Publié le 8 Oct 2017 - 12:27
MARIAGE TARDIF CHEZ LES FEMMES

Le temps des regrets : ‘’La place Faidherbe est un symbole’’

 

De plus en plus, les filles se marient tardivement au Sénégal. Certaines optent pour les études, d’autres n’ont pas trouvé demandeur. Dans tous les cas, il arrive une période où la situation est difficilement vécue. ‘’EnQuête’’ est allé à la rencontre de femmes frappées par la ‘’maladie’’ du mariage tardif et qui vivent le chagrin.  

 

Le mariage précoce a ses conséquences. Celui tardif aussi peut causer un chagrin chez les femmes. Née en 1975, Safiétou Ndiaye, vendeuse de fruits et légumes sur l’avenue Léopold Sédar Senghor à Thiès, n’a ni mari ni enfant. Une situation qu’elle vit difficilement. Mais elle s’en remet à Dieu. ‘’Je n’y peux rien. Car avoir un mari et un enfant relève de la volonté du Tout-Puissant. Je sais qu’il y a quelque chose qui me manque. C’est un honneur pour la femme de se marier très tôt pour pouvoir faire des enfants et s’occuper d’eux au bon moment. Aujourd’hui, j’ai 42 ans, sans mari, ni enfant. C’est vraiment regrettable’’, se désole-t-elle.

A l’image de Safiétou, de plus en plus, certaines femmes tardent à se marier au Sénégal. Dans plusieurs régions, les filles n’ont qu’une seule idée : les études d’abord. Et une fois le mariage consommé, bonjour la ménopause. Une situation qui peut détruire une relation bien entamée, surtout quand la femme ne peut pas contracter une grossesse, après cette union.

Il y a de cela quelques années, Safiétou Ndiaye a refusé une opportunité de mariage qui s’offrait à elle. La raison : les études. ‘’J’étais encore très jeune et j’étudiais à cette époque. Je ne pouvais pas abandonner mes études pour un homme, car toutes mes camarades étudiaient. C’était risqué’’, se justifie-t-elle avant d’interrompre l’entretien pour s’occuper de sa clientèle. Pourtant, cette femme n’est pas allée loin dans ses études. Au cours de son cursus scolaire, elle a eu comme seul diplôme le Certificat de fin d’études élémentaires (CFEE).

Que de regrets aujourd’hui ! ‘’C’est une double perte. Je voulais décrocher au minimum le Baccalauréat. Cet objectif n’a pas été atteint et je n’ai pas pu me marier à temps. Je crois que c’est déjà trop tard pour me marier, parce qu’un homme sérieux ne veut pas d’une femme qui a presque atteint l’âge de la ménopause. On ne se marie pas pour le simple plaisir. On le fait pour fonder un foyer et suivre les recommandations d’Allah’’, souligne Safiétou Ndiaye.

Maintenant qu’elle estime que son temps est passé, elle veut prodiguer des conseils à la gent féminine. ‘’Je demande tout simplement aux jeunes filles de se marier à temps pour ne pas être dans la même situation de beaucoup d’autres femmes de ce pays. Certaines acceptent de se marier tard, tout en sachant qu’elles ne peuvent pas avoir un seul enfant. Aucun mari ne peut l’accepter. Les filles doivent se marier très tôt. Elles auront le temps de s’occuper d’elles et de leurs ménages. Si c’était à refaire, je me serais mariée sans aucune hésitation’’, affirme Safiétou Ndiaye qui dit avoir consacré tout son temps à son petit commerce pour subvenir à ses besoins primaires.

‘’J’ai vécu un grand supplice, le jour de l’accouchement’’

Si Safiétou Ndiaye n’a pas eu la chance de se trouver un mari au moment où elle l’a souhaité, Adja Maï Diallo, elle, est plus chanceuse. Teint clair, taille moyenne et cheveux naturels bien coiffés, Adja Maïa réussit à trouver chaussure à son pied à l’âge de 37 ans. En revanche, un seul enfant est issu de cette union célébrée depuis bientôt cinq ans. Aujourd’hui, elle est habitée par un double sentiment : une reconnaissance à Allah et des regrets. ‘’J’ai difficilement contracté ma grossesse et j’ai vécu un grand supplice, le jour de l’accouchement. Je voulais avoir quatre ou six enfants. Mais, avec mon âge, je n’en peux plus. Il n’y a presque pas eu de décalage entre l’âge de mon mariage et celui de la ménopause. Je n’ai pas fait de choix entre les études et le mariage. Je me suis mariée tardivement parce que pendant tout ce temps, aucun homme n’a demandé ma main à mes parents’’, précise-t-elle.

