Publié le 23 Jan 2023 - 19:41
DÉMONSTRATION DE FORCE À KEUR MASSAR

Ousmane Sonko se radicalise

 

Le terrain Yékini de Keur Massar a refusé du monde, hier, lors du méga meeting organisé par Pastef/Les patriotes. Face au procès contre le leader qui se profile, le parti du principal opposant au régime au pouvoir incite le maire de Ziguinchor à ne pas s’y rendre.   

 

S’il avait encore besoin de démontrer sa force politique actuelle au Sénégal, Ousmane Sonko a réussi un coup de maître. Hier, au terrain Yékini de Keur Massar, le leader de Pastef/Les patriotes a fait face à une foule monstre venue témoigner son soutien à celui qui vient d’être renvoyé devant la chambre criminelle pour un procès suite à des accusations de viols et de menaces de mort. Avant l’heure indiquée pour le début des activités, la place refusait du monde. Mais l’arrivée d’Ousmane Sonko, aux alentours de 19 h, a haussé le nombre de décibels à un niveau insoupçonné dans l’histoire des meetings politiques au Sénégal.

Pour certains militants, déjà aux affaires, l’évènement d’hier était bien plus solennel qu’un meeting politique. Il s’agit plutôt d’un évènement religieux, un ‘’Magal’’ de Keur Massar pour celui qui est communément appelé ‘’Ousmane mou selleu mi’’ (Ousmane le saint). Mais ce qui était réellement religieux, c’est la minute de prière observée à la mémoire de Mariama Sagna. Car la manifestation organisée par Pastef était également l’occasion de rendre hommage à cette militante, tuée en octobre 2018, après l’organisation d’un meeting sur la même place à Keur Massar.

‘’Magal’’ de Keur Massar

Bien que trois personnes aient été arrêtées quelques jours plus tard pour un viol suivi d’assassinat et que le procureur de Pikine ait écarté toute connotation politique dans ce meurtre, les militants continuent de réclamer justice. Ce fut le cas de l’honorable député Guy Marius Sagna qui a dénoncé qu’au Sénégal, ‘’on tue des femmes sous ce régime de Macky Sall sans que cela ne soit puni. Mariama Sagna n’est-elle pas une femme ? Pourtant, l’on s’indigne pour une femme qui se bat à l’Assemblée nationale’’.

Sur le perchoir, c’est un homme déterminé qui s’est présenté à l’audience acquise à sa cause.  Prêt à affronter les défis de l’heure, symbolisés par la menace qui pèse sur la candidature du maire de Ziguinchor pour l’élection présidentielle 2024. Toute condamnation de plus de trois mois, fut-elle en sursis, pourrait sonner le glas du plus grand opposant au régime et être un motif de sa radiation sur les listes électorales. Et celui qui n’est pas électeur ne peut être élu, selon la loi électorale.

‘’J’ai atteint mes limites dans ce dossier’’

Au-delà du volet judiciaire, c’est bien sur le terrain politique que cette affaire se joue. Ce qui pousse l’opposant à se radicaliser, alors que l’accusation sera débattue dans un procès. ‘’Depuis deux ans, je n’ai plus de vie avec ma famille. Macky est le pire des hommes, car la politique ne devrait pas justifier certaines choses. J’ai atteint mes limites dans ce dossier. Je n’ai jamais volé, tué ou violé qui que ce soit. Pourquoi Omar Maham Diallo veut-il me renvoyer en chambre criminelle ? C’est lui qui est le criminel. Parce qu’il sait  pertinemment tout ce qui pourrait advenir de cette histoire’’, déplore-t-il.

Si l’opposant a évoqué le respect de l’institution judiciaire pour avoir répondu jusqu’ici à la justice, il s’est dit déçu par le déroulement des choses.

En effet, regrette Ousmane Sonko, ‘’malgré toutes les preuves que nous avons déposées, le juge d’instruction n’a rien voulu voir. Nous n’accepterons plus d’être bâillonnés. S’il croit que je vais me livrer à des juges triés sur le volet pour m’abattre, il se goure. Attendons quelques jours encore pour voir où ils veulent aller. Nous allons ensuite donner notre position. Tout ce que je peux dire, c’est que tous les Sénégalais, dans toutes les régions, se tiennent prêts’’.

Sonko, sur sa présence au procès : ‘’Attendons quelques jours encore… avant de donner notre position’’

Le leader de Pastef répondait aux ‘’ordres’’ donnés plus tôt par les militants. Ces derniers et les sympathisants ont intimé, quelques minutes avant, à leur leader de ne pas se rendre au procès dont la date n’a pas encore été prononcée. C’est le cas du chroniqueur Cheikh Bara Ndiaye qui a demandé aux nombreux jeunes sur place de ne pas avoir peur. ‘’Ce projet est celui du Seigneur. Si Benno Bokk Yaakaar veut forcer leur candidat, qui n’en a pas le droit, à se présenter pour 2024, nous aussi pouvons forcer Ousmane Sonko à ne pas aller à ce simulacre de procès’’.

Selon lui, un procès programmé avant la Présidentielle, devant toutes les affaires pendantes devant les chambres criminelles, montrera qu’il n’est destiné qu’à empêcher le candidat de Pastef de se présenter.

Un qui en est convaincu est l’honorable député Guy Marius Sagna. L’activiste révèle même que des sondages demandés par le président Macky Sall ont donné Ousmane Sonko vainqueur de la prochaine Présidentielle au premier tour, que ce soit avec ou sans la participation du président sortant. ‘’C’est pourquoi il veut liquider politiquement Ousmane Sonko. Maintenant, le mot d’ordre est clair : Ousmane Sonko n’ira pas au procès’’, assure le leader de Frapp/France dégage.

‘’Macky Sall devra me tuer ou le contraire, s’il s’entête sur cette affaire’’

Son collègue Birame Soulèye Diop a soulevé, avec émotion, que depuis 2017, des personnes sont mortes pour avoir cru au projet de Pastef. ‘’Si Macky Sall nous en prive, c’est comme si  toutes ces vies étaient perdues pour rien. Dix, 500 Sénégalais peuvent avoir peur de Macky Sall. Mais 2, 5 ou 17 millions de Sénégalais ne peuvent pas avoir peur de lui ; ce serait de la lâcheté. Que tout le monde se batte pour notre avenir’’, ajoute le président du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi.    

 Beaucoup de leaders de cette coalition politique, à l’image de Déthié Fall, Maïmouna Bousso, Cheikh Tidiane Dièye ou encore Habib Sy ont assuré à Ousmane Sonko le ‘’soutien total et inconditionnel de toute la coalition’’. Fort de cela, et pas que, Ousmane Sonko assure qu’il ne va plus se laisser faire. ‘’On pensait qu’il avait entendu l’appel des chefs religieux (après les événements de mars 2021, NDLR), mais il cherchait du répit pour mieux se préparer à l’affrontement. J’ai déjà établi mon testament. Macky Sall devra me tuer ou le contraire, s’il s’entête sur cette affaire. Nous allons nous battre. Trop, c’est trop ! Ce sera du coup pour coup, désormais. S’il ne compte que sur la police et la gendarmerie, il tuera tous les Sénégalais. Ils peuvent appeler cela de l’appel à l’insurrection, mais c’est leur problème’’, s’indigne le maire de Ziguinchor.

Lamine Diouf

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