‘’Nous souhaitons, cette année, que les parents accompagnent les enfants’’
Les cours ne seront pas effectifs aujourd’hui sur l’ensemble du territoire. La directrice de l’Enseignement élémentaire en est consciente. Khady Diop Mbodji explique que le gouvernement veut y aller, étape par étape. Dans cet entretien, elle revient sur l’ensemble des mesures prises par le département de l’Education et qui ont permis de faire des pas décisifs. Et annonce que le décret concernant le statut des élèves maîtres a été signé.
Est-ce que toutes les conditions sont réunies partout pour un démarrage des cours le jour de la rentrée ?
Depuis le mois de juin passé, nous sommes dans une dynamique d’identifier les points sur lesquels nous allons mettre le focus pour que la rentrée se déroule bien. Ça se passe toujours comme ça. Et c’est dans ce cadre que le ministre de l’Education nous a donné des orientations claires en matière d’objectifs, c’est-à-dire en fonction des seuils que l’on s’était fixés, l’année dernière, pour le démarrage effectif des cours. Nous avons voulu évoluer cette année, en nous fixant de nouvelles ambitions. Par exemple, de dix écoles l’année dernière, cette année nous avons pensé pouvoir aller à 30 écoles élémentaires par département, 10 collèges mais aussi 10 lycées par académie, 10 structures d’éducation préscolaires. Nous avons évalué et nous avons vu que pour l’ambition concernant le démarrage effectif des cours, nous en étions presque à 100%. Cette année nous avons fixé de nouveaux indicateurs et le ministre en a profité pour que l’on puisse évoluer de défis à ambitions.
C’est-à-dire au lieu de mettre en avant les contraintes et difficultés, que l’on évalue vraiment de manière positive en se fixant des ambitions qui puissent nous permettre de nous élever et peut-être de nous mettre dans une dynamique de trouver des solutions aux problèmes qui pourraient se poser. Nous avons ouvert, pour chaque école élémentaire, un compte et le DAGE a procédé aux virements. 4 200 000 000 F CFA ont été virés dans ces écoles pour le budget de fonctionnement, pour leur donner des moyens de fonctionnement afin de leur permettre de prendre en charge les besoins liés au démarrage effectif des cours. Nous avons viré, pour les subventions qualité, des budgets par académie et plus de 3 milliards F CFA à toutes les écoles élémentaires du Sénégal pour leur permettre de procéder aux premières activités. Pour les inscriptions, nous avons pris toutes les dispositions pour qu’aucune entrave n’empêche que l’on puisse démarrer les cours. Dans l’enseignement élémentaire, il est interdit de demander des frais d’inscription aux élèves. Elle est gratuite.
Quels sont les endroits où il y a des difficultés et de quoi s’agit-il exactement ?
Les difficultés ne peuvent pas manquer, je l’ai dit plusieurs fois. Souvent elles sont liées à la présence des eaux dans les écoles. On nous a signalé des écoles qui sont inondées dans certaines localités et ça ne fait pas 100 écoles sur les 9 000. Mais c’est une réalité qui est là. Il y a aussi des écoles qui sont sous abris provisoires. Ce sont aussi des difficultés pour lesquelles nous avons réfléchi et dont nous sommes en train de trouver des solutions, mais nous ne devrions pas verser dans ce fatalisme. A Kaolack, on nous signale qu’il y a 27 écoles qui sont sous les eaux. La communauté s’est mobilisée pour les appuyer. Il faut le dire, l’IEF de Kaolack commune qui a 57 écoles a engagé ses 30 écoles en fonction des objectifs que l’on s’est fixés. Il y a 30 écoles qui vont faire le démarrage effectif des cours. Cela ne veut pas dire qu’on va laisser les 27 autres écoles. Des mesures sont en train d’être prises pour pomper les eaux. Il faut dire que les écoles vivent les mêmes réalités que le pays, elles sont souvent dans des zones inondables. A Dakar, nous avons l’école Sam-Sam qui nous préoccupe qui est dans une zone de bas-fond, c’est difficile. Il faut que les pluies s’arrêtent un mois après pour que l’on puisse s’atteler à reprendre cet établissement. Nous disons que ça ne devrait pas nous empêcher de démarrer les cours.
