13 accusés dont imam Ndao acquittés, Makhtar Diokhané et ses compagnons de Boko Haram condamnés
La Chambre criminelle à formation spéciale du tribunal de grande instance de Dakar a vidé, hier, l’affaire imam Alioune Ndao. Dans son verdict, le juge Samba Kane a acquitté le religieux et 13 autres accusés. En revanche, Makhtar Diokhané a écopé de 20 ans de travaux forcés, tandis que ses compagnons de Boko Haram sont condamnés entre 5, 10 et 15 ans de travaux pour acte de terrorisme par association de malfaiteurs.
Fin de calvaire pour imam Alioune Ndao. Après 2 ans et près de 8 mois de détention préventive, l’imam de Kaolack a recouvré la liberté. Il a été jugé avec 28 autres personnes pour les crimes d’association de malfaiteurs en relation avec des réseaux terroristes, acte de terrorisme, financement du terrorisme, apologie du terrorisme et blanchiment de capitaux. Toutes ces accusations sont tombées comme un château de cartes, puisqu’il a été acquitté de tous les chefs de prévention liés au terrorisme. Imam est condamné seulement à 1 mois assorti du sursis, pour détention d’arme de deuxième catégorie sans autorisation administrative. Quinze autres de ses coaccusés ont été blanchis et l’un d’eux, notamment Ibrahima Ndiaye, a bénéficié d’une libération d’office.
Le juge Samba Kane et ses assesseurs ont annulé la procédure initiée contre lui, car le procès-verbal de première comparution, en date du 16 juin 2016, a été déclaré nul, parce que l’accusé a été auditionné par le doyen des juges sans l’assistance d’un avocat. D’ailleurs, c’est la seule exception de nullité qui a été retenue par les juges. Les autres dont l’une portant sur l’illégalité des poursuites ont été jugées comme mal fondées. C’est le cas de la demande d’expertise psychiatrique formulée par le conseil d’Abou Akim Mbacké Bao. Les autres accusés acquittés sont Marème Sow, Alioune Badara Sall, Daouda Dieng (le seul qui comparaissait libre) Boubacar Décol Ndiye, Oumar Keïta, Mor Mbaye Dème, Mamadou Moustapha Mbaye, Alfa Diallo, Pape Kibily Coulibaly, El Hadj Mamadou Bâ dit ‘’Mama’’, Moustapha Diatta, Ibrahima Hann, Coumba Niang et Amy Sall. Ces deux dernières sont des épouses de Makhtar Diokhané alias ‘’Abu Anwar’’ qui a écopé de la plus lourde peine.
Désigné comme le cerveau de l’affaire et présenté comme le responsable de l’enseignement de Boko Haram, il a pris 20 ans de travaux pour le crime d’acte de terrorisme par association de malfaiteurs. Makhtar Diokhané a été acquitté des autres préventions. Idem pour ses coaccusés ayant séjourné au fief de Boko Haram. Deux d’entre eux, Ibrahima Diallo alias ‘’Abu Omar’’ et Mouhamed Ndiaye alias ‘’Abu Youssouf’’ sont condamnés à 15 ans. La même peine est infligée à Abou Akim Bao qui a combattu au nord Mali avec les rebelles d’Aqmi. Les accusés Oumar Yaffa, Abdoul Aziz Dia, Lamine Coulibaly, Abou Diallo, Cheikh Ibrahim Ba et Ibrahima Mballo ont écopé de 10 ans de travaux forcés. Mouhamadou Lamine Mballo, Latyr Niang alias ‘’Abu Moussa’’ et Saliou Ndiaye se retrouvent avec une peine de 5 ans de travaux forcés.
Par ailleurs, la chambre criminelle a ordonné la confiscation au profit du Trésor de la somme de 14 500 euros saisie chez Coumba Niang et les 14 000 euros consignés par l’imam Aliou Ndao au cours du procès. Les juges ont aussi ordonné la restitution de tous les biens des personnes acquittées.
