La société civile démarre les consultations
Après avoir exprimé sa volonté de mener une médiation entre le pouvoir et l’opposition sur les questions sources de division profonde, la société civile veut passer à l’acte. Lors d’une conférence de presse ce week-end, elle a annoncé le démarrage d’une série de consultations dès aujourd’hui avec les acteurs concernés.
Le collectif des organisations de la société civile pour le dialogue social et politique au Sénégal s’est exprimé sur la situation nationale jugée préoccupante et porteuse de dangers. De manière solennelle, les organisations signataires d’un appel à la nation rendu public la semaine dernière ont proposé leur médiation entre le pouvoir et l’opposition. Joignant l’acte à la parole, cette entité va initier une série de consultations qui débute aujourd’hui (lundi) avec l’Initiative pour des élections démocratiques (IED), afin d’écouter les leaders de cette plateforme. L’annonce a été faite samedi lors d’une conférence de presse. La rencontre avec l’IED se tiendra au siège du mouvement Tekki dirigé par Mamadou Lamine Diallo.
Le conseiller juridique à la Raddho explique la démarche. ‘’Nous constatons tous qu’il y a des divergences profondes entre les acteurs politiques d’une part, et les acteurs étatiques et sociaux d’autre part’’, déclare Me Amadou Aly Kane. L’avocat pense qu’il n’y a pas de raison que cet appel ne soit pas entendu.
‘’Il est souhaitable que l’on soit entendu. Dans tous les pays où la société civile n’est pas entendue, c’est très souvent vers le chaos que l’on se dirige. Récemment, dans un pays africain où il y avait un fort tiraillement entre le pouvoir et l’opposition, c’est un acteur de la société civile sénégalaise qui s’est impliqué et a réussi à rapprocher les deux protagonistes. Ce que nous réussissons à l’étranger, pourquoi nous ne pourrons pas le réussir chez nous ? Pourquoi on nous écouterait mieux à l’extérieur que par nos leaders politiques et syndicaux ?’’ s’interroge la robe noire qui faisait allusion au rôle joué par Me Boucounta Diallo en Guinée pour la rencontre entre Alpha Condé et son principal opposant, Cellou Dalein Diallo.
A propos du bien-fondé de la démarche, M. Abdoul Maliky Bousso du Forum civil estime que la société civile est tout à fait dans son rôle d’alerte et de prévention de conflits. ‘’On ne laissera point les acteurs politiques et sociaux seuls autour des questions nationales. La société civile va s’investir en tant qu’acteur régulateur de l’espace public et renouer le fil du dialogue. Nos associations se sont donné les moyens de fédérer une action pour différer la confrontation prévisible. Il ne doit pas y avoir un 23 juin bis au Sénégal. Il y a une possibilité de sortir le pays de ces difficultés conjoncturelles, sans rééditer l’expérience de 2012’’, se montre-t-il optimiste. Et pour y arriver, signale-t-on, les notabilités, les identités remarquables et les autorités religieuses s’y mêleront pour mener à bien ce travail de médiation et de conciliation.
AFFAIRE BATHELEMY DIAS
En marge du point de presse du Collectif, Me Amadou Aly Kane, un des avocats de Barthélémy Dias, s’est prononcé sur le procès de son client. ‘’Pendant le procès, nous avons démontré qu’aucun des délits pour lesquels il est poursuivi n’était constitué. Si vous prenez le délit d’outrage à magistrats, la première condition, c’est que le ou les magistrats en question doivent être au courant de l’outrage. Or, dans le procès-verbal, aucun magistrat ne s’est plaint d’outrage. De même, lorsque vous prenez le délit sur le discrédit portant sur une décision de justice, l’une des conditions, c’est la publicité. Car il faut la publication des propos par un moyen de diffusion public. Et si cela avait été le cas, M. Dias ne devrait être que complice et l’auteur principal serait le responsable éditorial du média qui aurait publié ces propos. Or, tout le monde a constaté qu’il était seul au procès et que les médias n’ont pas relayé ses propos’’, a démonté l’avocat.
Sur la provocation directe, la robe noire pense qu’on ne peut pas interdire à Barthélémy Dias, en tant qu’homme politique, de parler à ses militants, de leur lancer un appel à la mobilisation. S’agissant de la peine de 2 ans d’emprisonnement requis par le procureur contre son client, Me Kane dit ne pas être surpris d’autant plus que le procureur n’est pas un magistrat ‘’indépendant’’. ‘’Ce sont eux qui ont lancé les poursuites. Une fois au tribunal, il faut qu’il justifie les poursuites engagées contre mon client. On ne s’attendait pas à ce que le procureur plaide pour sa libération.’’ A la question de savoir s’il s’agit d’un procès politique, l’avocat répond : ‘’J’ai plaidé en droit. D’autres ont surfé sur le contexte. On laisse à chacun son appréciation.’’
MAMADOU YAYA BALDE