourd’hui est l’alerte que nous donnons au président Macky Sall pour qu’il comprenne qu’il doit démissionner le plus tôt possible, s’il n’accepte pas le jeu démocratique, c’est-à-dire aller aux élections avec Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade. Ce que nous ne pouvons pas accepter est que Macky veuille utiliser la justice pour éliminer ses potentiels adversaires. Ce qui est sûr, c’est que nous avons décidé, en tant que jeunes, de ne pas laisser Macky Sall faire sa campagne tranquillement, s’il n’accepte pas que Karim Wade soit candidat. Il ne peut y avoir de meeting de Benno Bokk Yaakaar dans le pays ou bien des caravanes de Macky Sall. Nous allons nous opposer. Partout où il ira, nous allons lui barrer la route. Deuxièmement, le mot d’ordre est donné pour que les jeunes se mobilisent le jour du scrutin, le matin très tôt, si Khalifa Sall et Karim Wade ne peuvent pas partir aux élections. Tous les bureaux de vote seront bloqués dans tout le pays et nous verrons les voix que Macky Sall pourra décompter pour pouvoir être président encore. S’il n’accepte pas la démocratie, on va la lui imposer. Voilà la décision que nous avons prise. Pour la mobilisation, nous avons prouvé que nous pouvons plus encore mobiliser ; montrer au président Macky Sall que l’heure est grave, que la stabilité sociale est en train d’être menacée. S’il n’en tire pas les conséquences, tant pis pour lui ! En tout cas, nous assumons toutes les conséquences de cette manifestation et nous continuerons. Ce n’est qu’un début et cela va continuer partout dans le pays et à l’international.’’ |
MAMADOU YAYA BALDE