Publié le 14 Jan 2023 - 10:37
GESTION DES CRISES ET RETOUR DU PM

Amadou Bat sa carte !

 

Transformant sa résidence du petit palais en siège provisoire, le Premier ministre, Amadou Ba, se montre incontournable dans le nouveau dispositif de l’Exécutif. Après cent jours à la tête de la Primature, il a fini de convaincre de l’importance et de la nécessité du poste dont Macky Sall avait jugé utile de se débarrasser, au lendemain de la Présidentielle de 2019, pour être seul maitre à bord.

 

Le temps perdu ne se rattrape jamais, dit l’adage. Il peut néanmoins servir de repère pour éviter d’autres pertes de temps à l’avenir. Resté plusieurs mois sans Premier ministre, le Sénégal a renoué, depuis le samedi 17 septembre 2022, avec ce poste dont le président de la République Macky Sall avait jugé nécessaire de se débarrasser, à la suite de l’élection présidentielle de février 2019, pour gouverner tout seul avec ses ministres.  Résultat : il était devenu l’alpha et l’oméga du pouvoir Exécutif ; celui vers qui tout le monde se ruait pour régler même les plus petits détails.

Journaliste chroniqueur au GFM, Abdoulaye Cissé rappelle avec un peu d’ironie : ‘’Avec cette suppression du poste de PM, on n’avait pas l’impression qu’il y a un pilote dans le gouvernement. Finalement, quand des pêcheurs et des mareyeurs ont un conflit sur un quai de pêche, les protagonistes demandent l'arbitrage du chef de l’État. Quand éleveurs et agriculteurs d'un patelin se heurtent, on demande l'arbitrage du chef de l'État. Il n’y avait plus aucun filtre. Le ministre ne règle même pas un litige foncier qui déborde en conflit. Les protagonistes, sur fond de menaces, demandent directement au chef de l’État d'agir. On voyait nettement que ça ne marchait pas, mais on dirait que ça plaisait au président d'être au centre de tout, même avec très peu d'efficacité.’’

Depuis son retour aux affaires et à la station primatoriale, Amadou Ba s’affirme en véritable pilote dans la barque gouvernementale. Et les dossiers ne cessent de s’accumuler sur sa table, prouvant ainsi, s’il en était encore besoin, l’importance capitale du poste dans la marche de l’État. D’abord, c’était la lutte contre la vie chère inscrite par le président de la République parmi les priorités de son gouvernement. Sous le pilotage du nouveau n°2, les choses avaient très rapidement pris forme et produit leurs premières mesures, même si leur application pose toujours problème.

Dès le mois de novembre, en effet, le rapport sur les concertations tombe avec 11 décisions applicables en 55 mesures. Sans présager de l’efficacité du travail accompli sous le pilotage d’Amadou Ba, Abdoulaye Cissé soutient : ‘’La constante est qu’on sent qu’il y a au moins un pilote à bord. Le Premier ministre, qui a conduit des concertations inclusives avec les acteurs, a offert au président Macky Sall sur un plateau, un Conseil présidentiel pour annoncer les mesures. Il a ainsi été un premier filtre, surtout sur les points de statu quo avec les acteurs, notamment du commerce, du loyer, des écoles privées… Le Premier ministre a permis au président d'être un arbitre en dernier ressort.’’

La vie sans le PM

Ces derniers jours, le Premier ministre a multiplié les sorties au gré de l’actualité brulante qui secoue la République. En dehors de quelques sorties ponctuelles du chef de l’État, c’est lui qui est souvent envoyé au charbon. C’est lui qui coordonne l’action du gouvernement. En est-il ainsi pour la gestion du drame de Sikilo, le scandale du fonds Force Covid-19, la baisse des subventions sur les hydrocarbures…

‘’Mais attention, tient à insister le journaliste, cette présence du PM ne présage pas de l'efficacité de la gestion de ces crises. Mais au moins, cela a permis de fournir des réponses dans des délais raisonnables. Sur l’accident de Kaffrine, par exemple, pendant que le chef de l'État était dans sa fonction de représentation à l'intérieur du pays, à Kaffrine où il est arrivé tard, le Premier ministre était déjà à pied d'œuvre pour préparer et accueillir ce Conseil interministériel annoncé plus tôt par le président. Et finalement,  quoi qu'on puisse penser, ce Conseil interministériel a accouché de mesures qui emportent, au moins, l'adhésion des acteurs’’.

Aujourd’hui, on serait tenté de se demander qu’aurait été la vie du président de la République sans un Premier ministre ? De l’avis du journaliste de RFM, sans PM, il aurait été difficile, pour le chef de l’État, d’être au constat d’accident, aux urgences à l'hôpital, à la morgue, à saluer les services publics mobilisés pour les encourager, bref, être  au four, au moulin et à la ferme en même temps. ‘’Peut-être qu'on aurait juste fait comme à la suite de la série de drames dans nos hôpitaux  où la fonction de représentation du chef de l’État l'a conduit à Tivaouane. Sans plus ! La suite étant de mettre en place une commission d'enquête et d'attendre les résultats pour agir’’, analyse le journaliste pour qui l'utilité du poste de PM, son importance en tant qu’interface et filtre pour absorber l'intensité des chocs sur le dernier rempart (le président de la République) n’est plus à démontrer. ‘’J'espère, renchérit le précurseur de la ‘Revue de presse’, que le président a regretté son petit manège de montrer qu'il était le seul maître à bord de la pirogue Sénégal. Un leader, un manager, c'est d'abord quelqu'un qui sait faire travailler efficacement des équipes.  Cette propension du président à être le réceptacle de tout a fini par inhiber l'esprit d'initiative de ses ministres dont la vision de la plupart se résume à cette phrase presque culte au Sénégal : ‘Selon la vision du président Macky Sall…’.’’ 

Un rôle central, voire indispensable

Il faut noter qu’outre la gestion des dossiers chauds du régime et le fait de servir de fusible au président, le Premier ministre a aussi été au front dans la plupart des grands rendez-vous du calendrier républicain. En véritable capitaine d’équipe.

C’est le cas, par exemple, du Séminaire intergouvernemental France-Sénégal qui n’a pu se tenir depuis la suppression du poste de PM en 2019. Si officiellement la pandémie de Covid-19 est avancée, la coïncidence est en tout cas troublante, d’autant plus que dans le même temps, pas mal de rencontres officielles ont pu se tenir en vidéoconférence. Aussi, le calendrier républicain a renoué avec les déclarations de politique générale qui sont très importantes pour informer de la feuille de route de l’Exécutif et favoriser le contrôle de son action par le Parlement. Dans la même veine, Amadou Ba a pu servir de coordinateur de cette action gouvernementale et d’arbitre entre les ministres, à l’occasion du rendez-vous annuel du marathon budgétaire. Et comme pour marquer davantage son empreinte, il réactive les rencontres stratégiques avec le corps diplomatique ; des rencontres qu’il compte organiser chaque année.

Malgré tous ces effets positifs, il faut noter qu’Amadou Ba est toujours un PM sans siège, qui continue de recevoir au petit palais qui est censé être un lieu de résidence.

 

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