Publié le 25 Sep 2012 - 22:56
NOMINATION DU FUTUR CHEF D’ÉTAT-MAJOR

Macky face à l’équation des Généraux

 

 

 

 

 

Colonne vertébrale de la nation, modèle d’organisation réfractaire à tout raté et réceptacle d’un héritage colonial et post-colonial, l’armée sénégalaise fait figure d’institution loyalement immaculée et professionnellement sublimée dans le pays et hors des frontières nationales. C’est pourquoi, tout changement ou réajustement dans son commandement cristallise l’attention des analystes, suscite la curiosité des observateurs (attachés de défense des ambassades) et alimente la réflexion des experts issus de pays ayant des accords de défense ou entretenant des relations de coopération militaire avec le Sénégal. Sans oublier la vigilance aiguisée des diplomates de pays voisins ou éloignés dont l’une des facettes de la mission – ne nous voilons pas la face – est de s’informer tous azimuts. C’est encore pourquoi Macky Sall est attendu sur la nomination du futur chef d’État-major général des armées (Cemga). Et c’est enfin pourquoi les faits et gestes présidentiels sont particulièrement épiés.

 

Force est de reconnaître que le casse-tête est réellement de taille. En douze ans de pouvoir, Abdoulaye Wade a été le Père de la «mexicanisation» de l’armée, c’est-à-dire de l’inflation des Généraux et de l’obésité du commandement. En effet, des fournées de Généraux et des constellations d’étoiles (Généraux de brigade, de division, de corps d’armée, d’armée, et des Contre-amiraux) ont engendré des embouteillages dans les états-majors des trois armées : terre, air et mer. Et, par voie de conséquence, créé un gros bouchon au crépuscule des carrières. D’où l’écheveau que son successeur Macky Sall est appelé à démêler dans quelques semaines. Avec doigté. Et non avec la rage de nommer qui on veut. Car la nomination d’un chef d’État-major général des armées peut se révéler plus ardue que la formation d’un gouvernement.

 

D’emblée, il est bon et opportun de rappeler à Macky Sall, les trois «C» qui président à la désignation d’un Cemga : compétence, confiance et circonstances. La compétence découle en gros du CV. Même si un homme peut valoir moins ou plus que ses diplômes. La confiance est totalement discrétionnaire. Quant aux circonstances, elles sont tantôt contingentes ; tantôt contraignantes. En tout état de cause, l’aréopage de Généraux (plus de dix en activité) se prête à toutes les options, allant de la nomination d’un Cemga de transition à la désignation d’un Cemga de rupture, pour employer un mot qui fait florès sous l’ère Macky.

 

Dans cet ordre d’idées, il est tentant de passer au crible les profils des remplaçants possibles et plausibles du Général Abdoulaye Fall. En les scindant en deux lots, ce sont le Général Diawara du Groupement national des Sapeurs-Pompiers, l’Amiral Farba Sarr (marin spécialisé dans le renseignement) et l’Amiral Ousmane Sall (dernier aide de camp du Président Abdou Diouf) qui – au vu de leurs âges respectifs – se glissent d’office dans la peau de Cemga de transition. Et de courte transition. Tous les autres officiers généraux d’active sont nés entre le milieu et la fin des années 50.

 

Dans le second lot figurent le Général d’aviation Charlemagne Pereira (actuel chef d’État-major de l’Air), le Général d’aviation Ousmane Kane ex-attaché militaire à Washington, le Général des troupes de choc Balla Keïta, les Généraux d’infanterie Pape Samba Kamara, Saliou Ndiaye et Mamadou Sow alias Noguass, le Général de cavalerie Alioune Wade, l’Intendant-Général Sanghé Ndao, les Amiraux Mohamed Sané, Samba Fall ex-patron des commandos-marins et Bara Cissokho (actuel aide de camp du Président Wade).

 

 

Au-delà des profils, affleurent les atouts des uns et les handicaps des autres, nonobstant la compétence qui est largement partagée dans l’armée sénégalaise. Moult raisons et / ou considérations pour lesquelles la décision (vecteur du choix) du Président Macky Sall doit être fignolée en amont, avec l’aide, non pas de courtisans et d’excités techniques, mais de conseillers avisés ; puisque toute erreur sera impossible à rattraper. En effet, si le mauvais choix est opéré, il sera contre-productif au double plan opérationnel et psychologique ; s’il est corrigé peu de temps après, il sera illustratif d’un cafouillage et d’un tâtonnement de la gouvernance au sommet de l’État, c’est-à-dire dévastateur pour l’image du Président.

