Publié le 3 Jun 2012 - 12:16
EL HADJI MALICK SY SOURIS (2ème partie)

''Pourquoi ils n’ont pas pris Metsu ?''

El Hadji Malick Sy Souris, ancien président de la FSF

 

Dans la seconde partie de l’interview, El Hadji Malick Sy ''Souris'' revient sur l'actualité autour de l'équipe nationale, sans passer sous silence les cas Guy Stéphan, Amara Traoré et même... Lamouchi.

 

 

Pourquoi vous avez laissé partir Metsu à l'époque ?

 

Quand Metsu a voulu partir, j'ai dit : "il a gagné, il doit partir". J’ai dit au président (Abdoulaye Wade) que je n'étais pas d'accord, qu'on l'a roulé dans la farine parce qu'on ne dit pas à un entraîneur de partir pour revenir ensuite reprendre sa place. On le laisse partir parce qu'il a fait des résultats, il doit valoriser son expertise. Quand il est parti, j'ai nommé Laye Sarr et Amara Traoré avant que Guy Stéphan n'arrive. Stephan, je ne l'ai pas seulement choisi parce que c'était un bon entraîneur de l'équipe nationale. Il y a eu un bon critère sur le choix de Stephan, Pape Diouf peut vous le confirmer. Il était l'adjoint de Gérard Houiller à la Dtn (Direction technique nationale, en France). Pour moi, le problème essentiel au Sénégal, c'était la Dtn. Donc à l'époque, l'ai pris pour qu'il s'occupe à 50% de la Dtn et 50% de l'équipe nationale. Donc, je l'ai pris pour ses connaissances à la Dtn, malheureusement, je suis parti dès qu'il est arrivé. Je ne l'aurais pas utilisé à 100% en équipe nationale, parce qu'il n'est pas un grand entraîneur. Il est certes supérieur à Metsu sur le plan de préparation des entraînements, mais il n'a pas la personnalité de Metsu de mener les joueurs.

 

 

Revenons maintenant sur l'actualité récente. Que pensez-vous de la nomination de Koto à la tête de l'équipe nationale ?

 

À l'impossible nul n'est tenu. Koto, c'est lui qui a en charge l'équipe locale. On n'avait pas d'entraîneur, ils se sont pressés de douter d'Amara. Je ne veux pas trop en parler parce que je n'ai pas la langue de bois, mais c'est leur option. Ce qu'il faudrait quand même retenir, c'est que cela demande encore des débats. Koto est venu me voir, je lui souhaite bonne chance, c'était mon joueur quand j'étais chef de section. Mais il faut reconnaître qu'il y a quand même un problème en équipe nationale du Sénégal. Donc il faut y réfléchir, se dire : quel schéma trouver ? Maintenant il faut peut-être renoncer aux entraîneurs étrangers, parce qu'on a raté Metsu. Et pourquoi ils (la fédé) ne l'ont pas pris d’ailleurs ?

 

 

Vous pensez que son retour aurait été opportun ?

 

Ce n'est pas une question de retour, ce sont eux qui ont lancé des appels d'offres. Je n'aurais peut-être pas fait comme eux. Ils ont eu des Cv, ils ont choisi les deux meilleurs, c'est cela non hein ! Ils ne m'ont pas demandé mon avis, j'ai juste lu dans les journaux, et encore en diagonale. Les deux étaient Metsu et Lechantre. Ils ont trouvé que Lechantre était meilleur parce qu'il a gagné la Coupe d'Afrique en 2000. Mais depuis lors qu'est ce qu'il a gagné ? Metsu a remporté plusieurs titres. Il a une femme sénégalaise, des enfants sénégalais, il ne demandait rien et il connaît bien l'environnement. C'était urgent, donc c'était un argument pour lui. Quand l’intérêt national est en jeu, les intérêts particuliers disparaissent. Il faut choisir froidement la bonne personne, ils ne l'ont pas fait, l'autre les a lourdés parce que il a bien négocié avec le Sénégal pour faire augmenter son salaire, c'est tout. Lechantre n'allait pas venir se mettre dans la gueule du loup comme cela, sachant que tous les entraîneurs locaux ne vont pas l'appuyer comme ils le devraient. Alors que Metsu avait l'avantage d'avoir travaillé avec Amara, Ablaye Sarr. Maintenant c'est le passé, il est parti, il faut avoir le courage de fermer cette page-là. Il y a des jeunes qui sont en France et qui sont de bons professionnels. Pourquoi le Sénégal veut se passer de ces gars ? Comment le Sénégal a pu se passer de Jules François Bocandé pendant toutes ces années, sans rien lui demander ?

