Charretier ou ambulant ?
Racine Guissé, premier accusé à comparaître hier dans le cadre de cette 10e journée des Assises de Dakar, était inculpé du meurtre de ‘’son ami’’, le dénommé Ibrahima Bâ. En prison depuis le 18 août 2008, Racine Guissé est né en 1989 à Dakar et était donc âgé d’à peine 20 ans au moment des faits.
Costaud, élancé et de teint noir, c’est en boubou ‘’baxa’’ à manches courtes qu’il s’est présenté devant les juges pour répondre, à la barre, à leurs questions. S’exprimant d’une voix rauque et à peine audible, il a longtemps tergiversé dans sa version des faits et la raison de son arrestation très loin de Dakar (plus précisément à Darou Mouhty) alors qu’il a été mis au courant de la mort de la victime quelques trois jours après son altercation avec cette dernière…
Se présentant aux juges comme charretier, puis marchand ambulant, l’accusé a reconnu avoir été arrêté par le passé mais a nié avoir déjà été enfermé trois fois pour vol, insistant, au contraire, sur le fait que c’est à cause d’une consommation qu’il avait déjà deux fois été entendu mais jamais emprisonné.
Profil de l’accusé (2) : «Coupable désigné»
Boubacar Barry comparaissait, hier dans le cadre de la 2e affaire du jour (et 21e inscrite au rôle des présentes Assises de Dakar) pour répondre des chefs d’accusation pesant sur lui, à savoir l’association de malfaiteurs et le vol en réunion commis avec usage de violences, d’armes et de menaces, à bord d’un moyen de transport en commun.
Le plus étonnant est que bien que l’affaire suppose la mise en cause de plusieurs personnes, c’est définitivement seul que Boubacar Barry s’est présenté, ses supposés complices étant tous mis hors de cause par l’instruction.
Né en 1986, à Yeumbeul, l’accusé s’est présenté sous un jour différent de celui peint par les enquêteurs qui l’ont décrit comme un agresseur notoire mis à la porte de chez lui par son père. Or, lui se dit marchand ambulant, cueilli par les hommes en tenue alors qu’il se reposait, sur une natte, devant la porte de sa maison en compagnie de deux amis.
Mieux encore, l’accusé, qui a nié les faits de manière constante depuis son arrestation, a avoué aux juges avoir déjà fait 6 mois de prison ferme, accusé d’avoir volé un portable alors que lui parle d’un simple malentendu.
Petit, mince et de teint clair, ce jeune Haal Pulaar aurait-il été un coupable tout désigné pour les policiers ?
Profil des accusés (3) : Terroristes malgré eux
Comparaissant tous deux pour des crimes très graves (atteinte et complicité d’atteinte à la sûreté de l’État et faux et usage de faux en écritures privées), les deux derniers accusés à se présenter, hier, à la barre vont longtemps et amèrement regretter l’appât du gain qui les a mis dans un tel pétrin.
En effet, ce n’est vraiment que par pure bêtise, avidité ou malchance que Pape Mamadou Cissé et Salifou Saraba Yarabi, tous deux citoyens sénégalais, ont été mêlés à une affaire d’État ayant défrayé la chronique en 2008 et, ultimement, abouti à l’incendie d’une voiture de police, et à des menaces de mort contre des députés en exercice… Un comble pour deux hommes qui ne se connaissent même pas !
Salifou Yarabi est un petit homme malingre d’une quarantaine d’années, teint clair et apparence assez timide. Marchand basé à Colobane, il dit être devenu ambulant après un déguerpissement d'étals qui lui a valu de perdre sa place dans le marché. Spécialisé dans la friperie et, selon lui, dans la vente de chaussures, il dit être entré en contact avec le portable Nokia au cœur de toute l’affaire via une de ses anciens clients, qui le lui a vendu à prix sacrifié.
Célibataire et sans enfants, analphabète, Yarabi dit n’être affilié à aucun mouvement à vocation politique sous quelque forme que se soit.
Second accusé à s’expliquer devant les juges, Mamadou Cissé est un ancien agent commercial de l’opérateur de téléphonie mobile Tigo. Marié, l’accusé est né en 1981 à Dakar, où il vivait toujours, dans le quartier de Dieuppeul, au moment des faits. Grand, très noir et trapu, il s’est présenté vêtu d’un joli boubou en basin riche de couleur écrue devant les juges.
Ce qui le relie à cette affaire est que c’est lui qui aurait vendu la puce ayant servie à envoyer menaces et revendication d’incendie.
Pire encore, l’accusé a avoué avoir enregistré et activé ladite carte SIM avec de faux noms et numéro d’identification nationale, fait qui a rendu impossible, pour les forces de l’ordre, la capture des véritables criminels…
Tout cela, selon lui, pour ne pas perdre sa commission du jour et espérer, à la fin du mois, toucher un bonus de fin de mois : ‘’Si je savais que la personne à qui j’ai vendu cette puce ferait tout le mal qu’elle a fait, jamais je n’aurais effectué cette transaction’’, s’est à haute voix défendu le très loquace accusé…