Publié le 15 Jun 2023 - 11:52
LA CRISE POLITIQUE AU SÉNÉGAL : CES MAUX QUI GANGRÈNENT LA SOCIÉTÉ

La démocratie est-elle menacée ?

 

Décidemment, l’affaire sweet beauty ne nous a laissé aucun répit ces deux dernières années. D’emblée l’histoire faisait presque rire car, quand le journal Les Echos révélait la plainte d’une jeune fille contre le leader de PASTEF, personne n’osait imaginer que cela allait nous amener dans une situation aussi incertaine. Malheureusement, l’affaire  a vite pris une autre tournure. Boubacar Boris Diop, cité par Mame Gor Ngom dans Billets de Salon, avait raison de dire que « le paradoxe des évènements en cours, c’est que tout en étant graves, ils ont l’allure d’une farce grotesque ».

Cette affaire qui avait occasionné, en Mars 2021, une crise inédite, des violences inouïes, avec 14 morts et des dégâts matériels, continue de tenir en haleine les sénégalais, deux ans plutart.  Ousmane Sonko qui continuait toujours d’accuser le Président d’être derrière cette affaire, la politisation atteignant son summum. Les condamnations de Karim Wade et de Khalifa Sall pesaient sur la balance. D’aucuns penseraient que le Président Macky Sall était toujours dans son entreprise de « réduire l’opposition à sa plus simple expression ».

Ousmane Sonko, condamné par contumace,  non pas pour viol ni menaces de mort mais pour corruption de la jeunesse. Le viol a été oublié dans le verdict. Même si le jugement n’est pas encore définitif.

La justice sénégalaise s’est encore beaucoup discréditée. L’histoire s’est répétée. Certains ne connaissent visiblement pas le poids de la responsabilité qui pèse sur leurs épaules. Un simple verdict a mis le pays dans le chaos. Le judiciaire est vraisemblablement sous la tutelle de l’exécutif. Ce dernier dicte sa loi et le chemin à suivre. Le Président Macky Sall l’avait rappelé lors de sa rencontre avec la presse au palais. Traçant une ligne hiérarchique qui venait jusqu’à lui quand il s’agit des arrestations qui peuvent provoquer des perturbations dans le pays. Visiblement, le Président réserve sa coude pour certains et pas d’autres. L’injustice, la mère de tous les vices, a ouvert la boite de pandore.

Les conséquences sont sans précédent suite à la  condamnation. De violentes manifestations sont notées dans beaucoup de localités du pays. Comme en Mars 2021, le pays était mouvementé. Les conséquences sont désastreuses. Le nombre de morts fait débat entre pouvoir et opposition. Même un mort était de trop. Rien ne vaut d’arracher la vie d’un homme. Rien ne remplace la vie.

 L’université Cheikh Anta Diop de Dakar totalement saccagée. Le chapiteau et des voitures brûlés, des archives perdues. Au nom de quoi ? Ce sont-ils les étudiants qui l’ont fait ? Il faut oser dénoncer certains actes. Sauvagerie ou inconscience, difficile à cerner. Personne ne doit cautionner de tels actes. Il faut les dénoncer. Brûler des archives et des amphithéâtres n’a aucun lien avec le combat contre l’injustice. Soyons sereins.

Pourtant, Machiavel avait alerté : « Les hommes aiment à  changer de maître dans l'espoir d'améliorer leur sort; que cette espérance leur met les armes à la main contre le gouvernement actuel; mais qu'ensuite l'expérience leur fait voir qu'ils se sont trompés et qu'ils ont fait qu'empirer la situation. » Machiavel, Le Prince, 1532.

Que dire de ces propos ? Si ce n'est que la situation actuelle du pays. Le Sénégal, confirme les dires de cet auteur. « Que cette espérance leur met les armes à la main » autrement dit, les citoyens qui se permettent de saccager  leur  propre pays et sans arrières pensées. A quoi bon? La violence politique  au rendez-vous. Voler sans état d'âme, la monomanie incendiaire constatée chez les jeunes. Hideux que tout cela. Des patrimoines qui sont les nôtre détruits (TER, Les bus dem dikk, BRT) ce n'est pas le gouvernement qui les utilise mais plutôt nous les citoyens sénégalais. A croire que cette vérité échappe quelque peu à certains. Et dire qu'ils veulent selon eux, que notre pays s'améliore. Comment? Comment dans cette insouciance inconcevable? Cette hargne inhumaine qui motive certains citoyens car lorsqu'on  visionne certains actes un policier sauvagement tabassé et un morceau de brique qui écrasa sa tête, la barbarie pure.

