Pastef vs Pastef

Plus que les critiques acerbes de ses adversaires, Pastef devrait surtout s'inquiéter du spectacle que se donnent ses principaux responsables sur la place publique. Ce, malgré les avertissements des plus hauts dirigeants du parti.
La journée d'hier a été très mouvementée pour le parti au pouvoir. Sur la toile, les coups ont afflué de tous bords. Le premier à s'être donné en spectacle a été le député Ismaila Diallo, non moins deuxième personnalité de l'Assemblée nationale. Dans une charge consécutive à la publication d’un poste de Guy Marius Sagna, il peste fort contre lui. “Guy Marius Sagna a son propre agenda et ce n'est pas un secret. Et rien ne me surprend de lui. Nous avons vécu ensemble la 14e législature”. Il fait référence à cette partie du poste de Guy Marius Sagna: ‘’Nous devons rompre avec des pratiques d'un autre âge non conformes à l'exigence de rationaliser les dépenses de notre État: la distribution de Sukëru koor à l'Assemblée nationale aux députés par mon groupe parlementaire, le montant de l'appui financier aux groupes parlementaires par l'Assemblée nationale sans pièces justificatives ni compte rendu fait aux membres de mon groupe parlementaire et à l'Assemblée nationale, la distribution aux députés de billets de pèlerinage à des lieux saints, la non consultation des députés par l'Assemblée nationale et par mon groupe parlementaire sur des questions importantes dont la problèmatique de l'achat ou non de voitures aux députés n'est qu'une illustration, les retards importants de l'Assemblée nationale et de sa Commission comptabilité et contrôle - dont je suis membre - qui n'ont présenté ni rapport annuel 2024, ni rapport du dernier trimestre de 2024 ni rapport du premier trimestre de 2025’’.
Le poste d’Ismaïla Diallo a crée un séisme de réactions jusque dans son propre camp. Dans son post sur sa page Facebook qui a enregistré près de 1 500 commentaires pour plus de 80 partages, ils ont été nombreux à lui rappeler combien son texte est inopportun. “Un pouvoiriste adepte de privilèges ne saurait aimer Guy dont le désintéressement est connu de tous. Vous commencez à vraiment nous décevoir’’, fustige cet internaute.
Plusieurs autres ont abondé dans le même sens. Quand ils n'ont pas traité le député Diallo de tous les noms, ils ont simplement mis en garde contre les conséquences éventuelles de ces querelles de borne-fontaine.
Malgré les attaques, le premier vice-président de l'Assemblée nationale persiste et signe ses déclarations. Pour lui, il ne fait l'ombre d'aucun doute : son collègue avance masqué. Plus tard dans la soirée, il est revenu à la charge. ''Rien n'est voilé qui ne serait dévoilé. Guy n'est pas celui qu'il prétend être. Demain fera jour’', philosophe-t-il. C'est la goutte d'eau qui fera déborder le vase. Sous le post, de nombreux partisans de Pastef ont exprimé leur déception, face à ce qu'ils considèrent comme des querelles de bas étage, un acharnement injustifié contre Guy Marius Sagna.
Comme si cela ne suffisait pas, d’autres hauts responsables sont venus en remettre une couche. C'est le cas du directeur général de la SN/HLM qui, dans un post plein d'allusions, fulmine : ''L’agenda de certains est de nous dissoudre dans la banalité. Le système isole, embourgeoise, rend paresseux et ôte le courage. Il vous transforme en ‘homme d’État’ sans saveur. Il vous isole de votre parti et de ses idéaux.” Le jeune directeur ne se limite pas à cette charge. Il attaque et il alerte : “Le plus grand risque, c’est de devenir des gestionnaires, alors qu’on a été élu pour être des révolutionnaires. Le plus grand tort au peuple, c’est de ne pas prendre de risque pour ne pas perdre des privilèges. Le plus grand mal, c’est de ne pas incarner la transformation radicale, parce qu’on a perdu le courage de tout bouleverser. La plus grande faute, c’est de se contenter de mieux faire que les autres, alors qu’il faut tout refaire.”
Même s'il n'a visé personne, ces propos ont fait l'objet de toutes les interprétations possibles. Quelques heures plus tôt, en Conseil des ministres avant-hier, c'est le Premier ministre lui-même qui constatait les limites de ses hommes. Il avait déploré ''des manquements graves, récurrents et contraires aux règles de transparence et de bonne gouvernance préjudiciables à la qualité du service public''. Listant une kyrielle de griefs, il avait mis en garde les agents publics de certaines administrations.
''Fort de ce constat, le Premier ministre a demandé aux ministres de procéder, sans délai, à la régularisation de la composition des organes délibérants, surtout dans le contexte actuel marqué par plusieurs changements institutionnels. Il a également demandé d’apporter un soin particulier au choix de ces représentants dans les organes délibérants, dans le respect des dispositions pertinentes du décret n°2025-670 du 29 avril 2025, fixant les règles de fonctionnement de l’organe délibérant des entités du secteur parapublic'', prévenait le communiqué du Conseil des ministres.
Une remarque qui pourrait valoir pour nombre de dirigeants, plus prompts à s'épancher dans les querelles sur les réseaux sociaux que de répondre aux aspirations des Sénégalais.
En ce qui concerne les attaques d’Ismaila Diallo, il convient de noter que l'on ne sait pas pour le moment les motivations. À noter que dans la journée d'hier, le député, chantre du mouvement France dégage, s'était plutôt illustré par la publication de son bilan en tant que parlementaire. Un bilan qui fait état de 267 initiatives parlementaires depuis l'installation de la nouvelle législature. Il énumère : deux lettres adressées au président de la République ; une proposition de résolution de mise en accusation contre l'ancien président ; deux demandes d'ouverture d'enquête parlementaire, 264 questions écrites... Il se réjouissait d'avoir eu à provoquer 93 réponses du gouvernement ; plusieurs problèmes résolus grâce à ses interpellations.