‘’Nous combattons quotidiennement les dérives sur l’Internet’’
Pape Assane Diouf, membre de la Commission scientifique du Dahira Hizbou Tarkhiya, considère les dérives sur les réseaux sociaux comme une perte de temps pour les musulmans. Le professeur d’anglais donne les détails, dans cet entretien, sur la programmation des séances de déclamation de ‘’Khassaides’’ pendant le grand Magal de Touba. Il a également abordé les relations avec les différents khalifes généraux des mourides, Serigne Mountakha Mbacké en particulier.
Le Dahira Hizbou Tarkhiya n’a pas organisé son exposition pendant le Magal de 2018. Qu’est-ce qui explique cela ?
Je suis là où on organise la déclamation des ‘’Khassaïdes’’ de Serigne Touba. En ce qui concerne l’exposition, c’est du ressort du comité d’organisation et du responsable moral du ‘’dahira’’.
Quelle est la nouveauté dans vos activités du grand Magal de 2018 ?
Il n’y a aucune nouveauté, cette année. Nous travaillons dans la continuité, c'est-à-dire perpétuer notre activité principale : la déclamation des ‘’Khassaïdes’’. Notre ‘’dahira’’ insiste sur les récitals de ‘’Khassaïdes’’ pendant le grand Magal de Touba. Cette activité existe depuis la naissance du ‘’dahira’’. Nous l’avons toujours fait aux côtés des différents khalifes généraux, depuis Serigne Abdou Lahat jusqu’à Serigne Mountakha. Donc, c’est une continuité durant les trois jours du Magal. Les différentes équipes du conservatoire de Hizbou Tarkhiya se relaient pour chanter les louanges et panégyries de Cheikh Ahmadou Bamba à l’honneur de son Seigneur et du Prophète Mouhamed (Psl).
Comment s’organisent les séances de déclamation de ‘’Khassaïdes’’ pendant le Magal ?
C’est un programme bien harmonisé et bien coordonné durant toute l’année. Le Dahira Hizbou Tarkhiya dispose de 27 équipes dans les différentes cellules du Sénégal et des pays étrangers. Certaines cellules ont deux, trois ou quatre équipes, alors que d’autres comportent une seule. Ces équipes organisent, durant toute l’année, des séances de répétition pour préparer le grand Magal de Touba, en essayant d’harmoniser des ‘’Khassaïdes’’ et des mélodies. Une équipe de supervision effectue une tournée nationale, à quelques jours du Magal, pour voir les différentes ‘’Khassaïdes’’ maitrisés par les équipes pour pouvoir dégager un programme pendant les trois jours. Ce programme est bien établi. Les groupes et les cellules connaissent, à l’avance, l’ordre de passage et le temps qui leur est imparti. Nous avons également une équipe de suivi. Elle évalue les présentations et donne les notes. Cela nous permet de dresser un bilan à la fin de l’évènement et faire des remarques, des suggestions et des recommandations. Ce groupe de suivi va signaler aussi les choses à changer ou à parfaire dans chaque équipe.
Est-ce à dire que pendant cette période, tous les ‘’Khassaïdes’’ de Cheikh Ahmadou Bamba seront visités ?
On ne peut pas le faire, sinon on passerait un siècle ici. La raison, c’est que l’homme a beaucoup écrit. Si tous les Sénégalais se réunissent pour chanter les ‘’Khassaides’’, ils ne pourront pas le faire en une journée ou trois jours. Nous avons une minime quantité de la production littéraire de Cheikh Ahmadou Bamba. Donc, on ne prétend même pas chanter le centième de ses écrits. Ce qui est important, c’est qu’il y a des ‘’Khassaides’’ qui sont à notre disposition. Il y a certains qui étaient déjà chantés par les compagnons de Serigne Touba. Les autres ont été chantés par leurs successeurs. C’est le même rituel que nous suivons.
Est-ce qu’il existe des thèmes particuliers que vous choisissez dans vos programmes de déclamation de ‘’Khassaïdes’’ ?
Je dirais non ! Une panégyrie peut comporter cinq à dix thèmes différents. Vous pouvez rencontrer un recueil qui traite en même temps de la reconnaissance envers son Seigneur, le repenti, les louanges aux prophètes, les prières sur le prophète Mouhamed (Psl). Un ‘’Khassaïde’’ est une forme d’expression de ce que le Cheikh ressent envers le Seigneur et le Prophète Mouhamed (Psl). Ce qu’il faut comprendre par-là, c’est qu’il est difficile de trouver des écritures de Serigne Touba qui évoquent exclusivement un seul aspect. La prière sur le Prophète, la reconnaissance envers son Seigneur, les différents noms du Seigneur, les compagnons du Prophète, le repenti sont les points les plus fréquents. Donc, c’est tout un condensé que l’on retrouve dans les écritures de Cheikh Ahmadou Bamba. Mais il y a quand même des thèmes assez particuliers que l’on retrouve dans certains écrits du Cheikh.