Adja reconnait aux filles le droit de se marier tard. Mais, prévient-elle, si elles contractent des grossesses tardives, elles pourront ressentir des douleurs énormes le jour de leur accouchement. Dès lors, elle les invite à prendre leur destin nuptial en main et leur recommande surtout de se trouver au plus vite un mari pour fonder une famille. ‘’Les filles s’attardent trop sur les études. Elles peuvent se marier et continuer leurs études. Elles sont certes dans une société moderne. On peut les comprendre. Cependant, il faut qu’elles sachent qu’il y a un temps pour se marier et un autre pour faire des enfants’’, fait-t-elle remarquer. Pour autant, elle déclare, dans un grand sourire, ne pas conseiller aux demoiselles de dire oui au premier venu.

‘’Je ne vois aucun mal à se marier tôt’’

A moins d’un mètre, une vendeuse de cacahouètes a porté toute son attention à la discussion. Elle ne peut s’empêcher d’intervenir. ‘’Voilà les questions qu’il faut évoquer’’, lance-t-elle d’une voie résonnante. Mariée très tôt et mère de sept enfants, Sokhna Sow fait le procès des filles en âge de se marier. Pour elle, ces dernières ne veulent plus de la vie conjugale, du fait de leurs études. ‘’Au Sénégal, les gens ont tendance à évoquer seulement les mariages précoces, alors qu’il y a les mariages tardifs, avec leurs lots de conséquences. C’est pour cette raison qu’elles ne songent plus à se marier. Cela est même devenu une chanson connue de toutes les jeunes filles. Dans cette affaire, c’est très souvent l’ethnie peulh qui est mise à l’index. Je ne vois aucun mal à se marier tôt. A 16 ou 17 ans, la fille a l’âge de se marier’’, tranche-t-elle.

De son point de vue, si toutes les femmes se mariaient tardivement, on aurait bientôt au Sénégal une population vieillie. Ce qui serait un frein au développement du pays. Ce qui lui fait dire qu’il est important, pour une fille, d’étudier pour se prendre en charge et aider ses parents. Mais quand l’heure du mariage sonne, elle doit le savoir. Rencontrée sur l’avenue Lamine Guèye à sa sortie d’un célèbre restaurant, cette célibataire sans enfant souligne que chaque femme doit avoir un mari à ses côtés. Réticente au départ sur cette question, elle finit par se lâcher. ’’Pensez-vous que c’est facile, pour une femme en âge de se marier, de vivre sans un homme à ses côtés ? Vous savez, la femme peut se taper tout le luxe (voiture, maison…) mais si elle n’a ni mari ni enfant, elle va ressentir tous les jours et tous les soirs un grand vide. J’ai presque tout chez moi. C’est seulement ce bonheur qui me manque. Je regrette cette situation. Dieu est grand. Peut-être que je vais trouver un mari, un jour’’, souffle la jeune dame qui travaille dans une société de téléphonie de la place et qui dit avoir près de 40 ans.

La presse, le remède de la presse

Le mariage tardif se retrouve dans la quasi-totalité des secteurs d’activité. Des directrices célibataires à plus de 35 ans, des professeurs, des médecins… Bref, on en trouve dans toutes les entreprises. La crise du mariage tardif a fini notamment de s’installer dans les rédactions. Elles sont nombreuses, les journalistes qui ont l’âge de se marier et qui ne trouvent pas encore l’âme sœur. Il se pose soit la question du choix de l’homme, soit elles ne trouvent personne sur leur chemin. Mais depuis quelque temps, une solution semble être trouvée. Les journalistes décident désormais de se marier entre eux.

Dans certaines rédactions de la presse écrite, on privilégie la solution à l’interne. Tandis que d’autres préfèrent les couples presse écrite-radio ou encore presse écrite-télévision. Cette nouvelle donne, si elle perdure, pourra contribuer à réduire le nombre important de jeunes dames journalistes célibataires. ‘’Nous sommes condamnés à nous marier entre nous. J’ai comme l’impression que les hommes ont peur d’affronter les journalistes. Mais il y a un aspect très important à ne pas négliger. Les journalistes peuvent travailler jusque tard dans la nuit. Et aucun homme ne va prendre le risque d’épouser une journaliste qui passe tout son temps dehors ou qui passe tout simplement quatre ou cinq heures de temps avec lui. Pendant les fêtes de Tabaski ou de Korité, nous sommes obligées d’aller couvrir les cérémonies religieuses. Et les hommes ne peuvent pas le comprendre. Je crois que c’est ça la véritable équation’’, fait remarquer cette journaliste qui a requis l’anonymat. D’après elle, ses confrères et consœurs doivent se marier entre eux pour régler de façon définitive la question de ‘’l’incompréhension et du célibat’’.

Pour épargner leurs consœurs de la ‘’maladie’’ du mariage tardif, les confrères sont tenus de poursuivre le rythme déjà entamé. Du coup, la promotion intra muros va devenir la panacée des reporters.  

GAUSTIN DIATTA (THIÈS)

 
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