Le parcours tumultueux de Ciré Sall
De retour au Sénégal depuis sept ans, Ciré Sall faisait partie des jeunes qui ont tenté l’émigration. De la Côte d’Ivoire à la Turquie, en passant par le Niger et la Grèce, il retrace son parcours, partage ses regrets et parle de sa nouvelle vie.
Les Sénégalais sont de grands voyageurs devant l’Eternel. Aujourd’hui, pour beaucoup de jeunes, tous les moyens sont bons pour rallier l’outre Atlantique. Ainsi, ils n’hésitent pas à prendre des pirogues. L’an dernier, les statistiques faisaient état de plus de 500 Sénégalais morts dans la Méditerranée.
Ciré Sall, un jeune migrant de retour au pays, fait partie de ces milliers de jeunes qui voulaient rallier les îles Canaries. Menuisier-ébéniste, il a pris volontairement la décision de revenir au Sénégal en 2016. Depuis, il évolue dans une structure privée.
A l’époque, se souvient-il, quand il avait pris la décision de quitter le pays pour la première fois, il s’était dit qu’émigrer est un droit universel. Il a d’abord exploré la Côte d’Ivoire. ‘’Quand j’étais en Côte d’Ivoire, où j’ai vécu pendant plus de 10 ans, j’avais une bonne situation financière. Ce qui me permettait de venir régulièrement au Sénégal. J’ai, après, pris la décision de rallier l’Europe. Ainsi, je suis parti au Niger. De là, j’ai eu mon visa pour partir en Grèce, avant de rallier la Turquie. J’ai passé cinq mois en Turquie. Rien ne marchait pour moi. C’était terrible. J’ai alors décidé de revenir en Côte d’Ivoire pour continuer mon travail’’, se souvient-il.
Selon lui, aujourd’hui, il regrette d’avoir dépensé plus de 2 millions pour l’obtention d’un visa pour la Grèce. Rien n’expliquait ce choix, vu qu’il était dans de bonnes conditions en Côte d’Ivoire. ‘’J’ai emprunté la voie terrestre. Ainsi, je voulais me rendre en Italie. Je suis passé par le Niger. J’ai tenté de rallier la Libye, mais cela n’a pas abouti. C’était très dur. Je ne peux pas tout expliquer. Avec les coupeurs de route, c’était entre maltraitance et vol des biens et/ou d’argent. C’était compliqué. A un certain moment, en Turquie, je me suis retrouvé sans le sou. J’ai travaillé sur des chantiers pendant des semaines. Pour prendre mon argent, c’était compliqué. Il fallait faire d’interminables négociations et prier pour être payé’’, a soutenu Ciré Sall.
D’après lui, lors de ses différents voyages, il était en compagnie de plusieurs personnes. Il y avait une forte communauté africaine. Il a voyagé avec des Guinéens, des Sénégalais, des Burkinabé, des Ivoiriens, des Maliens, etc. C’était la solidarité entre eux.
‘’Un ami avec qui j’étais s’est pendu, car il ne supportait plus les difficultés’’
Sur sa décision de revenir au pays, il l’explique par le fait qu’autant, il a le droit de voyager, autant de revenir si cela ne marchait pas. ‘’Quand j’ai su que l’émigration ne me réussissait pas, j’ai pris la décision de rentrer au bercail, et advienne que pourra. En sus de cela, depuis mon retour, je suis en train de conscientiser des jeunes qui veulent voyager dans des conditions similaires. Je suis revenu en 2016. Mon intégration n’était pas facile. Je suis parti voir la Direction des Sénégalais de l’extérieur pour leur parler de mon cas, mais cela n’a pas abouti. Je suis, par la suite, allé taper à la porte d’une association qui travaille dans le secteur de l’émigration. Je fais des causeries sur mon vécu, mais aussi comment trouver des solutions pour la réintégration et la réinsertion des migrants’’, a indiqué Ciré Sall.
Il ajoute : ‘’Pour moi, j’ai réussi ma réinsertion, car je m’en sors très bien grâce à Dieu. Quand j’étais en Côte d’Ivoire, un ami avec qui j’étais s’est pendu, car il ne supportait plus les difficultés auxquelles il était confronté. Cela, je l’ai très mal vécu. Les souvenirs sont toujours dans ma tête. Je peux dire que c’est comme une blessure qui peine à se cicatriser. Il y a fait plus de sept ans et rien ne marchait. D’autres aussi ont rejoint le milieu de la drogue. Ils sont devenus irrécupérables. Aujourd’hui, je rends grâce à Dieu, car je suis sauvé de tous ces vices. Je suis devenu une personne influente dans mon quartier.’’
Concernant sa participation à la lutte contre l’émigration irrégulière, il a sa propre recette secrète. Elle consiste à expliquer aux jeunes qu’on ne doit plus voyager par la mer, car elle tue. Par voie terrestre aussi, car c’est risqué. Mais si l’on décide de le faire, il urge, selon lui, de chercher des papiers en bonne et due forme. ‘’On ne peut pas dire à quelqu’un de ne pas voyager, mais on peut lui dire de le faire dans les conditions requises. Il faut aussi qu’on s’informe sur le pays d’accueil. Le gouvernement, pour sa part, doit former les jeunes, les financer et les conscientiser sur les méfaits de l’émigration irrégulière. Ainsi, on pourrait gagner le pari de ce fléau qui est en train de faire des morts, sans oublier les conséquences au niveau des familles qui ont des proches disparus en mer’’, a conclu Ciré Sall.
CHEIKH THIAM