Le Grand Écart ou une lecture idéologique comparée de la Loi et de l'Ordre
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Loi et ordre, deux concepts fondamentaux qui structurent les sociétés humaines, varient en fonction des régimes politiques et des traditions juridiques. Leur universalité ne doit pas masquer les différences culturelles et historiques qui influencent leur application. En tant que conservateur, membre du Parti conservateur du Canada (PCC) et citoyen binational sénégalo-canadien, je revendique une double lecture de ces principes, forgeant ainsi une analyse idéologique comparée entre deux mondes distincts.
D'un point de vue doctrinal, la loi désigne l'ensemble des règles juridiques imposées par l'autorité souveraine, tandis que l'ordre se manifeste dans l'organisation et l'exécution de ces règles pour assurer la stabilité sociale. Si au Canada, le conservatisme juridique met l'accent sur le respect strict des institutions et la primauté du droit, au Sénégal, la réalité est bien plus nuancée et plus ardue à maîtriser. La persistance de réseaux d'influence et d'intérêts personnels fragilise l'application rigoureuse des lois, posant ainsi un véritable défi à l'ordre républicain.
Utilisons le dernier scandale qui fait les manchettes de la presse nationale soit le scandale Tabaski Ngom qui relève des cas d'école.
Cette affaire Tabaski Ngom illustre cette fracture entre la théorie et la pratique. En effet, inspectrice du Trésor et ex-Agent comptable particulier (Acp) de plusieurs institutions stratégiques sénégalaises, elle est aujourd'hui accusée d'association de malfaiteurs, de blanchiment de capitaux, de détournement de deniers publics et d'accès frauduleux à un système informatique. Son incarcération et l'enquête subséquente mettent en lumière une problématique profonde : la difficulté pour certains hauts fonctionnaires de se soumettre à l'impératif légal. Signature de la gouvernance à l'ére de Macky Sall - Marième Faye Sall. Si on écoute Moustapha Diakhaté et Farba, on assurément et facilement penser que Marième Faye Sall était une ordonnatrice de ces dynamiques corruptives.
La perquisition menée par la Division des investigations criminelles (Dic) révélée par les médias de la place a révélé une série d'anomalies compromettantes, renforçant la perception que la corruption est systémique. Avec 700 millions de francs CFA disparus, les institutions judiciaires doivent réagir de manière exemplaire pour restaurer la confiance dans l'appareil d'État.
De mon point de vue de sociologue, l'analyse de cette affaire ne peut se passer d'un traitement anthropo-sociologique. La corruption, loin d'être un simple dysfonctionnement, est souvent enracinée dans une culture politique qui préfère les arrangements personnels aux règles impersonnelles. Comme le note Max Weber, la rationalité juridique moderne repose sur une bureaucratie efficace et neutre. Or, au Sénégal, le clientélisme et le favoritisme érodent cette rationalité, alors qu'au Canada, le systèeme dans lequel j'ai évolu et qui m'a permis de forger une solif=de expérience de gestionnaire, la transparence et la redevabilité sont des principes cardinaux du système politique. Toutefois, je le reconnais, en dépit de cette dichotomie, il est essentiel d'éviter une essentialisation culturelle qui opposerait radicalement l'Afrique et l'Occident. Donc, soyons clair, le conservatisme sénégalais n'est pas celui du Canada : il repose davantage sur des valeurs communautaires et traditionnelles, alors que son homologue canadien privilégie la primauté de l'individu et le respect strict du cadre légal. Un constat qui m'agace fortement car je n'aime pas justifier le différentiel cognitif par des raccourcis cultures. Mais, la manufacture du narratif justifie le détour. En effet, le Canada se distingue par un État de droit où la séparation des pouvoirs est rigoureuse et où les institutions judiciaires sont largement indépendantes. Le modèle canadien pourrait-il inspirer le Sénégal ? Non èa mon avis! Ce non provient de la volonté d'affirmation endogèene des dirigeants actuels du pays qui pensent, à juste titre, qu'une vision endogène de la loi et de l'ordre doit accompagner leur agenda de transformation nationale.Mais, on s'entend qu'il est nécessaire d'imprimer une forte une refonte institutionnelle profonde et une volonté politique dogmatique afin de rompre avec les pratiques de connivence. ce que Ousmane SONKO essaye de faire. Il ne s'agit donc pas de l'importation d'un modèle juridique mais bel bien la manufacture endogène d'un nouveau cadre postural partageable et partagé avec les populations. Les traditions sociopolitiques du Sénégal, ancrées dans le consensus et la négociation sociale, ne peuvant être ignorées, il faut donc faire un travail de propagation dans un espace temporel de 3 ans pour espérer des résultats. Une sorte de de stratégie IEC hybridée . Un véritable changement nécessiterait donc une hybridation des modèles, intégrant transparence et responsabilité tout en respectant les spécificités locales.
Donc, comme dans un racoourci, on peut bien dire, vu le format d'un post Facebook, que comparer la loi et l'ordre dans deux systèmes aussi différents que le Sénégal et le Canada est un exercice complexe, mais nécessaire pour le binational que je suis et qui se donne le droit d'exster à l'intersection des dynamiques nationales de ses deux sphères d'attache. L'affaire Tabaski Ngom, loin d'être un simple scandale, révèle les tensions entre un ordre idéal et sa mise en pratique. Si l'on veut voir triompher la rigueur juridique et administrative, il faut un engagement ferme des acteurs publics et une volonté politique de rupture avec les logiques de connivence. Comme l'écrivait Montesquieu : "Une chose n'est pas juste parce qu'elle est loi, mais elle doit être loi parce qu'elle est juste." Cette maxime, universelle, devrait inspirer toute réflexion sur la manière dont les sociétés conçoivent et appliquent la loi et l'ordre.
Moussa SARR, Ph.D.
Sociologue et analyste politique