Bara Gaye reste en prison
Malgré l’opposition de ses avocats, Bara Gaye, le patron de l’Union des jeunesses travaillistes libérales (UJTL), a été renvoyé au 3 décembre prochain et maintenu en prison jusqu’à la date de son procès.
En prison depuis 6 mois 1 jour, pour les faits d’offense au chef de l’État et d’actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves et à enfreindre les lois du pays, Modou Bara Gaye devra encore patienter 15 jours pour espérer être jugé. Hier, son procès a été renvoyé d’office par le juge correctionnel, au 3 décembre prochain. ‘’Xamoon naako (Je le savais)’’, a lancé un vieil homme, à cet énoncé, pour traduire sa déception.
Un sentiment partagé par les conseils du secrétaire général de l’Union des jeunesses travaillistes libérales (UJTL), foncièrement contre le renvoi. ‘’Il n'y a rien à renvoyer’’, a asséné Me El Amadou Sall. Pour l’avocat libéral, rien ne peut justifier ce renvoi. ‘’Pendant six mois, il n’y a rien eu dans ce dossier, en dehors du PV (Procès-verbal) de police’’, a-t-il justifié. Et d’ajouter avec hargne : ‘’Qu’est-ce qu’il faisait tout ce temps-là en prison ? Il n’a été entendu qu’une seule fois. C’est un dossier en l’état et il a assez croupi en prison pour des broutilles. Il n’est là que pour des raisons politiques. Létt léén ko mbaa ngeen firiko (édifiez-le sur son sort)’’, a conclu Me Sall.
Le juge Moustapha Bâ a tenté de le raisonner, en lui expliquant les raisons de sa décision. ‘’Il n’y a aucune demande de renvoi. C’est le tribunal qui a décidé d’office de renvoyer le dossier pour mieux l’instruire’’, a expliqué le juge, avant de camper sur sa position. Ce qui a poussé les conseils du jeune responsable libéral à solliciter la mise en liberté provisoire de leur client. Sans prendre de gants, Me Sall est revenu à la charge pour soutenir que ‘’c’est à cause des subterfuges du parquet que Bara Gaye est en prison’’. Selon lui, ‘’en dehors de la volonté du parquet, rien ne le retient en prison’’. Il a ensuite exigé la libération de Bara Gaye, jusqu’au jour de son procès.
Ses confrères Me Mouhamadou Moustapha Dieng et Adama Fall se sont montrés plus tempérés, en sollicitant une demande de liberté provisoire. ‘’Vous avez dans votre imperium décidé de renvoyer ce dossier, mais nous estimons qu’il ne doit pas rester un jour de plus en prison’’, a soutenu Me Dieng. Selon lui, ‘’on a surchargé le dossier, en y ajoutant l’article 80 pour le maintenir en prison’’. Me Dieng de conclure : ‘’Nous comptons sur votre sagesse. Nous avons soif de justice et nous avons hâte d’être jugés’’.
Embouchant la même trompette, Me Fall s'est interrogé : ‘’Est-ce que les conditions qui avaient guidé le juge d’instruction à placer sous mandat de dépôt Bara Gaye existent toujours ? Est-ce qu’il y a trouble à l’ordre public, collision entre les témoins ?’’. À ces questions, le représentant du parquet, le substitut Saliou Dicko, a répondu : ‘’S’il n’y avait pas de risque de trouble à l’ordre public, il n’y aurait pas un déploiement des forces de l’ordre’’. Le parquetier a ensuite ajouté : ‘’Lorsqu’il a été convoqué à La DIC, il n’a pas daigné répondre, mais il a été cueilli.’’
Me El Hadj Amadou Sall rappelé à l'ordre
Fort de ces arguments, il s’est opposé à la mise en liberté provisoire de Bara Gaye. La réplique de Me El Hadj Amadou Sall ne s’est pas fait attendre. Sa colère est montée d’un ton. Dans ses observations, le magistrat a laissé entendre : ‘’Tant que le parquet n’est pas dans les dispositions pour transmettre le dossier au juge d’instruction, il ne le fait pas’’. ‘’Donc vous dites : j’ai le pouvoir de m’asseoir sur un dossier, je m’y assois. Vous ne devez pas user de votre pouvoir’’, a répondu Me Sall que le président a finalement tenté de ramener à l’ordre.
Mais c’était sans compter avec un Me Sall furieux. ‘’Je n’ai invectivé personne. Je n’accepte pas qu’on m’accuse de ce dont je n’ai pas fait. Je parle avec respect et j’exerce mes droits’’, a-t-il déclaré à l’endroit du juge qui lui a fait remarquer qu’il a le droit de défendre ses arguments, mais sans créer un incident d’audience. Ces remarques faites, le juge a rejeté la demande de liberté provisoire, en confirmant la date du renvoi.
Soutiens politiques Si les lutteurs s’étaient déplacés en masse hier, pour soutenir le promoteur Luc Nicolaï, les libéraux aussi n’étaient pas en reste pour assister Bara Gaye. Le coordonnateur du Parti démocratique sénégalais (PDS) Oumar Sarr, de même que la députée Fatou Thiam et son collègue de Rewmi Thierno Bocoum, étaient présents ainsi que Modou Diagne Fada. Ce dernier s’est dit déçu du renvoi du procès du secrétaire général de l’UJTL. ‘’J’étais venu dans l’espoir de l’accompagner jusqu’à son domicile mais le procureur en a décidé autrement et c’est regrettable’’, a fulminé le président du groupe parlementaire démocrate et libéral. Et de poursuivre : ‘’C’est surprenant. Tout le monde croyait qu’il allait être relaxé aujourd’hui.’’ Troquant son manteau de député contre celui d’avocat, Modou Diagne Fada d’asséner : ‘’Bara Gaye est un détenu d’opinion. Il n’a pas sa place en prison car il n’a offensé personne.’’ |
FATOU SY