Candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle, Me Madické s’est attiré les foudres de ses ‘’frères’’ de parti et plus particulièrement de son mentor, Me Abdoulaye Wade. Le ‘’Pape du Sopi’’, qui estime que son ‘’ami’’ s’est auto-exclu du parti, brandit déjà des sanctions contre lui, en promettant de le débarquer de la tête du groupe parlementaire Liberté et démocratie, lors des prochains renouvellements à l’Assemblée nationale.

Après quelques moments de tergiversations, Me Madické Niang a finalement rendu publique, avant-hier, sa candidature à la prochaine élection présidentielle. Dans une déclaration sortie à cet effet et largement publiée, l’ancien ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur sous le régime d’Abdoulaye Wade, a décidé de s’engager dans la course à la présidentielle de 2019, non pas en un dissident du Pds, mais en candidat alternatif à Karim Meïssa Wade.

 ‘’Je réaffirme mon appartenance au Pds, et pour qu’il continue à jouer un rôle de premier plan sur l’échiquier politique et dans la marche du pays, j’ai décidé de me présenter à l’élection présidentielle pour assumer une candidature alternative de notre parti. Avant de la rendre publique, j’ai tenu à informer le président Wade par courriel en date du 2 octobre 2018’’, a-t-il écrit dans la note. Ainsi, en attendant ses frères de parti ainsi que toutes les personnes et organisations qui voudraient bien lui apporter leur soutien, Me Madické Niang promet, dans les prochains jours, de déclarer solennellement sa candidature.

Tout en reconnaissant que Karim Wade est le candidat investi démocratiquement par les instances du parti, il juge cependant nécessaire de prévoir une candidature alternative. ‘’Après avoir soutenu activement à l’intérieur du parti le choix de Karim Wade comme candidat et assuré au mieux sa défense pour lever les obstacles juridiques à sa candidature, je suis très peiné par la position consistant à ne pas envisager une option alternative, d’autant plus que le moment est plus que jamais favorable, pour le Pds et ses alliés, de reconquérir la confiance des Sénégalais et d’abréger leurs souffrances. Pour ma part, je m’investirai pleinement pour la sauvegarde du Pds qui est un patrimoine national et qui ne doit, en aucune manière, être absent des prochaines joutes électorales, encore moins disparaître de l’échiquier politique’’, tente-t-il de justifier son choix.

Cette posture soulève des vagues dans les rangs du Parti démocratique sénégalais. D’ores et déjà, l’on réclame sa tête, après sa déclaration de candidature à la prochaine élection présidentielle. ‘’On n’a pas besoin de l’exclure du Pds. Lui-même, il s’est auto-exclu du parti en se présentant contre notre candidat Karim Meïssa Wade désigné par le Congrès. Donc, on n’a même pas à lui dire de faire ses valises, de quitter le parti et le groupe parlementaire Liberté et démocratie’’, fulmine d’emblée un haut responsable du Pds, lorsque interpellé hier sur la question. ‘’Quand tu t’engages dans une liste concurrente, tu t’exclus de facto du parti. Ce n’est pas moi qui le dit, mais ce sont les dispositions du parti qui le disent’’, renchérit un autre cadre du parti.

La furie de Wade

Plus pondéré, le porte-parole du Pds, lui, y est allé du dos de la cuillère. ‘’Le Pds prend acte de sa déclaration de candidature. Il lui appartient maintenant d’apprécier cette tournure suite à la décision de Madické Niang qui, dit-il, en a déjà parlé avec le secrétaire général national, Me Abdoulaye Wade. Il nous appartient maintenant, en interne, d’apprécier sa candidature et d’en discuter pour voir quelle suite donner à cette décision de notre frère de parti’’, déclare dans la matinée Babacar Gaye sur les ondes de la Rfm.