Est-ce qu’il est difficile d’être membre du Dahira Hizbou Tarkhiya ?
Je reconnais qu’il y a beaucoup de gens qui disent cela. Mais ce n’est pas aussi difficile comme le pensent beaucoup de personnes. Sinon, moi, je n’aurais pas été un membre du ‘’dahira’’. Mais on sait aussi que le ‘’Siratal Moustakhime’’ (droit chemin, Ndlr) n’est pas facile à emprunter. Quand on veut accéder au Seigneur, on ne doit pas chercher la facilité. Le Prophète, ses compagnons et les hommes de Dieu n’ont jamais choisi la vie facile pour arriver là où ils sont. La facilité, ça tire vers le bas monde. Et l’homme doit combattre son âme pour obtenir l’agrément de son Seigneur. Donc, Hizbou Tarkhiya est un mouvement où l’on nous éduque à combattre notre passion profane. On nous initie également à abandonner ce bas monde et tout ce qui nous empêche de nous consacrer à notre Seigneur. Certains vont dire que c’est difficile. Mais les gens qui veulent avoir l’agrément de Dieu sauront que nous avons emprunté le chemin à suivre pour être parmi les élus du Seigneur. Ce n’est pas difficile d’être un membre du Dahira Hizbou Tarkhiya, parce que je veux avoir l’agrément d’Allah le Tout-Puissant. Et cela s’obtient à la fin d’un sacrifice. Ce sacrifice là a un prix, c'est-à-dire la félicité éternelle.
Quels sont les rapports entre Serigne Mountakha et votre mouvement ?
Nous entretenons des apports de fidèles à marabout. Nous le suivons comme nous l’avons fait avec Serigne Abdou Lahat, Serigne Abdou Khadre, Serigne Saliou, Serigne Bara Mbacké Fallilou et Serigne Sidy Moctar. Mais Serigne Mountakha est un marabout attaché aux ‘’Khassaïdes’’. C’est pourquoi il a toujours eu des relations très étroites avec le mouvement Hizbou Tarkhiya. Cela s’est développé à son accession au khalifat de Serigne Touba. Le ‘’dahira’’ lui a réservé des séances de déclamation de ‘’Khassaïdes’’ tout au long du mois de ramadan. Nous avons fait autant lors de son séjour à Diourbel, en septembre 2018.
Pensez-vous que le retour vers les enseignements du Cheikh Ahmadou Bamba peut être une solution pour sortir le Sénégal de la crise des valeurs ?
Effectivement. Et c’est ce que nous tentons de faire nuit et jour dans nos familles. C’est pourquoi nous avons créé nos propres écoles, des ‘’daara’’ modernes, des centres de formation et des espaces pour nos femmes. Nous leur délivrons quotidiennement des messages par rapport à ce que Cheikh Ahmadou Bamba a donné à l’humanité pour qu’elle soit sauvée. Donc, si on demande notre avis pour changer ce pays, nous allons dire à tout le monde d’adopter les enseignements de Serigne Touba pour sortir de cette crise que nous vivons actuellement. Nous savons que c’est la seule solution qui peut nous sauver.
Que vous inspirent les dérives notées sur les réseaux sociaux, ces derniers jours ?
Je considère ce phénomène comme une perte de temps. Un musulman sincère ne doit pas consacrer son temps à des futilités. Le Dahira Hizbou Tarkhiya combat quotidiennement les dérives sur Internet, en confiant à ses membres beaucoup de choses à faire. C’est pourquoi nous n’avons pas parfois de temps à perdre sur les réseaux sociaux. Nous avons tout un ensemble de choses à faire. Nous disons à nos enfants et à nos camarades que cette pratique n’est pas utile. Il faut, tous, qu’on se concentre sur ce que Cheikh Ahmadou Bamba a écrit.
Comment appréciez-vous la publication sur les réseaux de vidéos dénigrant la célébration du Magal ?
C’est simplement un manque d’éducation. Le Sénégal vit une crise et cela s’est reflété dans la société. Les réseaux sociaux sont des moyens de communication. Et les gens en profitent pour écrire ce qu’ils veulent. Nous combattrons ce phénomène nuit et jour. Les personnes qui font ces actes malsains sont sur la mauvaise voie. On ne peut pas se sauver en s’adonnant à de mauvaises pratiques. Cheikh Ahmadou Bamba a consenti beaucoup de sacrifices durant son exil. Les gens qui tentent de le caricaturer ne savent pas ce qu’ils font.
ASSANE MBAYE ET OUMAR BAYO BA (ENVOYES SPECIAUX A TOUBA)