L’Administration, le quatrième pilier
Les maux qui gangrènent l’Administration sénégalaise sont innombrables. Lenteurs, absentéisme et retard, absence de reddition des comptes. Tous ces obstacles freinent le développement. A l’occasion du forum de ce secteur qui a eu lieu ce week-end, le chef de l’Etat a appelé les agents à épouser de nouvelles valeurs. Il a fait de l’Administration, le quatrième pilier du socle des réformes majeures, après la révision de la Constitution, la réforme foncière et l'Acte III de la Décentralisation.
‘’On dit, avec raison d’ailleurs, que l’administration est le point cardinal de toutes les politiques de développement. Celui duquel partent toutes les dynamiques et celui vers lequel évidemment elles aboutissent.’’ Fort de cette conviction, le chef de l’Etat entend réformer l’administration sénégalaise. Macky Sall l’a dit, lors du forum de deux jours qui lui a été dédié ce week-end au Centre international de conférence Abdou Diouf de Diamniadio (Cicad). Même s’il reconnaît le travail et la bonne réputation aussi bien nationale qu’internationale de notre administration, le chef de l’Exécutif invite les fonctionnaires à changer de paradigme. Il veut un dialogue sur la base de la vérité et de la franchise, pour engager les ruptures idoines et vaincre les hésitations et les résistances.
‘’Nous ne devons plus faire les choses comme avant’’
‘’Au constat, notre Administration est, à bien des égards, obligée d’apporter les changements nécessaires aux fins d’actualiser son organisation, ses méthodes et ses procédures. C’est dire que, malgré les avancées significatives, nous ne devons plus faire les choses comme avant’’, souligne le Président Sall qui insiste sur la nécessité de conserver ce qui marche et d’avoir l’audace de changer ce qui ralentit la marche vers le progrès.
En présence des directeurs, des gouverneurs et autres hauts responsables (il les a reçus tour à tour), il a rappelé à l’assistance ce que doivent être les valeurs qui guident l’action quotidienne de l’État face aux citoyens. ‘’Les agents de l’Etat doivent adopter le culte du résultat et cultiver davantage, la probité, la loyauté, l’humilité, le respect et la courtoisie. L’Administration doit être au service des usagers par sa proximité, sa simplicité, sa disponibilité, sa célérité, la lisibilité et l’efficacité de son action’’.
Ce n’est pas tout, Macky Sall veut aussi que soient ‘’restaurées, renforcées et redynamisées les capacités stratégiques et opérationnelles de notre Administration. Il vous faut également engager la refondation des structures, des procédures et du management des ressources humaines de l’Administration’’. Autres points que le Président voudrait bien voir dans l’administration, c’est un nouvel état d’esprit réformateur dans l’exercice de la fonction publique, la déconcentration des responsabilités, la rénovation des relations avec le bien public. Le tout soutenu par le sens de l’Etat et du mérite, avec à la tête, l’esprit de compétitivité entre les Etats.
Les pistes de ruptures
Pour assurer l’effectivité de tout cela, le chef de l’Etat propose un certain nombre de pistes de réflexion. La rigueur, l’assiduité et la ponctualité au travail. L’appropriation des meilleures pratiques et des outils de la modernité telles que ‘’l’information adéquate des usagers ; la dématérialisation des procédures administratives ; la modernisation du système d’archivage et de conservation des données ; la généralisation des contrats d’objectifs et de performances ; et la mutualisation des ressources pour une action publique efficiente’’.
Mais tout cela ne sera pas possible sans certains préalables : l’engagement et la motivation qui passent par la mise en place de conditions de compétition et de performance. Mais également de rendre compte de la gestion des deniers publics. Intimement liée au PSE, cette modernisation de l’administration, d’après Macky Sall, est le quatrième pilier du socle des réformes majeures, après la révision de la Constitution, la réforme foncière et l'Acte III de la Décentralisation. Autant de réformes indispensables pour l’émergence et le bien-être des populations qui est la finalité de toute action de l’Etat.
RÉACTIONS, RÉACTIONS, RÉACTIONS... Mor Talla Kane (Cnes) ‘’Nous avons besoin d’une Administration qui sait lire le présent et anticiper l’avenir’’ ‘’Il faut se féliciter de la rencontre, c’est un message fort. Nous avons des fonctionnaires très qualifiés. Je crois qu’il est important que le secteur privé soit accompagné par l’Administration. Nous sommes dans le cadre d’une compétition internationale. Pour qu’une entreprise soit compétitive et gagne des parts de marché, elle a besoin d’avoir son Administration derrière. Derrière chaque produit chinois au Sénégal, il y a l’Administration chinoise qui donne les moyens de compétition. Un Etat qui gagne est un Etat qui peut compter sur l’ensemble de ses forces. Nous avons besoin d’une Administration qui sait lire le présent et anticiper l’avenir. Les paradigmes ont changé. On n’est plus dans les logiques d’il y a quelques années. Il faut voir très loin et savoir les forces en présence sur le plan international et pouvoir se positionner en tant qu’administration. Il faut se féliciter de ce qui existe et déplorer ce qui parfois pose problème. Il faut le dire, l’administration sénégalaise et le secteur privé ne s’entendent pas toujours. Ils ont des incompréhensions, il y a des malentendus, parce que si chacun reste dans ses positions figées, sans recherche de consensus et partage de vision, il y aura des problèmes. Ce sont des actions de cette nature qui permettent de gommer les différences et d’avoir la même lecture et de partager les mêmes orientations.’’ Cheikh Bakhoum, DG Adie ‘’La dématérialisation est importante pour l’accès à l’Administration’’ Nous allons sensibiliser toutes les administrations à injecter le maximum d’outils informatiques dans la gestion quotidienne de leurs procédures et la délivrance des actes. La dématérialisation est importante pour l’accès à l’Administration, notamment pour les citoyens qui résident dans des zones reculées. Mais le niveau d’absorption des outils dans les différentes administrations n’est pas le même. Certaines ont une capacité assez importante, mais d’autres devraient accélérer l’adoption de ces outils pour l’atteinte des objectifs. Nous allons débattre de toutes les thématiques, faire des propositions concrètes avec des plans d’actions prioritaires qui vont permettre dans un délai très court de pouvoir satisfaire le citoyen. Mbaye Diop, SG de l’Ena ‘’L’administration est une machine un peu trop lourde’’ ‘’Nous avons une administration dont la compétence des hommes et des femmes est reconnue, même au niveau international. Il y a cependant des manquements liés à la célérité. L’Administration est une machine un peu trop lourde. Il faut essayer d’être plus rapide, dans le cadre de l’exécution des services publics. C’est une question d’organisation et de conscience. Il y a aussi l’accueil qui souvent pose problème. Avec un peu de déontologie, on pourra surmonter ses difficultés. Il faut donc davantage moderniser, dématérialiser certaines procédures. Mais il faut surtout la formation. L’Etat a doté l’Ena de moyens assez importants pour jouer son rôle d’agent d’exécution pour la formation des hauts cadres de l’Administration. Il y a peut-être un problème de capacité d’accueil. Chaque année, l’Etat recrute des milliers de fonctionnaires et l’Ena ne forme que 200 environ parmi tous ceux qui sont recrutés. On pourrait donc travailler dans le sens d’augmenter les capacités d’accueil.’’ |
BABACAR WILLANE