 

Au cœur des supputations, se trouve le Général d’aviation Ousmane Kane fraîchement promu et remplacé à Washington par le Colonel Kébé de la Dirpa. Ses états de service le propulsent légitimement et valablement. Le seul hic demeure le parfum ethnique que sa nomination pourrait, à tort, dégager dans un contexte où de tels effluves sont suspectés ici et là. Certes les dosages sociologiques (régions et confessions) inhérents à la composition d’un gouvernement ne sont heureusement pas en vigueur dans l’univers militaire sénégalais, mais les précautions d’ordre psychologique ne sont guère inutiles. Bien au contraire.

 

A contrario, son collègue aviateur Charlemagne Pereira a le double avantage d’appartenir à une double minorité : mandjaco-cap-verdienne et chrétienne. A ce double titre, il est un élément tampon, stabilisateur et rassurant. Par ailleurs, il affiche un patriotisme ardent, puisque des offres de carrières financièrement alléchantes n’ont pas manqué dans l’aéronautique civile pour ce brillant pilote. Toutefois, le poids écrasant de l’armée de terre (volume des effectifs et présence hégémonique sur le théâtre des opérations ; notamment en Casamance) rognent les chances de l’aviation qui n’a donné qu’un seul chef d’État-major à l’armée, le Général Mansour Seck, à la fin des années 80.

 

Du côté de l’armée de terre (infanterie, artillerie, cavalerie et génie confondus) Macky Sall aura l’embarras du choix face au wagon de Généraux légués par Wade. Les parcours étant globalement remarquables pour tous ces képis constellés d’étoiles, le second «C», autrement dit le critère de confiance, sera alors déterminant. Le déroulement des opérations en Casamance est aussi un paramètre qui joue davantage en faveur de l’infanterie que de l’artillerie ou de la cavalerie. Dans le sud du Sénégal, l’infanterie (épaulée par le renseignement) est la reine voire l’impératrice des batailles. Pour boucler la panoplie des paramètres, citons subsidiairement la cote des Généraux (mélange de crédibilité et de popularité) à la bourse des garnisons, des popotes et autres cercle-mess. Évidemment, il s’agit là d’une considération très secondaire dans une armée sénégalaise qui n’a rien à voir avec l’Armée Rouge où le soviet des soldats intervenait dans la promotion des officiers supérieurs.

 

Quant à la Marine, en tant qu’arme des Pachas, elle est un creuset de cadres à la formation techniquement pointue. Si pointue que son commandement n’a été «sénégalisé» qu’en 1975. La Marine est également le bras armé de l’État en mer. Sa grande implication dans les opérations Fodé Kaba 2 et Gabou, respectivement en Gambie et en Guinée-Bissau, fut décisive. Au cours de cette dernière opération effectuée à 500 km de Dakar, toute la projection (logistique et troupes) a été entièrement navale. Donc l’apanage de la Marine. En Casamance, les commandos-marins se battent au sol, dans les secteurs très aquatiques d’Elinkine et du Cap Skirring. Avec un tel palmarès, les Amiraux sont de valables postulants. Du reste, l’armée de mer est la seule composante des Forces armées n’ayant pas encore produit un chef d’État-major général. Son premier commandant, après le départ des Français, le défunt Amiral Gassama Faye, a été le numéro 2 des armées et adjoint du Général Mansour au camp Dial Diop.

 

Un mot sur le patron de l’Intendance, le Général Sanghé Ndao. Ses chances sont historiquement réduites par un autre Général (Charles De Gaulle) qui aimait dire : «L’intendance suivra». Donc, elle ne précédera pas. Par conséquent, ne présidera pas, de sitôt, aux destinées des armées.

L’après Abdoulaye Fall offre au président de la République l’occasion d’élaguer une hiérarchie trop touffue, par une cure d’amaigrissement de nature à rendre plus flexible l’outil militaire. La leçon malienne est à méditer : l’armée du Mali n’est-elle pas, en partie, morte de l’obésité de son commandement ? Nous reviendrons prochainement sur ce volet.

 

Babacar Justin NDIAYE

 

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