‘’Il faut des défibrillateurs dans tous les lieux publics et privés au Sénégal…’’
Depuis quelque temps, l’on constate de plus en plus de morts subites, suite à un malaise. Dans cet entretien, le cardiologue Dr Mbaye Paye explique les causes de ces décès et préconise des solutions pour sauver à temps les sujets.
Il y a de plus en plus de cas de décès suite à un malaise. A quoi cela est-il dû ?
Cela s’appelle en médecine le phénomène de ‘’mort subite’’. Elle peut être au repos, au cours d’activité physique. Cette mort subite peut survenir partout. Elle survient moins d’une heure après l’apparition des premiers symptômes. Le mécanisme est dû à un trouble du rythme, dans plus de 80 % des cas. Ces morts subites représentent près de 13 % de l’ensemble des causes de mort naturelle. Le sujet sent des palpitations, un étouffement, parfois des vertiges ou une perte de connaissance, ensuite survient l’état de mort. C’est dû à un trouble du rythme ventriculaire rapide inefficace qui entraîne une baisse du rythme cardiaque. C’est ce qu’on appelle ‘’la tachycardie-ventriculaire’’ et ‘’la fibrillation ventriculaire’’. En cas de malaise de ces deux maladies, si on ne fait pas de secours immédiat, on perd le sujet.
Maintenant, le sport aussi peut jouer le rôle révélateur d’une cardiopathie. Il y a beaucoup de joueurs qui meurent sur le terrain. Cela est souvent dû à une cardiopathie que le sportif ne savait pas. Et le sport a révélé cette cardiopathie qui entraîne la mort subite.
Quelles sont les principales causes ?
En général, la cause est cardiaque, dans plus de 90 % des cas. Au Sénégal, on n’a pas les statistiques. Mais en France, chaque année, 30 à 50 mille personnes décèdent par mort subite ; c’est énorme. Parmi ces causes cardiaques, l’arythmie est la principale cause. Elle se manifeste par des palpitations. Les causes peuvent être aussi non cardiaques, mais elles sont minoritaires et dominées par des causes vasculaires. La première, c’est la rupture d’anévrisme au niveau du cerveau (accident vasculaire cérébral - Avc). Il y a aussi les saignements d’ansium au niveau du cerveau, l’embolie pulmonaire, la discrétion de l’aorte. Il y a également les causes respiratoires (l’asthme), les pneumopathies, les complications des tumeurs cancéreuses.
Concernant les causes cardiaques, elles sont dominées par la maladie coronaire. Il y a aussi la cardiopathie valvulaire, le rétrécissement valvulaire aortique. Les cardiomyopathies, il y a la dysplasie arythmogène du ventricule droit qui est très fréquente chez les sportifs. Parce que le ventricule droit est entouré par des tissus musculaires, c’est congénital. En plus, il y a des cardiopathies congénitales.
Comment se prémunir en cas de cardiopathie ?
La prévention est extrêmement importante. Il y a la prévention primaire. Il faut voir d’abord toutes les causes de ces maladies et mettre un défibrillateur automatique implantable profilaptique. Si c’est une maladie coronaire, 6 mois après l’infarctus, avec un traitement optimal, on peut lui placer ce défibrillateur. Mais ça ne suffit pas, il faut aussi un traitement classique du sujet. Il doit aussi éviter de manger des aliments salés et gras. Le poisson est souvent conseillé. Beaucoup de sportifs meurent sur le terrain par la maladie de Bourgada. On leur implante définitivement ce défibrillateur. Maintenant, quand il y a un syndrome du Qt Long congénital, là, il faut mettre le défibrillateur en prévention secondaire. Quand il n’y a aucune maladie cardiaque, il faut identifier les facteurs de risque et les traiter.
Il faut surveiller le diabète, lutter contre l’hypertension artérielle, l’obésité et le surpoids et l’hypercholestérolémie. Il y a trop de gras dans notre alimentation. Aucune huile n’est idéale. Que ce soit les graisses et l’huile d’origine végétale et animale. Elles possèdent des acides gras saturées. Il y a des huiles réservées à la cuisson ; d’autres à l’assaisonnement. Maintenant, si l’huile réservée à l’assaisonnement est utilisée pour la cuisson, elle perd ses vitamines. Il faut aussi lutter contre le tabagisme. Actuellement, l’infarctus du myocarde se rajeunit. Il y a des sujet de 29 à 30 ans qui font des infarctus et meurent à cause du tabac. Ils ne sont ni diabétiques et n’ont pas de cholestérol ni d’obésité. Les gens ne font plus de sport. Alors que l’Oms dit qu’il faut faire 30 minutes de marche par jour ou une heure tous les deux jours ; faire jusqu’à 12 heures d’entraînement par semaine pour lutter contre ces maladies cardiovasculaires. Il faut aussi manger beaucoup de fruits et de légumes par jour, tout en luttant contre le stress.
Que faut-il faire face à un malaise cardiaque ?
C’est ce qu’on appelle la chaîne de survie. Quand on assiste à un malaise, la première des choses à faire, c’est un diagnostic précoce : c'est-à-dire appeler au secours. Quand vous ouvrez son thorax, vous voyez qu’il ne respire pas, il faut la réanimation cardio-pulmonaire, en d’autres termes le massage précoce externe. On met les deux mains sur le milieu du thorax pour le masser. Il faut aussi faire de la ventilation : du bouche-à-bouche. On fait trente massages cardiaques et deux bouche-à-bouche. Il faut réanimer pendant 45 minutes.
La troisième chose, c’est la défibrillation précoce. Il faut avoir un appareil de choc électrique. Mais, actuellement, on a un défibrillateur automatique ou semi-automatique. On doit trouver ces appareils dans tous les endroits publics et privés (stade, aéroport, restaurant, supermarché, etc.). Malheureusement, ce n’est pas le cas chez nous. La réanimation cardio-pulmonaire doit être faite par tout le monde. Ce n’est pas seulement réservé aux médecins. Ce qui est le plus important, c’est le massage cardiaque, en attendant les secours. Maintenant, après tout cela, ce sont les soins spécialisés. L’ambulance arrive et on commence à faire les soins.
Mais est-ce que ces défibrillateurs existent au Sénégal ?
Ils existent au Sénégal, mais ne sont pas nombreux comme en France ou aux Etats-Unis. Dans les pays européens, dans tous les aéroports, les ports, les gares, il y a des défibrillateurs. Il faut former les populations à l’utilisation du défibrillateur. Ce n’est pas réservé aux médecins. C’est facile d’utilisation. Mais il faut une volonté politique pour mettre des défibrillateurs partout au Sénégal, afin d’éviter les morts subites. Parce que la réanimation commence sur place. Nous seuls, nous ne pouvons pas le faire. Les autorités locales, municipales, ministérielles doivent s’y mettre pour qu’on ait des défibrillateurs semi-automatiques ou automatiques partout au Sénégal. Les sapeurs-pompiers, les sportifs eux-mêmes, les restaurateurs, ainsi de suite, doivent être formés. Parce que, plus l’arrêt cardiaque dure, moins on a de chance de survie. La chance de survie dépend de la durée de réanimation.
VIVIANE DIATTA