Les sages-femmes impliquent le khalife général des mourides
Les patients, dans leur grande majorité, ont rebroussé chemin, faute de présence des blouses blanches. La particularité était Touba où l’amicale des sages-femmes a rencontré le khalife général des mourides pour l’informer des remous notés dans le secteur, avant de solliciter des prières.
Le mot d’ordre de grève décrété par les différents syndicats évoluant dans le secteur de la santé, a été largement suivi dans les quatre districts sanitaires que compte la région de Diourbel. Cette grève a constitué un véritable handicap pour les patients qui étaient venus se faire soigner.
Néanmoins, le service minimum a été respecté. A Touba, l’amicale des sages-femmes a choisi d’aller à la rencontre du khalife général des mourides. Auprès de Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, les sages-femmes ont eu une oreille attentive. A l’issue de la rencontre avec le guide religieux, Fatou Diop, la présidente de l’Amicale des sages-femmes du district sanitaire de Touba a informé : ‘’Nous étions venues faire notre Ziar à Serigne Mountakha Bassirou Mbacké et en même temps lui faire part de la situation qui prévaut dans le secteur de la santé. Ici, nous faisons le service minimum, parce qu’ici, c’est spécifique. C’est la raison pour laquelle nous ne protestons pas. La place de la sage-femme n’est pas en prison. Nous comprenons la réaction des populations. Notre métier n’est pas facile. Le contexte dans lequel nous nous trouvons fait que nous ne pouvons pas agir comme les autres. Nous sollicitons les prières.’’ Elle reste convaincue, avec ses collègues, qu’à l’issue de l’audience, ‘’le mercredi prochain, nos collègues seront libérées’’.
Elles ont demandé au khalife général des mourides de parler avec les autorités, pour une issue heureuse à ce problème.
A Mbacké, Aicha Kane, sage-femme au poste de santé de Darou Salam et présidente du Collectif des sages-femmes du département de Mbacké, est très amère. ‘’Nous décrions cette situation qui fait que nos collègues sont emprisonnées. Nous avons fait un serment et avons juré de combattre la mortalité maternelle et néo-natale. Nous sommes là 24 heures/24. Nous travaillons sans sursis et dans des conditions difficiles. Nous avons perdu des collègues en état de grossesse. D’ailleurs, l’une d’elles a perdu la vie dans des conditions très alarmantes’’.
Démission de Diouf Sarr et conditions difficiles de travail
Elle et ses collègues exigent la démission du ministre Abdoulaye Diouf Sarr qui, pour elles, ‘’au lieu d’être notre défenseur, a été le premier à nous jeter à la vindicte populaire’’. Etant dans un milieu spécifique, elles ont adopté des stratégies différentes du mot d’ordre national. Elles continuent d’assurer le service minimum ; les accouchements et les références continuent.
Aicha Kane déplore le comportement de la population envers les sages-femmes, depuis que l’affaire de Louga a éclaté. Elle confie et s’interroge sur la responsabilité du gynécologue. ‘’La population oublie que nous aussi avons des familles. Nous sommes fatiguées qu’on nous jette toujours le bâton. Où est la part de responsabilité du gynécologue ? Parce que dans cette affaire, on ne parle que des sages-femmes. Si on s’en tient aux faits, à savoir qu’elle avait un utérus cicatriciel, c’est une grossesse précieuse, donc, c’était la prophylaxie ou la césarienne et cela n’est pas de la compétence de la sage-femme. Ce n’était pas à elle de faire la césarienne ou la prophylaxie, encore moins de prendre la décision’’.
Très en verve, Aicha Kane est revenue sur les conditions très difficiles dans lesquelles ses collègues et elle exercent leur métier. ‘’La plupart du temps, on assure la garde ; on est asthénique, on n’a pas de gants. Même les gants d’examen sont en rupture ; sento est en rupture. Même le sang manque des fois. Nous exigeons de meilleures conditions de travail. Plus de ruptures de gants, plus de ruptures de médicaments, de sitocine. Nous sommes très fatiguées’’.
Recrutements clientélistes
S’exprimant sur les recrutements qu’elle qualifie de clientélistes, Aicha Kane dénonce ce qui se passe. ‘’Pour les recrutements, chaque régime qui vient recrute ses proches ou ses militants et les affecte dans les services. Et la population ne sait même qui est qui. Beaucoup de sages-femmes sont en chômage et le ministère recrute des gens sans aucune qualification professionnelle. Il faut corriger les failles du système et faire un diagnostic sans complaisance’’.
A Diourbel, Ndèye Coumba Ngom Fall, la présidente de l’Association des sages-femmes du district sanitaire de Diourbel, a déclaré : ‘’Nous ne voulions pas de cette grève, mais il fallait se joindre à ce mouvement. Aucune maternité n’a fonctionné, sur toute l’étendue du territoire départemental. Nous demandons à l’Etat de faire des efforts dans le recrutement du personnel. Il y a un manque terrible à ce niveau. Dans le district de Diourbel, nous ne sommes que 46 sages-femmes. Sur ces 46 sages-femmes, seules 15 sont recrutées par la Fonction publique. Tout le reste est constitué de contractuels. A ce nombre, il faut ajouter les sages-femmes qui chôment. Nous notons une insuffisance du personnel. Une sage-femme qui doit consulter 20 patientes, se retrouve avec 40, voire 50 parturientes.’’ Elle a demandé que les délégations de tâches cessent. De l’avis de Ndèye Coumba Ngom Fall, ‘’une sage-femme n’a qu’à gérer ses malades et le médecin idem. Nous demandons aux sages-femmes de redoubler d’efforts dans la prise en charge des malades’’.
A Bambey, la situation est la même. Le mot d’ordre a été très bien suivi. Les sages-femmes qui demandent la libération de leurs collègues se sont inclinées sur la mémoire de la regrettée Sokhna Astou.
Boucar Aliou Diallo (Diourbel)