 

 

Il était quand même dans le staff de l'équipe nationale ?

Quel staff ?

 

Celui de 2002 et 2004.

Oui, depuis 2004 ? Il y a Lamine Ndiaye qui est parti vite lui aussi. Il faut savoir que c'est des jeunes qui apprennent. Si on veut "sénégaliser" le poste, il faut être indulgent.

''Amara est un très mauvais communicateur''

 

 

Est-ce qu'on dispose d'assez de temps pour l'équipe nationale ?

 

Il n'y a pas de temps pour tout entraîneur, mais c'est un problème disons local, africano-africain. Les Africains veulent que leurs entraîneurs aient plus d'aspiration, de voir un coach qui, demain,va entraîner Barcelone. Mais est-ce le bon chemin de faire toujours appel à des entraîneurs, qui n'ont pas de club dans leur pays, pour venir nous entraîner ? Maintenant, si ce n'est pas le bon chemin, qu'est ce que ça exige comme sacrifice, comme tolérance, comme temps, comme passe-droit ? Peut être qu'Amara aurait gagné la prochaine Coupe d'Afrique.

Mais Amara a fait de bons résultats jusqu'à se qualifier, et à Bata...

(Il coupe) Amara est un très mauvais communicateur.

 

 

Est-ce qu'il n'a pas terni son image et celle des Africains avec le problème de contrat ?

 

Oui, ça aussi... il y a beaucoup de problèmes en fait. Mais il faut qu'il soit recadré, il faut avoir des principes si tu veux être entraîneur. Tu ne peux pas t'appliquer les mêmes normes qu'un entraîneur étranger, on discute, etc... Pourquoi en étant adjoint de Metsu, ils l'ont accepté, tout en faisant le travail, il ne faut pas se cacher hein, Laye Sarr, Amara, Jules ? Ils ont accepté cela comme adjoints. Et quand il part et qu'on veut le remplacer, on veut tout de suite être comme lui. Il y avait une marge de négociation. Une des raisons pour lesquelles je me suis opposé au Ministère à l'époque, c'était que les adjoints de Metsu gagnent leur vie. Donner autant de millions à Metsu et garder les autres dans les considérations d'agents du Ministère, ça n'a pas de sens. Donc, il a fallu leur donner des salaires conséquents. Pour un Sénégalais, c'était énorme même, par rapport à ce que je gagnais en tant que président du Port, ancien ministre. C'était à eux de comprendre. Comme Joseph Koto par exemple, demain il va demander 13 millions.

 

 

Il voudra être payé comme les entraîneurs étrangers...

 

Cela n'a pas de sens. C'est à lui de comprendre, pour le restant des gens qui exercent, que peut être un jour un entraîneur sénégalais aura un salaire supérieur, avec l'évolution. Il y a quand même une phase transitoire pour fixer les cadres, les principes, les règles et tout. De toute façon, on sera obligé d'avoir des entraîneurs d'ici, pas seulement au Sénégal mais partout en Afrique. Vous voyez, la Côte d'Ivoire vient de prendre Lamouchi, c'est ce que les économistes appellent le ''Traumatisme du cargo'', c'est-à-dire croire que tout ce qui vient de l'Étranger est meilleur que ce qui se trouve chez vous. On a des gens compétents. Locotte a l'expérience d'un grand entraîneur, il a l'expérience, les Oumar Guèye Sène aussi. Comment le Sénégal, dans une politique sportive commune et rationnelle, peut se passer de ces gens là ? Alors que le développement du football, ce n'est pas Dakar seulement, il y a aussi les régions. Pourquoi ne pas les détacher dans les autres régions, mettre Thierno Youm dans la région de Dakar, Cap-Vert, Rufisque, la banlieue, pour qu'il puisse apporter aux administratifs locaux, leur expérience. On ne paie pas à tous ces grands joueurs qui sont dans les clubs pour leurs beaux yeux. Si Zidane est au Real Madrid, c'est parce que quand il lit un match, il sait de quoi il parle, les joueurs l'écoutent quand il parle. Il faut capitaliser la connaissance. Au Sénégal, la connaissance est gratuite, mais on ne la capitalise pas ; dans le basket, c'est pareil.

 

(1ère partie)

 

ADAMA COLY &

NDIASSÉ SAMBE

 

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