Mais un peu plus tard dans l’après-midi, c’est le ‘’Pape du Sopi’’ qui monte personnellement au front pour fusiller son ‘’frère’’ de parti.  ‘’Ni le Pds ni son secrétaire général national ne cautionnent une candidature solitaire, au moment même où les Sénégalais font preuve de détermination pour sauver notre modèle de démocratie que des mains inexpertes et sans vertu sont en train de transformer en système autoritaire et violent’’, se veut-il d’abord clair. Poussant le bouchon plus loin, l’ancien président de la République déplore fortement la démarche de son ‘’frère de parti’’. ‘’Me Madické Niang vient de franchir le Rubicon, en faisant une déclaration publique annonçant sa candidature à l’élection du président de la République’’, condamne Abdoulaye Wade dans une déclaration rendue publique hier.

Selon l’ancien président de la République, Me Madické Niang est parti pour compromettre tout simplement la candidature de Karim Wade et faciliter la réélection du président Macky Sall, candidat à sa propre succession. ‘’S’il ne gagne pas, sa candidature de ’substitution’ n’aura été, en fait, qu’une candidature de diversion destinée à aider Macky Sall, en détournant certaines voix acquises au Pds et à Karim Wade’’, estime-t-il. Avant d’ajouter : ‘’Objectivement, c’est une candidature de collusion, une candidature téléguidée par Macky Sall qui cherche  désespérément, et par tous moyens, un second mandat que les Sénégalais ne sont pas prêts à lui accorder.’’

‘’Candidature téléguidée par Macky Sall’’

A en croire le secrétaire général national du Pds, ‘’les pressions qu’exerce Macky Sall sur Madické Niang sont irrépressibles’’ au point que ce dernier accepte le suicide politique. ‘’Je n’ai pas manqué de lui demander ce qu’il ferait s’il ne gagnait pas, puisqu’il n’avait pas d’autre alternative. Il m’a répondu calmement : ’J’abandonnerai la politique’ !’’, soutient Me Wade.

Le ‘’Pape du Sopi’’ ne s’est pas gêné de rappeler à l’opinion nationale et internationale qu’un congrès régulièrement tenu le 21 mars 2015 avait pris la décision de proposer et de soutenir la candidature de Karim Wade à la prochaine élection présidentielle. Et Madické Niang avait participé pleinement à ces assises, occupant même une position de pointe. ‘’Le congrès, connaissant la position intransigeante de Macky Sall, avait décidé que si, par ses manigances et intrigues, il empêchait notre candidat de se présenter, il n’y aurait pas d’élection présidentielle au Sénégal. Dans ces conditions, aucune autre candidature, de quelque bord qu’elle provienne, ne saurait ni être soutenue ni engager le Pds’’, rumine-t-il.

Allant plus loin, il estime que toute candidature en dehors du parti ou tout soutien apporté à un candidat autre que celui régulièrement désigné par les instances du parti, constitue un cas d’‘’indiscipline majeure’’ et d’‘’incompatibilité’’ flagrante entraînant la perte de qualité de membre par démission de fait, en application des articles 4 et 5 de ses statuts. ‘’Bien que la jurisprudence ne soit jamais démentie sur le traitement à infliger aux députés qui quittent délibérément le parti ou en sont exclus, le secrétaire général national du Pds va demander au parti de laisser à Madické Niang son poste de député, comme il l’avait fait pour Iba der Thiam, parce qu’il était une personnalité, mais qu’on lui retire la présidence du groupe parlementaire’’, tonne Me Abdoulaye Wade.

Membre influent du Parti démocratique sénégalais, Me Madické a toujours forcé le respect de ses ‘’frères’’ libéraux et même de son mentor, Me Abdoulaye Wade, avec qui il a tout le temps entretenu des relations empreintes d’amitié, de fraternité et de cordialité. Aujourd’hui mis à rude épreuve, cet attachement mutuel qu’ils se sont toujours témoigné est parti pour céder la place à l’adversité.

ASSANE MBAYE