Qu’en est-il des abris provisoires ?
Les abris provisoires, il faut dire que nous les avons identifiés. Ils sont plus de 6 000 actuellement. Nous en étions à 8 000, en 2012. Maintenant nous en sommes à plus de 6 000 et nous avons vu l’initiative prise par le président de la République consistant à trouver des solutions, à résorber ces abris et le programme a démarré dans le cadre du partenariat public privé. Des entreprises se sont engagées en rapport avec le ministère des Finances. Ils ont démarré le travail pour dire que, d’ici 2019, nous pensons que nous pourrons résorber le maximum pour ne pas dire éradiquer totalement les abris provisoires. Nous sommes en train d’y travailler et c’est sûr que, d’ici deux ans, cette question pourra être derrière nous.
Les abris, j’ai l’habitude de le dire, c’est une solution qui permet aux élèves de bénéficier d’une scolarisation au lieu d’attendre que l’Etat construise, car la planification des constructions souvent prend du temps. Ces abris, le plus souvent, c’est pour sauver des générations d’élèves pour qu’ils ne soient pas âgés ou qu’ils n’aillent pas ailleurs s’orienter vers d’autres lieux. Les parents mettent en place ces abris, informent le ministère pour une mise à disposition de personnel. Pour nos pays en voie de développement, ces initiatives sont des solutions souvent incontournables, si nous voulons vraiment respecter notre engagement consistant à assurer la scolarisation universelle.
Les fournitures scolaires sont un obstacle pour les parents, y-a-t-il des mesures prises dans ce sens ?
Par rapport aux fournitures, il y a beaucoup d’interventions. Il y a les mairies qui s’y attellent et qui, de plus en plus, mettent à disposition, à temps, ces fournitures. J’ai vu presque toutes les mairies qui se sont engagées, j’ai vu une certaine agitation même à ce niveau. Mais pour les fournitures, il y a les manuels et nous pensons que l’Etat a mis la main à la poche. Ces trois dernières années, il y a plus de 8 milliards F CFA qui ont été dépensés pour acquérir des manuels scolaires. Ces derniers sont des intrants pédagogiques très importants et l’Etat a mis à disposition plus de 5 millions de manuels dans toutes les écoles élémentaires du pays. A ce jour, les élèves devraient bénéficier d’au moins deux manuels ; la grande majorité a trois et pour les élèves de la première étape, chacun dispose de deux manuels. C’est pour dire que c’est une volonté politique affirmée pour soulager les parents. Il y a aussi des mécènes, des ONG qui sont en train d’appuyer. Cela ne doit pas être une entrave au démarrage. Même si l’élève a un cahier et un stylo, il peut venir suivre, en attendant que le reste vienne. Ce que nous voudrions, c’est enlever tous les obstacles qui puissent entraver le bon déroulement des cours, dès le premier jour.
Les élèves ont l’habitude de prolonger les vacances. Qu’est-ce que votre département fait pour inverser la tendance ?
