‘’En Afrique, on a tendance à essayer de profiter du sportif plutôt que de l’aider’’
Diplômé du Centre international d’étude du sport (CIES) de la Fifa, Pape Oumar Ba estime que la plupart des sportifs ne préparent pas l’après-carrière. Ce Secrétaire général de l’Association sénégalaise des managers du sport (Asmas) souligne le rôle de l’agent dans la gestion du sportif.
Vous avez suivi la mort tragique, l’année dernière en France, de l’ancien international sénégalais Joachim Fernandez. Comment peut-on arriver à cette extrême pauvreté pour un footballeur qui avait joué au Milan AC ?
C’est une mort tragique mais ça ne doit pas être une surprise. La carrière d’un sportif de haut niveau est très courte. Si pendant qu’on est en activité, on ne prépare pas l’après-carrière, il y a beaucoup de risques de rater la reconversion. Il ne s’agit pas seulement de la préparer, il s’agit d’un prérequis, d’un background qui vous permet de vous reconvertir dans une activité apparentée au sport ou autre. Ce n’est pas une surprise parce qu’on ne voit que ceux qui ont réussi leur reconversion mais la majorité des sportifs n’ont pas réussi la leur. Ils font autre chose et vivent dans l’anonymat.
Comment réussir sa reconversion ?
Il y a des prérequis pour y réussir. Ce n’est pas pour rien que, en France, on exige à tous les pensionnaires des centres de formations d’avoir au minimum le bac. Pour réussir sa reconversion, c’est plus facile quand on a un diplôme universitaire. Mais l’autre élément le plus important est l’entourage. L’un des domaines du management du sport est le métier d’agent sportif. Ce n’est pas seulement pour négocier un contrat, c’est beaucoup plus large. C’est un conseiller immobilier, social, financier. C’est même un conseiller matrimonial. Le sportif est concentré sur son sport. C’est le rôle de l’agent sportif de lui faire prendre conscience qu’il y a l’après-carrière sportive. L’agent doit être bien formé. Il doit avoir des connaissances dans tous ces domaines : droit, finances…
Mais on a l’impression que les Africains ont beaucoup plus de mal à réussir leur reconversion. Pourquoi ?
Effectivement, vous avez parfaitement raison parce que c’est dû également à notre tempérament d’Africain. Le niveau intellectuel de nos footballeurs est très bas, la plupart d’entre eux ne sont pas diplômés. Ensuite, l’entourage, ici en Afrique, on a tendance à essayer de profiter du sportif plutôt que de l’aider à préparer sa reconversion. Ils sont très mal entourés. La plupart de nos jeunes qui réussissent dans le football ou le sport de haut niveau sont issus de familles déshéritées, pauvres. Et vous savez, quand on change de statut social, quand on a beaucoup d’argent, on est obnubilé, on pense que ça ne va pas finir. On ne prépare pas l’après-carrière. C’est que le rôle de l’agent est très important. C’est à lui de faire prendre conscience que cela ne peut pas continuer, qu’il faut se préparer à la reconversion soit avec un métier apparenté au sport, soit en essayant d’investir ailleurs. Il faut diversifier les investissements. Il ne faut pas mettre tous les œufs dans un même panier. Parce que si ça tombe, vous perdez tout d’un seul coup. C’est pourquoi je dis qu’un agent sportif est aussi un conseiller financier. C’est lui qui doit l’orienter. C’est pourquoi la formation d’agents sportifs est très importante.
Adama Coly