Publié le 23 Jan 2012 - 17:35
COUPABLE DE MEURTRE SUR SON AMI D’ENFANCE

L’accusé condamné à 7 ans de travaux forcés

 

Privé de liberté depuis février 2007, Babacar Mbodj condamné à 7 ans de travaux forcés devra retrouver les siens en 2014. Ce n’est pas le cas de la victime Ababacar Savaré alias Khalifa arraché à jamais à l’affection de ses proches à l’âge de 25 ans. Pourtant, celui qui lui a ôté la vie est son ami d’enfance. Un ami que son père a hébergé quand il est devenu orphelin (de père) à l’âge de 11 ans.

 

Mieux, Babacar qui a quitté le domicile de son ami à cause de ses sorties nocturnes, a appris le métier de maçonnerie grâce à son défunt ami. Au moment des faits, survenus le 25 février 2007 au quartier Fass de Rufisque, il était employé par le défunt, maître maçon en charge de la construction d’un immeuble R+4. C’est cet ami-là à qui il a ôté la vie. Un geste que le meurtrier a regretté hier, à la barre de la Cour d’assises de Dakar en fondant en larmes lorsqu’il est revenu sur les circonstances de la mort de son ami.

 

''Au cours d’une discussion, son grand frère Chérif m’a traité de menteur et je lui en ai fait la remarque'', a déclaré l’accusé. Selon lui, Chérif n’a pas apprécié sa remarque et s’est mis à insulter sa mère. Et c'est ainsi qu'il a ajouté avoir corrigé le grand frère de son défunt ami. ''Plus tard, dit-il, Chérif est revenu avec mon ami Khalifa qui m’a fait des reproches sur mon attitude''. Selon ses explications, c’est Chérif qui a envenimé les choses en lui jetant des cailloux lorsqu’il s’expliquait avec son ami (le défunt).

 

C’est pourquoi, a-t-il dit : ''Je suis allé prendre un couteau dans ma chambre que j’ai dissimulé dans ma poche avant de ressortir''. Et d’ajouter : ''Alors que je visais Chérif, j’ai poignardé Khalifa qui m’a retenu. Mais je n’avais pas l’intention de le tuer ni son frère. Je voulais juste les intimider''.

 

Très affecté par son acte, il revient sur les derniers mots de son ami. ''Il m’a dit : 'Boy, tu m’as poignardé. Moi, je ne t’aurais jamais poignardé''', a révélé Babacar Mbodji avant de fondre en larmes. Cependant, pour l’avocat général, l’accusé cherche à s’attirer la compassion de la Cour. Or la partie visée, le cœur et l’arme utilisée (un couteau de 25cm de long) démontrent l’intention de donner la mort.

 

Mieux, il y a les déclarations du grand frère de la victime. Alioune Savaré a déclaré que l’accusé n’a pas apprécié le fait que Chérif se soit plaint auprès du défunt, de ses retards. C’est pourquoi il a requis 15 ans de travaux forcés. Contrairement aux arguments de l’avocat général, le conseil de l’accusé a évoqué l’excuse de provocation avant de demander l’application bienveillante de la loi.

 

Fatou SY

 

PROFIL DE L'ACCUSÉ : une rancune assassine

 

Le maçon Babacar Mbodji était jugé, hier, dans le cadre de la 1ère affaire du jour pour meurtre. Il avait, en 2007, tué le fils cadet de son ancien logeur, Modou Sabaré, qui se trouvait par coïncidence être son employeur au moment des faits.

 

Pourtant entretenu par son père dans son enfance, qui versait une sorte de pension alimentaire à sa mère domiciliée à Rufisque, l’accusée a grandi sans jamais vraiment le connaître jusqu’à l’âge de 7 ans, où il va emménager chez la sœur de ce dernier pour pouvoir s’inscrire à l’école. Même là, il a cruellement manqué d’une présence paternelle puisque, militaire de métier, le géniteur en question n’était que très rarement à la maison.