ME MOUSSA SARR (IMAM NDAO) ‘’C’est un dossier curieux’’ ‘’C’est un dossier où il n’y a pas de fait. Lorsque vous poursuivez quelqu’un devant une juridiction, il faut des faits précis. Mais vous avez constaté que, depuis le début, il n’y a eu que des suppositions. Il n’y a eu que des allégations. On a essayé de sonder l’intention de l’imam Ndao, et l’intention n’est pas un délit. Ce qui est un délit, c’est d’avoir des convictions et de violer la loi pour faire valoir sa conviction. L’imam n’a jamais fait cela. L’imam est un homme modèle, un homme ouvert, qui ne croit qu’au savoir. Après plusieurs années de combat, aujourd’hui, le bon Dieu nous a permis d’avoir gain de cause. Nous avions toujours dit que l’imam n’a rien fait. C’est un dossier curieux. En droit, c’était attendu qu’il soit libéré. Dès l’instruction, on devait prendre une ordonnance de non-lieu. Il a fait près de 3 ans de prison, mais il met tout sur le compte de la volonté divine. Il n’a aucune rancune vis-à-vis de qui que ce soit. Aujourd’hui, nous allons faire le bilan de santé de l’imam Ndao pour voir s’il est en bonne santé pour continuer son travail au service de l’islam et des Sénégalais. Au besoin, nous l’enverrons en France ou aux Etats-Unis pour faire un bilan complet pour sa santé. L’imam Ndao est un bouclier contre le terrorisme. Et l’Etat doit envoyer l’imam partout dans le monde pour qu’il explique au monde entier que l’islam n’est pas une religion de violence.’’ ME ASSANE DIOMA NDIAYE ‘’La justice a répondu à nos différents appels’’ ‘’Je crois que la justice a répondu à nos différents appels. Lors de nos plaidoiries, nous avions demandé que cette affaire soit jugée dans la plus grande sérénité et que si des faits matériels étaient versés dans le débat, que la justice en tire toutes les conséquences. Par contre, si le parquet était dans l’incapacité d’apporter ou d’étayer la preuve de la culpabilité, que la chambre criminelle en tire toutes les conséquences. Nous avions également dit que même par rapport à ceux à qui on pourrait reprocher un certain nombre d’actes, il fallait aller vers la proportionnalité, parce qu’on ne peut pas condamner des personnes à des peines qui seraient déraisonnables. Aujourd’hui, la justice a fait un travail remarquable, en s’appuyant et en s’adossant aux éléments du dossier. Et dans ces éléments, il ne ressort aucun élément matériel qui pouvait permettre d’entrer en voie de condamnation de l’imam Ndao et les autres qui étaient arrêtés en Mauritanie sur la base de simples supputations. Je pense que la décision est satisfaisante, malgré quelques condamnations.’’ KARIM XRUM XAK DE NITTU DEUG ‘’Le combat continue pour les autres innocents’’ ‘’Nous avons compris, depuis le début, que l’imam est innocent. Notre souci, c’est Makhtar Diokhané. Quelles sont les preuves qui ont abouti à sa condamnation ? Pour l’imam, les trois années qu’il a passées en prison, il faut qu’il en soit dédommagé par un financement et, au passage, qu’on finance tous les ‘daara’ du Sénégal à l’image des écoles françaises. C’est cela notre combat. Le combat continue aussi pour les autres personnes innocentes détenues depuis des années pour terrorisme. C’est le cas de l’imam Dianko, arrêté bien avant imam Ndao, mais qui, jusqu’à présent, n’est pas jugé.’’ FATIMA KEITA (SŒUR D’OUMAR KEÏTA ACQUITTÉ) ‘’Nous avons vécu mal son incarcération’’ ‘’Nous rendons grâce à Dieu. Cette décision renforce davantage la confiance qu’on avait envers notre justice. C’est dommage que certains restent en prison, mais nous avions confiance en Oumar. Toute la famille était sûre de son innocence, mais nous avons vécu mal son incarcération, car il faisait l’objet de plusieurs privations en prison.’’ DJIBRIL SABALY (DISCIPLE IMAM NDAO) ‘’C’est à cette décision que nous nous attendions, puisque nous avions toujours eu confiance en la justice. Des preuves ont beau été cherchées, rien n’a été trouvé. Nous sommes contents et fiers de notre justice. C’est dommage qu’imam ait passé des années en prison, mais il va pardonner. Nous comprenons que la justice était aveuglée dans son objectif de sécuriser la population, mais la vérité a fini par éclater.’’ ME ETIENNE DIONE (SALIOU NDIAYE CONDAMNE A 5 ANS) ‘’Je vais faire appel’’ ‘’J’aurais pu obtenir l’acquittement ; malheureusement, mon client a été condamné à 5 ans de travaux forcés. J’estime que les faits pour lesquels il est poursuivi ne sont pas établis. Il n’a pas commis d’actes de terrorisme. Il a certes été acquitté de tous les autres chefs d’accusation, mais j’estime qu’il a payé de sa proximité avec imam. Je crois que c’est une manière aussi de décourager toutes les personnes qui seraient tentées d’aller dans ces pays où on dit qu’il y a le terrorisme. Je ne suis pas totalement satisfait, mais je vais faire appel pour qu’il soit lavé plus blanc que neige, parce que j’estime qu’il a parlé de ses convictions religieuses sans pour autant poser des actes de terrorisme qui puissent lui valoir une condamnation de 5 ans. C’est pour moi aussi le lieu de féliciter les juges qui ont bien tenu cette audience. Je félicite le président Samba Kane et tous les assesseurs, en parfaite collaboration avec les avocats qui ont bien fait le travail. A travers ce procès, on a vu que le barreau regorge de talents, des avocats pétris de qualités à qui on doit, en partie, les acquis obtenus.’’ |
FATOU SY