C’est une question très importante parce que, comme ils étaient habitués à poiroter, comme d’habitude, les cours ne commençaient pas. Les élèves venaient une, deux semaines avant que tout ne se mette en place, avant que l’enseignant ne démarre. Ces habitudes ancrées font que les élèves ne croyaient pas trop au démarrage des cours dès le premier jour, ils prolongeaient les vacances. Ils étaient utilisés, dans la campagne, dans les travaux champêtres. Depuis trois ans, nous sommes en train d’installer cette culture qui voudrait que les élèves viennent dès le premier jour. Ce que nous souhaitons cette année est que les parents accompagnent les enfants dans les écoles et s’assurent qu’ils sont entrés dans les classes, c’est important. Comme ils le faisaient avant ; les parents accompagnaient leurs enfants dans les écoles. Lors des réunions de préparation de la rentrée en rapport avec les structures du niveau déconcentré, nous avons retenu une ambition forte qui est une idée du ministre de l’Education d’aller vers la restauration des valeurs sociales et civiques dans le système éducatif. Je pense que le contexte, nous le vivons depuis des années, il y a une crise des valeurs, les comportements déviants, le non-respect de l’éthique, entre autres. Nous allons la démarrer, dès le 09 (aujourd’hui). Nous avons donné un contenu que nous avons partagé, la semaine passée à Saly, avec l’ensemble des autorités au niveau déconcentré et elles se sont engagées à ce que 80% des écoles restaurent la discipline dans les écoles. C’est important. Nous sommes en train de rectifier le tir.
Le concept ‘’Ubi tey, jang tey’’ a été lancé, il y a quatre ans. Quel bilan faites-vous de son application ?
Chaque année, nous l’évaluons et nous nous sommes fixés des objectifs avec des indicateurs. Tout ce que nous faisons au niveau déconcentré est accompagné, encadré par les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets. Les maires sont impliqués, il y a des comités régionaux de développement (CRD) qui sont tenus pour assurer un bon déroulement de l’année scolaire. L’année dernière, nous avons vu tous les gouverneurs faire des tournées dans des écoles. Quand nous avons évalué avec les acteurs à la base, en présence des acteurs de la société civile, on a vu que ça a été atteint à 100%.
Pour cette année, le ministre de l’Education Serigne Mbaye Thiam a sorti des circulaires pour dire qu’à défaut de le réaliser partout, que ceux qui peuvent le réaliser à 100% y procèdent. Il y a un dispositif au niveau déconcentré avec les services techniques des régions, les sapeurs-pompiers et le service d’hygiène, service civique national qui nous appuient beaucoup. C’est une bonne initiative et lorsque la Cosydep a émis ce slogan, le ministre se l’était approprié et en a depuis fait une préoccupation, pour voir pourquoi les élèves ne démarrent pas le premier jour. Maintenant, c’est lui qui a mis en place un dispositif dans une dynamique de démarrer les cours le premier jour, et donné les instructions au niveau déconcentré. C’est ça qui permet d’avoir ces résultats.
Comment faire pour avoir une année scolaire apaisée, sachant que certains enseignants menacent de déterrer la hache de guerre ?
Nous pensons que les syndicats sont dans leur rôle d’alerte, de veille, de rappeler pour que nous ne les oublions pas. Des accords qui ont été signés, pour l’essentiel, il y a des satisfactions. Des règlements ont été trouvés dans la plupart des points de revendications, des points d’accord. Il en reste certains sur lesquels le gouvernement est en train de travailler, pour que l’on ait une accalmie du front social. Le ministre a pris les devants. Il faut dire que la préoccupation principale qui a été soulevée par les partenaires, cette rentrée, c’étaient les statuts des élèves maîtres qui sont sortis, depuis 2013, et pour lesquels nous n’avions pas encore signé le décret portant changement de statut. Maintenant, ils ne sont plus volontaires, ils sortent élèves maîtres et après, il y a le statut qui fait d’eux des fonctionnaires. Le chef de l’Etat, lors du dernier conseil des ministres (mercredi dernier), a bien voulu adopter ce décret. Maintenant, il est signé. Je viens tout de suite d’avoir l’information (l’entretien a eu lieu jeudi passé). Ils en avaient fait un point d’honneur pour le ’’Ubi tey jang tey’’. Ça concerne 4 000 enseignants sur les 93 000. Ce décret nous l’avions fait depuis, mais c’est le changement de gouvernement qui l’avait retardé. La question qui reste est liée au traitement indemnitaire et je pense que c’est en train d’être traité. Dans les jours à venir, il y aura des rencontres entre le gouvernement et les syndicats, et des réponses claires seront données.
AIDA DIENE