 

Quand, à l’âge de 12 ans, il devient orphelin, il retourne à Rufisque, chez Modou Sabaré, un ami de sa mère pour que ce dernier le loge jusqu’à la fin de sa scolarité. Si leurs relations ont d’abord été sans problème, l’accusé se liant même d’amitié avec Serigne Ababacar Sabaré, dit ''Khalifa'', le fils cadet de la famille, elles se détériorent rapidement.

 

Et cela parce que Babacar Mbodj accepte mal d'être sous l’autorité d’un autre. Il reste dehors tard le soir, allant jusqu’à faire le mur quand le maître des lieux, qui éduque ses enfants de manière stricte, ferme le portail de sa maison. Pire encore, son mauvais exemple fait émule auprès de ''Khalifa'', son ami. Après plusieurs avertissements, le vieux Modou Sabaré n’a d’autre choix que de le renvoyer chez sa mère, une décision pour laquelle l’accusé va beaucoup lui en vouloir.

 

Quelques années plus tard, devenu maçon et employé par les Sabaré, grâce à son ami de toujours, ''Khalifa'', qui s’investit personnellement à lui trouver du travail sur les chantiers de l’entreprise, l’accusé ne change pas vraiment d’attitude. Toujours allergiques aux ordres, il vient et part du travail quand il lui chante, une attitude qui lui créera bientôt d’autres problèmes avec le grand frère de ''Khallfa'', devenu chef de famille après le décès du patriarche.

 

Ce sont justement ces disputes qui sont à l’origine du crime du 27 février où ''Khalifa'', venu séparer son frère et Babacar Mbodj, recevra un coup de poignard de celui qu’il considérait comme un ami d’enfance. Jalousie ? Rancune ? Seul l’accusé, qui nie avec véhémence avoir eu l’intention de tuer la victime, même s’il avoue être l’auteur du coup fatal, sait vraiment ce qui a motivé son geste…

 

AMBIANCE -   Grand rush

 

 

Ce n’est pas du monde qui manquait, hier, au Palais de justice de Dakar. La salle 4, où se tiennent les procès d’Assises, était archicomble avec hommes, femmes et enfants de tous âges. Même des bébés sur le dos de leurs mères. Tous étaient venus pour assister au procès de Babacar Mbodji, accusé d’avoir tué son employeur (et ami d’enfance) d’un coup de poignard au cours d’une bagarre.

 

D’expérience, on subodore qu’une foule pareille signifie souvent que soit les victimes (ou leurs familles, s’il y en a), soit les accusés bénéficient, pour ainsi dire, d'une certaine notoriété dans leur quartier. Etaient-ils venus pour Babacar Mbodj ou seulement par respect pour la famille Savaré, représentée hier par le fils de la victime ? Si on ne peut parler pour tout le monde, une chose est sûre, cependant : nos concitoyens, très conscients de leurs droits et devoirs vis-à-vis de la loi, ne se lassent pas des Assises…

 

MOT DU JOUR - Destin

 

C’est le mot destin qui était sur toutes les lèvres hier, que ce soit le parti de la défense ou celui de l’accusation. L’accusé lui-même a justifié son acte en évoquant le ''destin'' car il a dit ne pas avoir eu l’intention de donner la mort à son ami. Même le frère de la victime, venu représenter la famille, a parlé de ''destin'', bien qu’il ait très vite été sermonné par le président qui lui a rétorqué qu’on ne peut pas banaliser la vie humaine.

 

Même son de cloche chez l’avocat de la défense, Me Anne Marie Niang, qui a parlé de ''destin'' en évoquant les relations entre la victime et l’accusé. Rappelant que ce dernier a été pendant des années hébergé par le père de la victime et que c’est même ce dernier qui lui a permis d’apprendre la maçonnerie…
 

 

Sophiane Bengeloun

 

 

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