Pascal Nouma au Besiktas : Amour, gloire et condés
Cet été pendant le mercato, So Foot revient chaque jour de la semaine sur un transfert ayant marqué son époque à sa manière. Pour ce 52e épisode, honneur à un personnage hors du commun, Pascal Nouma. En 2000, après deux saisons chez les Sang et Or, l'attaquant de 28 ans quitte Lens pour le Beşiktaş. Le transfert fait grand bruit, mais ce n'est rien à côté de ce qui attend le joueur en Turquie entre coups de génie et nuits de folie.
À l'été 2000, Pascal Nouma vient d'achever sa deuxième saison au Racing Club de Lens. Meilleur buteur du club avec huit pions en championnat et six en Coupe UEFA, l'attaquant séquano-dionysien profite de ses vacances à Saint-Tropez. « Et là, coup de téléphone : "Pascal, faut que tu viennes. Un club européen te veut." Je pense à l’Espagne, l’Angleterre et ils me font : "Le Beşiktaş Istanbul." "Quoi ? Je n’y vais pas. Laissez-moi tranquille." Franchement, quand on m’a dit Turquie, le premier truc auquel j’ai pensé, c’est à Midnight Express. J’ai flippé ma race » , lâchait-il dans So Foot en 2015. Formé au Paris Saint-Germain, et passé par Lille, Caen et Strasbourg, Nouma n’a encore jamais joué à l’étranger. « Pour moi, c’était Bagdad. Finalement, je l’ai fait pour Lens. Ils m’avaient beaucoup apporté, c’était une bonne opération financière pour eux (l'équivalent de 4 millions d'euros, NDLR). Je suis parti et j’ai tout niqué. »
« Je m’asseyais, j’écoutais ma musique, toujours la même : les Destiny’s Child. Elles me mettaient loin. Comme si je sortais de mon corps et que je me regardais, de côté. »Pascal Nouma
Le tank, la chocotte et les Destiny’s Child
Nouma plante dès son premier match, lors d'un tour préliminaire de Ligue des champions contre le Levski Sofia. Et la théorie du ketchup se vérifie. Après douze matchs, le numéro 21 a déjà marqué à dix reprises. Parmi les défenses à être passées à la casserole, celles de Fenerbahçe et du FC Barcelone, toutes les deux scotchées 3-0 au stade İnönü. « Le déclic, ça a été la peur, nous expliquait-il. Tu vas voir un club de D3 en Turquie, ils sont 1000, t’as l’impression qu’ils sont 160 000. Et tu vois les têtes qu’ils ont les mecs... Si tu te loupes, eux, ils ne vont pas te louper ! [...] Ma vie, c’était entraînement-maison maison-entraînement. Je bossais comme un fou. Je demandais aux gardiens de rester après chaque séance, ils n'en pouvaient plus : "Putain tu fais chier." Je leur disais : "Je suis obligé." J’étais réglé comme Terminator. »
Associé à Ahmet Dursun en attaque, le numéro 21 agrandit son tableau de chasse semaine après semaine. Galatasaray tombe aussi dans l'escarcelle lors d'un derby remporté 3-1 par le Beşiktaş, au cours duquel Nouma ouvre le score. Les chiffres ne mentent pas : 18 buts en 24 matchs de championnat, 22 pions en 33 apparitions sur l'ensemble des compétitions. La meilleure saison de sa carrière. « Je m’asseyais, j’écoutais ma musique, toujours la même : les Destiny’s Child. Elles me mettaient loin. Comme si je sortais de mon corps et que je me regardais, de côté. [...] Les mecs allaient voir la pelouse, des potes à eux, moi je ne m’approchais de personne. Les gens venaient, je leur disais : "Tu me parles pas." C’était des ennemis. "Vous me payez pour mettre des buts, je dois marquer. Il peut y avoir un tank devant moi, je le tue le tank." Je commençais le match, impitoyable. Je marchais sur l’eau. » Une saison à fond, mais freinée par ses suspensions.
Le proc', le froc et la provoc
La recrue cartonne, dans tous les sens du terme. En Ligue des champions, le défenseur de Leeds Danny Mills se prend une gifle qui coûtera quatre matchs à Nouma. En sortie de boîte de nuit, il s’enquille les paparazzis. « Je lui enfonce son appareil dans la tête. Un deuxième paparazzi qui vient, un troisième, un quatrième. Je me retrouve à quatre contre un, ça s’est mal passé. La police est arrivée. Ils m’ont menotté. J’ai terminé la nuit au poste. Dans la cellule, on est deux pour un banc. Je vais pour m’asseoir, et le mec s’allonge. Moi, je venais d’arriver, je ne parlais pas très bien le turc, le mec s’est levé, je l’ai enchaîné. Je n’allais pas m’asseoir par terre. La loi de la jungle. » Même derrière les barreaux, Nouma ne passe pas inaperçu, les policiers lui demandant un petit souvenir. « Les condés qui prennent des photos avec moi ! Ils m’ont demandé ce que je voulais : "Une bière et une pizza." Et ils me l’ont livrée. »
« J’arrive à l’aéroport d’Istanbul, 45 000 personnes qui m’attendent. L’aéroport, ils l’ont saccagé. »Pascal Nouma
Le procureur lui propose même un marché : « Je suis du Beşiktaş. T’as un match ce week-end, si tu marques, c’est fini. Si tu ne marques pas, tu retournes en préventive. » Évidemment, Nouma marque et, une fois le match terminé, adresse « des bras d’honneur à tous les flics, comme jamais » . Le bonhomme est au centre de toutes les attentions sur les rives du Bosphore, qu'il quitte pour Marseille le 6 septembre 2001, avant de revenir au bout de onze mois, malgré son cancer. « J’arrive à l’aéroport d’Istanbul, 45 000 personnes qui m’attendent. L’aéroport, ils l’ont saccagé. La police de partout. Un truc de fou. » Il participe à la reconquête du titre, qui échappait au BJK depuis 1995. Une contribution plus modeste (19 matchs de championnat, 4 buts) que lors de son premier passage au club, mais ni sa baisse de rendement, ni ses sept mois de suspension (dus à sa célébration « main dans le slibard » ) n’entacheront sa réputation.
Nouma a son émission de radio, « (sa) gueule dans tous les magasins Hummel en Turquie » , tourne au cinéma, notamment dans Turkish Star Wars, et fait de la télé. The Voice, mais pas que. « J’ai fait une téléréalité de foot : un tournoi pour anciennes stars. J’ai terminé deuxième. J’ai fait Danse avec les stars. J’ai fait finaliste. Et Survivor, donc, deux fois. Celui-là, c’était un All Stars : les meilleurs des dix dernières éditions. Il y avait des gens connus ici, mais pas autant que moi. » Vous doutez encore ? « Marcher dans les rues, je ne peux pas trop, assure l'intéressé. J’avais dit à un journaliste français que j’étais Zidane ici, il avait rigolé. Un pote à lui est venu et a vu que j’avais raison. »