Publié le 26 Apr 2022 - 12:52
SAINT-LOUIS - RAMADAN ET FÊTES :

Le congé forcé des batteurs de tam-tams et "bongoman" 

 

Les populations, promptes à faire la fête à la moindre occasion,  changent radicalement de vie et deviennent très pieuses, en période de ramadan.  Depuis quelques semaines,  toutes les manifestations folkloriques et mondaines sont ajournées. Un moment durement ressenti par les batteurs de tam-tams et "bongoman", qui voient leurs activités presque réduites à zéro.

 

En ce mois béni de ramadan, il est rare de rester une journée sans qu'on ne soit invité à une conférence  religieuse. Dans la capitale du Nord, depuis  quelques  semaines,  les causeries religieuses ont pris la place des ‘’sabar’’,  ‘’tan-beer’’ et autres activités festives. Une situation qui oblige les percussionnistes et autres animateurs de baptême et de mariage  à ranger leurs baguettes et leurs instruments dans un coin, le temps du jeûne.

Pourtant, c’est un grand manque à gagner pour ces derniers qui n’ont que souvent ces activités pour vivre.  Pour un  des tambours-majors de Saint-Louis, la ville de Ndar est réputée religieuse et les batteurs sont habitués à ces moments de disette. ’’Nous sommes aussi croyants que les autres. Donc, nous observons le ramadan et respectons les recommandations de Dieu. Mais il faut avouer que ce  sont des périodes très dures pour nous, griots. Car le batteur n’a que son instrument pour vivre et faire vivre sa famille. Si on reste des semaines sans aucune activité, cela peut créer des ennuis dans la famille. Heureusement, dans certaines familles de griots, nous avons des femmes courageuses qui nous suppléent de temps à autre’’, a expliqué Abdou Seck.

En ce moment de recueillement et de retour vers Allah  le Tout-Puissant, il est quasi impossible de voir une manifestation  de  tam-tams,  de mariage, de baptême ou de politique dans la commune. Les rares activités qui se tiennent durant le ramadan se font dans la sobriété, sans  grande ambiance. ‘’Pratiquement, nous n’avons aucun revenu, parce que les activités qui nous permettent d’avoir de l’argent ne se tiennent plus. Vraiment, c’est difficile de  joindre les deux bouts, en ce mois de ramadan’’, a-t-il ajouté. 

Mais comme on ne peut pas  rester les bras croisés pour faire face aux difficultés de la vie, certains batteurs de tam-tams et "bongoman"  de la ville tricentenaire ont mis en branle des moyens et astuces afin de s’en sortir. ‘’A défaut de manifestations folkloriques ou de meetings, je me suis  transformé en marchand ambulant pour les 30 jours de jeûne. Je n’ai pas beaucoup de moyens financiers pour l’achat de marchandises, mais avec le peu que j’ai, je parviens à faire de petits bénéfices que je gère avec ma petite famille’’, a soutenu Malick Mbaaye alias ‘’Milk’’  du groupe Bakh Yaye.

D’autres,  surtout les moins jeunes de cette catégorie sociale,  pour se tirer d’affaire,   se focalisent sur les bonnes volontés et autres personnalités politiques. ’’Depuis la nuit des temps, le griot a toujours des amis ‘nobles’ sur qui il peut toujours compter. Comme nos ‘géer’ et leaders politiques savent que le mois de ramadan est  notre congé forcé, à chaque fois que nous les sollicitons pour un ’soukeurou koor’, ils donnent sans compter. Mais cela démontre aussi que le Sénégal est un pays de solidarité. C’est pourquoi  nous ne cessons de prier pour les généreux donateurs‘’, a signalé Abdou Seck. 

Avant de rappeler que ces durs moments seront bientôt dépassés, puisque beaucoup de programmes sont annoncés pour la Korité.

Ainsi, le cours normal de la vie du batteur de tam-tam et des autres animateurs  reprendra sans trop de dommages.

Ibrahima Bocar SENE (Saint-Louis)

 

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