La plaidoirie du ministre Ismaïla Madior Fall
Le ministre de la Justice est sorti de son mutisme pour se prononcer sur l’actualité judiciaire. Le professeur Ismaïla Madior Fall a apporté des éclairages sur la grève du Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust), la démission d’Ibrahima Hamidou Dème de la magistrature, le verdict du procès de Khalifa Sall et certains dossiers pendants devant la justice.
Depuis le 20 mars dernier, le fonctionnement du service public de la justice est perturbé par des grèves répétitives. Le Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust) a décrété, à trois reprises, des grèves de plusieurs jours fortement ressenties par les justiciables. Selon le ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall, ces grèves seront bientôt un mauvais souvenir, car le président de la République a reçu les syndicalistes. A l’en croire, le président Sall a fait savoir à ces derniers que leurs revendications vont faire l’objet d’une évaluation par les services du ministère des Finances pour une mesure exacte de l’incidence financière. Dans la même veine, le Garde des Sceaux, qui s’exprimait à l’émission ‘’ Grand jury’’ de la Rfm, a indiqué que l’ouverture du concours d’entrée au Centre de formation judiciaire (Cfj) dépend du Premier ministre, qui doit réagir dans les prochains jours pour donner l’autorisation.
Démission Dème
Le professeur Ismaïla Madior Fall s’est aussi prononcé sur la démission de la magistrature du substitut général Ibrahima Hamidou Dème. ‘’Quand quelqu’un démissionne de façon fracassante et entre en politique, il y a suspicion sur la motivation’’, réagit-il. Et de poursuivre : ‘’Quand j’ai lu la lettre, j’ai remarqué que c’est une façon spectaculaire de se révéler en politique. C’était peut-être pour gagner de la sympathie.’’
Sur sa lancée, le ministre a fait part de sa désolation, après lecture de la lettre. ‘’Lorsque j’ai reçu la lettre, je me suis empressé de la lire, parce que c’est un juge qui démissionne. Et s’il parle de malaise, je me suis dit moi, en tant que ministre de la Justice, je dois m’intéresser au contenu. Mais je n’ai rien vu’’, se désole-t-il.
Khalifa Sall : ‘’Le bénéfice du doute doit être accordé aux juges’’
Interpellé sur le délibéré de Khalifa Sall condamné à 5 ans de prison ferme assortie d’une amende de 5 millions, le Garde des Sceaux réprouve les vives réactions dont la décision a fait objet. Il estime que le bénéfice du doute doit être accordé aux juges ayant rendu la décision. ‘’Le procureur avait retenu l’association de malfaiteurs, le détournement de deniers publics, le blanchiment, mais ces infractions ont été écartées par le juge qui n’a retenu que le faux et l’escroquerie portant sur des deniers publics. Il a même écarté certaines demandes du parquet’’, argue-t-il. Avant d’ajouter : ‘’Au lieu de faire des proclamations idéologiques, un intellectuel doit d’abord lire la décision.’’ Autrement dit, pour le ministre, la décision se justifie en droit.
Le président ne protège personne
Au-delà de l’affaire Khalifa Sall, le Garde des Sceaux s’est prononcé sur les dossiers pendants devant la justice, depuis des années, dans le cadre de la reddition des comptes lancée par l’actuel régime, à son accession au pouvoir. Il réfute les lenteurs souvent évoquées par certains qui dénoncent également l’absence d’impartialité dans le traitement de certains dossiers.
‘’Le temps de la justice n’est pas celui des politiques, des citoyens. Il lui arrive parfois d’être long, parfois lent’’, souligne le Pr. Ismaïla Madior Fall, tout en indiquant que le chef de l’Etat ne promeut pas l’impunité, car il ne protège personne. ‘’En me nommant, il m’a dit : ‘Je vous confie deux missions : je ne protège personne et je veux une modernisation de la justice’, renseigne-t-il. Il ajoute que c’est fort de cette directive qu’il ne donnera pas d’ordre de poursuite ou de non poursuite. Encore que, dit-il, ‘’il est impossible qu’il y ait une protection, car la justice, dès qu’elle est déclenchée, personne ne peut être protégée’’.
Contrairement aux accusations formulées souvent par l’opposition, il soutient que ‘’la justice déroule son calendrier’’. Pour preuve, il a cité plusieurs gros dossiers en instruction depuis fort longuement. ‘’Les affaires Cosec, Artp, Port autonome de Dakar, Sudatel sont communiquées au parquet pour un règlement définitif’’, informe le ministre de la Justice.
FATOU SY