Les six contraintes du général Cheikh Guèye
En dépit des solutions qu’il a préconisées, le général Cheikh Guèye a décliné six limitations qui seraient un écueil à la mutualisation de toutes les forces de défense et de sécurité.
Les discussions du deuxième panel d'hier ont porté sur la question du continuum défense et sécurité. Autrement dit, la coordination et l’articulation entre forces de défense et de sécurité. Comment moduler, réguler une éventuelle intervention des forces armées (militaires) dans une sécurité intérieure assurée par la police et la gendarmerie essentiellement ? Avec l’entrain d’un terrorisme mondialisé, asymétrique à souhait, le rôle de l’armée est redéfini dans un sens de lui accoler une tâche qui ne lui était jusque-là pas dévolue, de manière opérationnelle.
Pour le chef d’Etat-major général des armées, le général Cheikh Guèye, des contraintes existent à la matérialisation de cette formule déjà appliquée dans les grandes démocraties sujettes aux attaques terroristes. ‘‘Les difficultés liées à l’utilisation de méthodes et d’outils de travail spécifique à chaque acteur et l’absence d’une compréhension commune du cadre d’utilisation des forces lorsqu’elles agissent de concert sur le territoire. Le défaut de doctrine et de procédures communes sont une limitation importante’’, a-t-il souligné comme le premier de six facteurs qui pourraient constituer un écueil au continuum défense-sécurité.
Le chef des armées sénégalaises craint également les revers des engagements intérieurs sur les capacités des forces. ‘‘Un rythme d’engagement soutenu et durable sur le territoire peut déséquilibrer le cycle d’activités et affecter négativement la préparation opérationnelle des unités’’, estime-t-il. Des opérations intérieures qui impliquent également la notion de ‘‘Waramong the people’’ et qui alimente les appréhensions du Cemga. ‘‘L’usage de la force devient très délicat, car il est susceptible de s’appliquer à nos propres concitoyens’’, poursuit-il. Sans compter que pour cette troisième contrainte de taille, ‘‘les conditions restrictives de l’emploi de la force qui peuvent impacter l’efficience de l’intervention’’ ou pourraient déboucher sur une ‘‘judiciarisation croissante des affaires militaires’’.
‘’Hit and run’’
Même si des pistes de solution ont été dégagées comme une intervention ‘‘en amont et au plus haut niveau dans la stratégie globale de sécurité intérieure’’ des forces armées, un autre problème vient se dresser : le déficit en matière de renseignements. De l’avis du général, ‘‘les actions menées par les armées à l’intérieur du territoire requièrent une maîtrise du milieu dans toutes ses composantes humaines et physiques. Les opérations restent handicapées par le déficit de renseignements fiables et en temps réel’’, estime le général Cheikh Guèye. L’impréparation des forces armées est également un autre écueil. ‘‘Du fait de leur dispositif de maillage du territoire et du déficit de forces de sécurité, elles peuvent se retrouver en qualité de primo intervenant, alors qu’elles ne sont pas adaptées en termes de formation et/ou équipement’’, déplore-t-il.
Enfin, une limitation géographique esquissée par le chef des armées aborde la question stratégique du ‘‘hit and run’’ (attaquer et s’enfuir). Selon lui, l’intervention des forces armées peut être dictée par la nature et la localisation de l’adversaire. ‘‘Celui-ci peut constituer une masse intérieure adossée aux frontières ou disposer de bases-refuge sur le territoire d’un Etat voisin et conduire des opérations à partir de là-bas, suivant le principe du ‘’hit and run’’, conclut-il. OUSMANE LAYE DIOP