Quelles intelligences pour un NEW DEAL CITOYEN ?
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« La conscience de soi est en soi et pour soi quand et parce qu’elle est en soi ; c’est-à-dire qu’elle n’est qu’en tant qu’être reconnu. »Hegel, Phénoménologie de l’esprit, 1941.
Le développement ne se rêve pas, il se crée ! Cette assertion devrait être inscrite au fronton de toutes les villes sénégalaises, comme pour rappeler aux citoyens, leur rôle fondamental dans le progrès du Sénégal. Cette compréhension des enjeux de l’heure conforte l’idée d’une dynamique sociopolitique qui devra être centrée sur la conscientisation, la formation, l’éducation et la résilience de la jeunesse sénégalaise.
Le véritable défi politique qui a parfois résisté à l’ambition ferme des différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays, a été de résorber la lancinante question du chômage chronique des jeunes, de leur formation et de susciter l’espoir en eux. Dès lors, cette bombe sociale inquiète de plus en plus malgré les alternances consommées, s'appuyant sur les idées et réformes brandies lors les professions de foi, puis consumées, au temps des joutes électorales. La cadence des actions politiques s’est vue freinée par la célérité du progrès démographique qui place le Sénégal parmi les pays ayant une forte population juvénile avec 75% de citoyens âgés de moins de 35ans, soit un âge médian de 19 ans. De telles statistiques peuvent être perçues autant, comme une opportunité qu’un obstacle, surtout quand on mesure la position socio-économique du pays, qui nous confine parmi les moins avancés avec des indices de développement humain encore très faibles. Ce fait a résisté aux efforts des gouvernements et à la dynamique populaire d’où les tares notées dans la territorialisation des politiques publiques qui devaient servir à polariser des actions de développement appréciables en termes d’impacts socio-économiques, de lutte contre la pauvreté endémique, d’amortissement de la régression de l’économie rurale, et enfin, d’autonomisation des secteurs porteurs de croissance.
Aujourd’hui, pratiquement toutes les villes du Sénégal en pâtissent et tentent de subsister face à la ségrégation spatiale qui privilégie la région de Dakar au détriment de l’interland sénégalais. Ainsi, des zones comme Fatick, longtemps soumis à une léthargie soutenue sur tous les plans malgré le choix populaire fait en 2012, sur l’un de ses illustres fils, Macky SALL, ancien Premier ministre, devenu président de la République du Sénégal. Cette haute distinction n’a pas servi à assouvir la soif d’espérance nourrie par les fatickois en voyant leur édile porté au pinacle de la gouvernance suprême de la République.
Dès lors, après 12ans de magistère, à la chute de l’ancien régime du fils du terroir, on assiste à une grande désillusion. Celle d’une ville toujours en manque d’infrastructures aux normes, d’une économie chancelante, d’une municipalité aux moyens résolument limités et symptomatique d’un déficit de schéma de gouvernance efficace. S’y ajoutent à cela, les relents de la pression sociale que subit la jeunesse locale, souvent en proie aux débits de boissons alcoolisées florissants, à la drogue circulante, aux infections sexuellement transmissibles (IST) drainées par la prostitution déguisée, et à l’insécurité grandissante. Tout récemment, un rapport du ministère de l’Éducation nationale fait état de plusieurs cas de grossesses précoces notées dans les écoles…
Cependant, ce cocktail nocif dans le Sine cohabite paradoxalement avec un éveil citoyen, un renouvellement de la classe politique et une floraison d’organisations de jeunesses enclines à contribuer à l’effort de développement local dans le continuum des ambitions ratées par les anciens barons locaux sous Macky SALL. Faut-il croire à une réappropriation de l’espace sociopolitique fatickois par la jeunesse intellectuelle ?
« Dis-moi quelle jeunesse tu as, je te dirais quel pays tu auras », ces propos attribués le plus souvent au Président Abdoulaye WADE, consacrent une vision claire du rôle fondamental des jeunes dans la construction d’un pays surtout, quand ces derniers sont bien formés et ivres des valeurs de Jom, de Ngor, de Fula et de Fayda.