Pourquoi se quereller ? Nous qui sommes les éléments de base pour parler d'État notamment les forces de défense et de sécurité et les citoyens, c'est écœurant. Les FDS devenues une menace pour le peuple aussi paradoxal que cela puisse sembler sonner car ayant pris un gamin de 8 ans comme bouclier de protection contre les lances de pierres, abasourdissant.  Et quand est-il de la provenance et de l'identité  de ces nervis ou hommes déguisés en civil qui tirent sans état d'âme sur la jeunesse sénégalaise? Assurément animés de mauvaise foi! La démocratie sénégalaise est déstabilisée et sa justice laisse à désirer.

Et que dire des morts. Encore des morts. Toujours sans suite ? Sans enquête ? Qui est responsable finalement ? Il faut que cela cesse! Les politiques jouent avec la vie des citoyens. Un combat doit être mené pour que justice soit rendue à ces victimes. Plus jamais ça !

Ainsi, ces évènements ont laissé des traces indélébiles dans le processus démocratique sénégalais tenant tout le pays en haleine. Face à la crise de la représentation, la mobilisation n’est-elle pas l’ultime recours pour se faire entendre véritablement. Ce n’est peut-être pas en raison d’une tendance innée à se quereller que le peuple sénégalais désireux de défendre  sa démocratie aurait choisi de recourir à la violence. D’autant plus que le droit à la manifestation est reconnu par la constitution. De plus en plus les droits et libertés des citoyens se font restreindre. Plusieurs arrestations. La restriction du droit d’aller et de venir des citoyens.

La barricade du domicile de Ousmane Sonko, opposant farouche du régime en place. La restriction de l’accès à l’internet par les données mobiles qui a mis des millions d’utilisateurs dans l’embarras.  Le signal de la chaine de télévision Walfadjiri coupé. Occasionnant le chômage technique de tout son personnel. Pire encore l’élan de solidarité de la part de la population interrompu par l’Etat qui a ordonné à l’opérateur Wave de suspendre les opérations de paiements destinées à ce groupe. La persécution est de trop. Et l’Etat se ridiculise. Le rôle des groupes de presse est de donner des informations justes et fiables. C’est ce que Walfadjiri a essayé de faire. Mais apparemment ça dérangeait. Le Président ne veut pas qu’on le dérange. Tous ceux qui ne sont pas avec lui, sont contre lui semble-t-il montrer. Le Président a-t-il l’ambition de mettre la volonté de Cioran en œuvre qui disait que  « le droit de supprimer tous ceux qui nous agacent devrait figurer en première place dans la constitution de la Cité idéale ».

Le Sénégal avait pourtant une bonne réputation en matière de démocratie. Cependant, il serait exagéré de dire qu’il n’y a plus de démocratie au Sénégal. Cette dernière est un processus non pas linéaire, mais continu, qui connait des hauts et des bas. Ce processus est une perpétuelle construction. Même si nous sommes plus proches de perdre les acquis démocratiques que de les consolider ces derniers temps.

Aussi, la démocratie n’est pas uniquement l’affaire du chef de l’Etat qui certes doit respecter en premier les principes démocratiques. Mais tous les acteurs politiques ainsi que les citoyens doivent s’atteler à cette tâche. Le respect de l’institution est primordial. Les opinions divergentes doivent être tolérées, peu importe la position des uns et des autres. La contradiction est inhérente à la démocratie. On ne peut pas être tous du même avis. C’est là le charme de la démocratie. Nous avons tous un rôle à jouer, pouvoir ou opposition, partisans ou sympathisants, dans ce processus de démocratisation qui n’est jamais achevé. 

Evitons de franchir les limites qui maintiennent la maille sociale pour ne pas entrainer l’effilochement du tissu social. Adoptons le champs lexical de la paix et non de la violence. Car tout commence par les mots, comme le montre Georges Orwell dans son ouvrage 1984. Avançons des idées susceptibles de mener le pays vers des palabres entre deux logiques contradictoires. Certaines radicalités correspondent beaucoup plus à une immaturité politique. Trouvons l’unité même dans le désaccord. La différence d’idées ne signifie pas querelle ou animosité. Le politique est plus noble que ça. Tissons des liens même dans l’adversité pour  dissiper les malentendus.

Puisse ce message  être entendu par tous les acteurs politiques, et l’ensemble des citoyens pour que le Sénégal retrouve sa stabilité tant louée dans la sous-région. Pour que plus rien ne déstabilise notre cohésion sociale et notre vouloir de vie commune. Dans la prospérité, la tranquillité et la sérénité.

Que la paix règne dans ce Pays!

                                                                                                Maty DIALLO

                                                                                                matydiallo20@gmail.com

                                                                                                Papa Samba SOW

                                                                                                papesambasow2016@gmail.com