La défense boude, la Cour suprême recule et renvoie Khalifa Sall au 20 juillet
A moins d’une libération d’office, Khalifa Sall, tête de liste de la coalition Manko Taxawu Senegaal, ne battra pas campagne. Car hier, la Cour suprême n’a pas statué sur la requête de ses avocats portant demande de liberté provisoire. Elle a rabattu son délibéré et renvoyé l’affaire au 20 juillet, après le boycott de la défense qui souhaite une disjonction des trois requêtes déposés par les conseils des prévenus.
La campagne électorale pour les Législatives démarre ce dimanche 9 juillet, et elle risque de se dérouler sans la tête de liste de la coalition Manko Taxawu Senegaal. Khalifa Sall, qui scrutait une liberté provisoire au niveau de la Cour suprême, reste encore en prison, car la juridiction n’a pas encore statué sur la requête de ses avocats. Le président de la chambre criminelle et ses conseils ont renvoyé le dossier au 20 juillet. Ce, à la suite du boycott observé par les conseils du maire de Dakar. En effet, ces derniers n’ont pas apprécié la jonction des trois requêtes. L’une est déposée par Me Ciré Clédor Ly pour le compte de Khalifa Sall et Mbaye Touré, une autre par Me Demba Ciré Bathily pour Fatou Traoré. Le troisième recours est introduit par Me Seydou Diagne aux noms de Yaya Bodian, Amadou Mactar Diop, Yatma Diaw et Oumar Bocoum.
Mais, le greffe a fait une jonction et ouvert une seule procédure. Ce qui n’était pas du goût de la défense et Me Ly a tenu à faire savoir au président Abdourahmane Diouf que lui et ses confrères (Mes Demba Ciré Bathily, Borso Pouye, Issa Diop, François Sarr et Seydou Diagne) s’étaient uniquement préparés pour défendre le recours du maire socialiste. Une position que semblent partager les conseils de l’Etat, car Me Papa Moussa Félix a fait savoir qu’ils ont reçu la signification de leurs confrères de la défense, le 20 juin dernier, et qu’ils ont jusqu’au 20 juillet pour répondre. Malgré les arguments des conseils, le président Diouf a estimé qu’il ne saurait y avoir trois procédures, même si du reste il y a trois requêtes. ‘’Le greffe a ouvert un seul dossier, puisque les trois déclarations de pourvoi visent le même’’, a tenté de justifier le juge.
Loin d’être convaincus, la réaction des défenseurs de Khalifa Sall ne s’est pas fait attendre. ‘’Il n’y a pas de texte de loi autorisant le greffe à ouvrir un seul dossier. C’est une violation des droits de la défense, si on retient cette affaire sans les autres avocats’’, a rétorqué Me Ly. Son confrère Me Pouye de renchérir : ‘’Si vous retenez le dossier aujourd’hui, l’AJE (Agent judiciaire de l’Etat) ne pourra pas faire ses observations sur la requête de Yaya Bodian et autres’’. Fort de ces arguments, Me Diagne a demandé à la Cour de respecter sa loi organique car, rappelle-t-il, ‘’une affaire est réputée être en état, si les mémoires sont déposés’’. Leur argumentation n’a pu convaincre le juge qui a fait savoir aux robes noires : ‘’Que les avocats soient présents ou non, la décision sera une contradiction.’’ Sur ce, il a décidé de retenir le dossier sans la défense qui a tout bonnement quitté la salle, laissant derrière elle la Cour, l’AJE et les deux conseils de l’Etat (Mes Baboucar Cissé et Papa Moussa Félix Sow).
Bien qu’ils aient boycotté, l’audience s’est poursuivie et le président a lu le rapport de la chambre. Par la suite, les avocats de l’Etat ont fait leurs observations et ont laissé entendre qu’ils s’en tenaient à leur mémoire. L’avocat général, Ndiaga Yade, a également fait savoir qu’il maintenait ses écrits, à savoir que la requête des avocats soit tout simplement rejetée. Sur ce, la Cour a suspendu l’audience pour une trentaine de minutes, le temps de délibérer. Coup de théâtre : à leur retour, les juges ont rabattu le délibéré et renvoyé l’affaire au 20 juillet prochain, afin de permettre à toutes les parties de faire leurs observations.
ME CIRE CLEDOR LY
‘’Nous avions compris, dès le départ, qu’il y avait un coup fourré’’
‘’Nous avons quitté la salle, car nous avons compris que nous n'avions pas notre place ici. Manifestement, la Cour suprême était décidée à retenir, en violant sa propre loi organique. Nous avons toujours dit que l'État a un calendrier qui est de juger khalifa Sall avant les élections et nous pensions qu'il y aurait un peu d'élégance de forme. Chaque prévenu a fait un pourvoi distinct ; donc, on comprend aisément qu'il y ait trois recours faits par des parties différentes et des avocats différents. Par conséquent, trois dossiers devraient être sur la table, alors que la programmation devrait concerner les trois, pour que tous les avocats puissent venir défendre leurs clients. Dans le rôle que nous avons reçu, c'est Khalifa qui est programmé, donc, tous ses avocats se sont préparés. Nous avions compris, dès le départ, qu’il y avait un coup fourré. Ce qui les intéresse, c’est de juger avant les élections et d’utiliser tous les moyens pour l’empêcher de battre campagne et de jouir de ses droits politiques. C’est ce qui explique les précipitations et le plus grave, les délais prévus par la loi organique n’ont pas été respectés, même pour les avocats défendant les intérêts de l’Etat du Sénégal.
Nous avons demandé la disjonction et ce qu’on nous a expliqué et qu’on ne peut pas comprendre, le greffe qui est une administration différente de celle des juges aurait ouvert un seul dossier et aurait décidé d’une jonction. Nous n’avons jamais été informés de cela et nos autres confrères ont pensé que la Cour suprême jugerait l’affaire Khalifa Sall seulement, et attendent tranquillement d’être convoqués. Donc, pour nous, c’est une plaisanterie de mauvais goût, alors que ne nous sommes pas là pour nous amuser. C’est inadmissible que la justice puisse fonctionner ainsi pour des raisons politiciennes.’’
ME BABOUCAR CISSE
‘’C’est une bonne décision, car cela participe au respect des droits de la défense qui se rapportent aux demandeurs mais aussi aux parties civiles. J’espère que la défense se présentera le 20 juillet pour faire ses observations orales. On ne peut pas dire que la Cour a donné raison à la défense en rabattant le délibéré. Seulement elle a estimé mettre tout le monde dans les mêmes conditions de pouvoir défendre son client.’’
FATOU SY