‘’18 cas de feux de brousse déclarés pour un total de 1 350 ha de tapis herbacé brûlé cette année’’

Le département de Linguère est une zone sylvopastorale souvent confrontée au périlleux phénomène des feux de brousse. Le tapis herbacé est menacé par des malfaiteurs, ce qui impacte négativement la biodiversité et l’écosystème. L’ingénieur des eaux et forêts, Massamba Niang, nous en dit plus.
Cette année, combien de feux de brousse ont été notés dans le département de Linguère ?
Actuellement, dans le département de Linguère, nous avons enregistré 18 cas de feux de brousse pour un total de 1350 ha de tapis herbacé brûlé.
Quelles sont les zones les plus touchées dans le département de Linguère ?
L’arrondissement de Barjedji est le plus touché, surtout la commune de Thiel. Cette année, nous avons enregistré un cas spécifique moins grave de 475 ha de terre brûlée dans la parcelle d'Asyla Gomme, qui se trouve dans la commune de Yang Yang. Comme d’habitude, le ranch de Doli est impacté, car c’est la dernière zone de refuge pour les transhumants. Comparativement à l’année dernière, où nous étions à 700 ha brûlés (soit 9 à 10 cas), cette année nous avons environ 370 ha pour 3 à 4 cas.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Tout d'abord, l'intervention de l'État du Sénégal, avec la Direction des Eaux et Forêts, qui a ouvert 200 km de pare-feu. Cela a été accompagné par le PDEPS du ministère de l’Élevage, qui a également ouvert et entretenu 100 km de pare-feu. Ce maillage est assez correct pour le ranch, car nous avons des secteurs de 2 000 à 3 000 ha, ce qui permet de circonscrire rapidement les feux.
Le deuxième aspect est la rapidité d’intervention. Lorsqu’un feu de brousse est déclaré, il est très vite maîtrisé dans les minutes qui suivent. Ceci est rendu possible par l’intervention de l’État, à travers la dotation en carburant et les moyens de lutte. En fait, le ranch de Doli fait 87 500 ha, avec 3 grandes unités d’intervention et une unité légère, soit un total de 4 unités, ce qui nous permet d'intervenir rapidement pour éteindre les feux.
Existe-t-il d’autres zones impactées par le feu de brousse ?
Oui, la commune de Labgar est touchée par les feux de brousse, ainsi que l’arrondissement de Yang Yang, avec plus de 500 à 600 ha de terre brûlée. Toutes les origines des feux de brousse sont dues à la main de l’homme. Ce sont généralement les transhumants, par inadvertance, qui mettent le feu. Malheureusement, cette année, nous n’avons pas pu identifier les auteurs des feux, car tous les suspects sont inconnus à ce jour. Cela est également dû à un manque de collaboration avec les populations et les chefs de village pour dénoncer les suspects. Pour cette année, nous avons un seul suspect, mais lors de nos investigations, les populations n’ont pas voulu dénoncer.
Comparativement à l’année dernière, peut-on dire que les feux de brousse sont en hausse ou en baisse ?
Nous pouvons dire que les feux de brousse sont en baisse. L’année passée, nous avions 1 700 ha brûlés avec 29 cas au 15 mars 2024, contre 1 350 ha brûlés avec 18 cas au 15 avril 2025. Cela s’explique d’abord par la mise à disposition de moyens, l’entretien de ces moyens, l’ouverture des pares-feux et la dotation suffisante en carburant. Cela nous permet d'intervenir très rapidement pour éteindre les feux. À part 3 cas de feux, un à Mbeuleukhé où nous avons 475 ha dans la parcelle d'Asyla Gomme, un feu à Labgar avec 200 ha et un autre au ranch de Doli avec 362 ha, ainsi que de petits cas entre 10 et 15 ha. Dans l’ensemble, tout ce qui est brûlé dans le ranch fait moins de 0,5 ha. Pour cette année, donc, le feu est nettement en baisse avec un taux de 98 %.
Quelles mesures préventives peuvent être prises pour éviter une telle situation ?
Nous menons très souvent des séances de sensibilisation et de conscientisation auprès des transhumants. Nous collaborons également avec les communes concernées pour la mise en place de banques de carburant. Nous menons des enquêtes pour inciter les populations à dénoncer les auteurs, et nous entretenons les pares-feux au ranch et dans les autres zones jugées très névralgiques. Cela pourrait aider à circonscrire rapidement les feux de brousse.
En tant que chef du service départemental des eaux et forêts de Linguère, tous les secteurs sont-ils suffisamment dotés en logistique et en personnel ?
Il faut dire que depuis 2 ans, il y a eu une montée en puissance des services des eaux et forêts. L’État a doté ces services de nombreux moyens pour redorer leur blason, et nous apprécions cela. Je peux dire que le département de Linguère est le mieux doté en matériel parmi tous les départements du Sénégal. Il y a 8 à 10 unités de lutte à Linguère, toutes fonctionnelles, et les moyens pour sensibiliser les populations sont disponibles grâce à la Direction des Eaux et Forêts, ainsi que par le biais de partenaires comme AVSF, le PRAPPS, le PEDEPS, et par l'entretien et l'ouverture des pare-feu dans le ranch avec 300 km de maillage.
Comparé à la région de Dakar, le personnel est-il suffisant pour contrôler les feux de brousse ?
Le département de Linguère est très vaste comparé aux autres départements du Sénégal, car il fait 15 700 km². Linguère est deux fois plus grand que la région de Thiès et 180 fois le département de Dakar. L’État doit donc faire des efforts pour la dotation en carburant, d’autant plus que les déplacements y sont plus importants par rapport aux autres départements. Une discrimination positive serait la bienvenue pour ce département.
Une autre spécificité est que ce département est classé à plus de 65 %, c’est-à-dire que plus de 10 000 km² sont classés comme réserves, zones d’intérêt cynégétique (ZIC) et forêts classées gérées par l’État du Sénégal. Ces réserves et forêts ne sont pas clôturées, et il y a souvent des empiétements. Toute action est soumise à une autorisation spéciale.
Quel impact cela peut-il avoir sur l’environnement ?
Cela peut conduire à une perte de biodiversité dans les zones touchées par les feux de brousse, avec des animaux qui disparaissent et certaines espèces moins résilientes qui peuvent également disparaître.
Quelles solutions l’État devrait-il envisager pour remplacer les pares-feux par des méthodes plus modernes ?
Remplacer les pares-feux par des pistes est une solution, mais cela s'avère très coûteux pour l’État du Sénégal. Cela empêche la croissance de l’herbe. Au ranch, il y a 4 secteurs répartis en 14 portes et 120 km de murs. Un autre problème a été noté : le mur de clôture est en train d’être détruit par des malfaiteurs. Les zones de passage permettent de savoir le nombre d’animaux qui entrent et la charge. Si les mesures ne sont pas respectées, cela nous posera d’énormes problèmes.
Quelles mesures coercitives l’État a-t-il prises ?
Le code est très sévère à l'égard des malfaiteurs, avec des peines allant de 3 à 5 ans de prison ferme et des amendes variant entre 500 000 et 3 millions de francs. Ce sont des peines complémentaires. Pour cette année, nous avons saisi entre 300 et 400 sacs de charbon. Pour une meilleure gestion des ressources, il est essentiel d'encourager la participation communautaire contre les coupes abusives des arbres.
Mor MBATHIO NDIAYE