Nadal, le maître du temps
Et de sept. Rafael Nadal, vainqueur lundi de Novak Djokovic lors d'une finale disputée sur deux jours en raison de la pluie (6-4, 6-3, 2-6, 7-5), est désormais seul recordman de victoires à Roland-Garros. Titré à Paris depuis 2005, avec une seule parenthèse en 2009, l'Espagnol, malgré une alerte dimanche avant l'interruption, a pris la mesure du n°1 mondial qui, pour sa part, rate le Grand Chelem à cheval sur deux ans.
C'est l'histoire folle d'un match pour l'histoire. Novak Djokovic et Rafael Nadal, déjà acteurs d'un thriller de 5h53 à Melbourne en janvier dernier, ont encore offert une rencontre au scénario invraisemblable, étalée sur deux jours, avec la pluie comme personnage à part entière. Et c'est Nadal qui a signé cette nouvelle page. A 26 ans, l'Espagnol a remporté ce lundi son septième titre àRoland-Garros pour devenir le seul recordman de victoires à Paris, une longueur désormais devant Björn Borg. Son adversaire en finale, Djokovic, aurait pu lui aussi écrire l'une des plus belles pages du tennis, à savoir gagner les quatre titres du Grand Chelem d'affilée, une performance inédite depuis que les tournois majeurs se jouent sur quatre surfaces différentes. Mais il a buté sur l'ultime marche en perdant cette finale si particulière, gorgée d'eau dimanche et étalée sur deux jours (6-4, 6-3, 2-6, 7-5).
Dimanche soir, peu avant 19 heures, la direction du tournoi avait renvoyé les deux joueurs aux vestiaires et programmé la suite du match à partir de 13 heures lundi. Au moment de l'interruption, Nadal menait deux sets à un, mais Djokovic avait clairement renversé la dynamique pour devenir le patron du court. Le match semblait alors filer entre les doigts du Majorquin, dont le lift dévastateur avait perdu de son efficacité en raison des balles détrempées par une pluie incessante. Mais 18 heures plus tard, c'est un nouveau match qui attendait les deux joueurs. Sans marge de manoeuvre pour le Serbe, obligé de remporter les deux derniers sets pour soulever la Coupe des Mousquetaires pour la première fois de sa carrière. Si la nuit porte conseil, elle a été plus bénéfique à Nadal qu'à Djokovic.
Battu par le n°1 mondial en finale à Wimbledon et à l'US Open 2011, puis à l'Open d\'Australie en début de saison, Nadal a enfin trouvé la clé pour gagner. Il avait eu le temps de déchiffrer le problème lors des 5h53 de leur match à Melbourne, et c'est d'ailleurs là-bas, malgré la défaite, que l'Espagnol estime avoir pris l'ascendant psychologique sur le Serbe. Ce revirement s'était ensuite matérialisé à Monte-Carlo et à Rome. La finale de Roland-Garros en est la dernière expression, même si l'équilibre des forces reste encore incertain au regard de cette finale décousue. La pression qui pesait sur les épaules de Djokovic, celle de l'histoire, était un adversaire de trop pour le n°1 mondial, plus tendu et colérique que d'habitude, surtout dimanche. Son attitude, entre agacement, détermination mais aussi résignation, l'a dévié de son fil conducteur et l'a précipité vers la défaite.
Une double faute sur la balle de match
Perdre les deux premiers sets contre Nadal, c'en est presque rédhibitoire. D'abord parce que le n°2 mondial a gagné 98% de ses matches sur terre battue après avoir gagné la première manche, et il n'a perdu qu'une rencontre dans sa carrière après avoir mené deux sets à zéro. C'était contre Roger Federer en finale à Miami en 2005. Nadal n'avait que 18 ans. L'abnégation de Djokovic, celle qui l'a suivi depuis le début de la quinzaine à l'image de ses matches contreAndreas Seppi (victoire après avoir été mené deux manches à rien) et Jo-Wilfried Tsonga (quatre balles de match sauvées), lui avait forgé un mental à toute épreuve, dont le mot renoncement est banni du vocabulaire. Mais il est parti de trop loin pour réussir ce véritable exploit.
L'occasion qu'il vient de laisser passer pourrait bien ne pas se représenter de sitôt. Roger Federer l'avait manquée à deux reprises, en 2006 et 2007, tombant à chaque fois contre Nadal en finale à Paris. L'histoire s'est donc répétée. Mais l'épilogue a mis du temps à se dessiner. Cette pluie, qui a collé la terre aux chaussures des deux joueurs, a rendu tout le monde fou: Nadal, Djokovic, les organisateurs, les spectateurs. Et elle a encore fait des siennes lundi, avec une brève averse à 5-4 dans le quatrième set, avant que le soleil n'inonde le court Philippe-Chatrier. A n'y rien comprendre... Dos au mur à ce moment de la partie, le Serbe a réussi à recoller à cinq jeux partout, mais a craqué deux jeux plus tard. Et ce match, pas banal et qui restera dans les annales, s'est achevé sur une vilaine double faute du n°1 mondial. Nadal est au septième ciel, Djokovic six pieds sous terre.