D’ailleurs, ce mindset (état d’esprit), sine qua non au progrès personnel et collectif, rappelle éloquemment le discours du Président Américain John F. KENNEDY qui affirmait par excellence : « Ne demander pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais préoccupez-vous de ce que vous pouvez apporter à votre Nation ». Fort de cette idée, et conscient de la réalité tangible à Fatick, l’intellectuel Sine-Sine se doit d’être un citoyen engagé par et pour le changement, à travers la proposition de plans de ruptures et de réformes systémiques. Il ne doit ni prêcher la résignation, ni l’abandon de l’espoir ardent, encore moins adopter une politique de l’autruche face à ses responsabilités. Il doit plutôt pousser à la réflexion, à l’action, à la prospective. La véritable rupture serait donc de poser les jalons à l’aune d’une citoyenneté proactive soucieuse de l’éducation, de l’économie numérique, de l’environnement, de la salubrité publique, de l’entrepreneuriat, du chômage des jeunes, de la sécurité des personnes et des biens, des problèmes de mœurs, etc. C’est clairement une invite à créer les conditions d’un espace scientifique et intellectuel de qualité.
Dans un contexte mondial ponctué de guerres technologiques et /ou politiques, de repli économique et commercial, conjugué à un inconfort au plan national, dû à des marges de manœuvres budgétaires et financières limitées - sous asphyxie des Institutions de domination néolibérale - il faut s’inspirer d’un New Deal Citoyen (NDC) où le Sine sera au carrefour d’initiatives audacieuses et porteuses de progrès. Ce sera un progrès endogène avec un accent mis sur le savoir, le savoir-faire et le savoir-être ; un retour à la source par l’appropriation culturelle et historique, et des actions d’envergure économiques, sociales et citoyennes. Cela consiste à convier les acteurs autour du NEW DEAL CITOYEN pour résorber les velléités sociopolitiques et bouter définitivement les raisons majeures du retard ou du moins, de l’appauvrissement de la ville. En effet, les tensions sociales et les blocages politiques souvent observés dans les villes en difficultés sont les reflets d'un manque de dialogue et de coordination entre les différents acteurs (citoyens, élus, entreprises, associations, etc.). Il s’agit donc d’une approche inclusive et participative, en plus d’une invite à la résolution des problèmes structurels qui freinent le développement de Fatick. Les préceptes hérités de la culture africaine particulièrement chez les sérères dont la fonction du Ngel ou Pènc (Agora) en wolof, prédisposent au dialogue, à la concertation sur les choses hautement importantes pour le devenir de la société. Joseph Kizerbo, en brillant historien, affirme à ce propos : « A tous les niveaux, l’Africain était avant tout un être social. Toutes les étapes de la vie étaient marquées par des réunions. C’est pour cela qu’on a parlé du débat permanent africain qui était instauré sous les arbres – la palabre – où chacun avait non seulement la liberté d’expression, mais l’obligation de s’exprimer. »
Ce réflexe culturel s’accommode de l’appel vers un N.D.C permettant d’identifier les priorités et de coconstruire des solutions adaptées aux réalités locales. Qu’en sera-t-il de ce Pèncoo citoyen ?
Allons vers des fora citoyens, des ateliers de réflexion ou les plateformes numériques pourraient servir de tribune d’expression des idées ! Pourquoi ne pas instaurer les Assises du Sine ?
Autant d’approches systémiques qui convoquent une volonté collective forte et un engagement citoyen dont l’objectif serait de bâtir une ville plus juste, prospère et plus résiliente.
Des jalons importants sont posés à travers des initiatives portées par une bonne partie de la jeunesse fatickoise qui œuvre incessamment et de façon désintéressée à la promotion, à la réhabilitation et à la vivification des valeurs citoyennes. La formation, le culte de l'excellence, la solidarité, la promotion du vécu associatif sont les principaux objectifs pour lesquels ils s'investissent. Les actions menées par la plateforme Sine Du Futur ou l'association I'm Talibé sont édifiantes à ce sujet. Elles sont avant-gardistes et agissent pour le futur. L'exaucement de leurs vœux, se reflètera d'ici quelques années, par une jeunesse bien formée, consciente des défis et enjeux de leur époque, redevable à leur terroir et capable de décider pour eux, notamment de choisir - surtout de bien le faire pour ne pas le regretter - leurs dirigeants.
Vivement pour un New Deal Citoyen au Sine !
(Par Aliou Gabou Cissé, Ma Serigne Dièye & El Hadji Farba Diop)