Fortunes diverses pour les employés cleptomanes
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Pour la dernière journée de la première session 2014, la Cour d’assises de Dakar s’est penchée hier sur une affaire de vol commis courant 2009 au préjudice de la SOCOCIM. Après délibéré, trois accusés ont été acquittés, trois autres condamnés à 5 ans ferme. Tandis qu’un receleur a écopé du sursis et d’une amende ferme.
Renvoyés une première fois à cause d’une panne d’essence, les quatre ex-employés de la société Feramus Industrie Montage Sénégal (FIMS) et leurs trois présumés receleurs ont failli ne pas être jugés, hier. Car, les conseils de l’un des accusés, notamment Yérim Mbodj, ont soulevé une exception de nullité.
Mes Pape Sény Mbodj et Ibrahima Mbengue ont argué que leur client n’a pas été assisté par un avocat, lors de l’audience de première comparution. L’avocat général Madiaw Diaw a répliqué en soutenant que l’accusé a été bel et bien assisté. La Cour a déclaré l’exception irrecevable, en stipulant que la procédure est une et indivisible.
À la barre, les quatre travailleurs de FIMS, entreprise chargée du montage du four n°5 de la Société de commercialisation du ciment (SOCOCIM), ont nié avoir subtilisé le plus petit matériel de leur employeur. Car, selon le plaignant, les accusés ont volé, courant 2009, des postes à souder, des meuleuses électriques, des câbles, des lunettes topographiques et des boîtes de commande de pont-roulant.
Les trois receleurs, Didier Ndecky, Moustapha Sylla et Cheikh Diokhané ont clamé leur innocence. Le dernier nommé, trouvé avec un sac de matériel, a dit qu’il en ignorait le contenu. ‘’Ndiack me l’avait confié et il m’avait dit qu’il allait le récupérer, après son service. Je l’ai gardé, car je n’avais aucun soupçon envers lui, vu que nous avons grandi ensemble’’, a soutenu le ferrailleur Cheikh Diokhané, tout en confiant que son co-accusé lui a une fois vendu du cuivre, en 2006.
‘’Il n’y avait ni fer, ni bronze, ni tournevis, mais les affaires personnelles de Yérim (baffles et divers objets)’’, a précisé Ndiack Sèye. Selon ses explications, son collègue Yérim Mbodj, victime d’un cambriolage dans le passé, lui avait confié le sac, car il partait à Louga. Mais, le propriétaire supposé du sac, Yérim a nié avoir confié le sac ‘’encombrant’’ à Ndiack Sèye pour la simple raison que la nuit des faits, il n’était pas de service.
‘’Quand je ne travaillais pas, je ne posais pas les pieds à l’usine‘’, s’est défendu l’ancien vigile. Et d’ajouter : ‘’Je n’ai jamais volé et je n’ai rien vendu à Moustapha Sylla’’. Mais ce dernier a affirmé avoir acheté du matériel auprès de Yérim. Conducteur d’engin au moment des faits, Moussa Sarr a avancé que son seul délit a été d’avoir aidé Lat Faty à dégager une pierre installée sur des chutes de câbles.
La bonne veine des receleurs
Dans son réquisitoire, l’avocat général Madiaw Diaw a relevé que Didier Ndecky est le seul à être constant dans ses déclarations. Depuis l’enquête préliminaire, il a déclaré avoir acheté deux postes soudeurs auprès de Moustapha Sylla. Ce dernier, a-t-il toujours argué, lui a fait croire que le matériel lui a été remis par son frère établi en France.
C’est pourquoi, il a demandé qu’il soit acquitté purement et simplement, ainsi que Moustapha Sarr et Cheikh Diokhané. En revanche, il a requis sept ans de travaux forcés contre les trois employés Serigne Lat Ndiaye, Yérim Mbodj Ndiaye, Ndiack Sèye. Contre le commerçant Moustapha Sylla, il a requis deux ans ferme et une amende de 200.000 francs pour détention illégale d’arme (deux pistolets de marque Revolver).
Me Ndiaga Dabo, dans sa défense, a déclaré que la circonstance de nuit ne s’applique pas dans le cas d’espèce, car ‘’en tant que vigiles, les accusés travaillaient la nuit’’. C’est pourquoi, à l’instar de ses autres confrères, il a estimé que si tant est que le vol est établi, le réquisitoire est sévère.
La Cour a condamné Yérim Mbodj Ndiaye, Ndiack Sèye et Serigne Lat Faty Ndiaye à cinq ans ferme pour vol délictuel. Ils seront libres en décembre prochain, pour avoir été placés sous mandat de dépôt depuis 2009. Déclaré coupable de recel délictuel et de détention illégale d’arme, Moustapha Sylla écopé de cinq ans assortis du sursis, en sus d’une amende ferme de 200.000 francs CFA. Quand à Didier Ndecky, Cheikh Diokhané et Moussa Sarr, ils ont été acquittés.
Triste note La première session 2014 de la Cour d’assises de Dakar s’est terminée avec une note pas du tout gaie. Au beau milieu de sa plaidoirie, Me Pierre Marie Bassène a annoncé la disparition de leur confrère Me Ibrahima Kane, décédé hier matin. Avant de demander que des prières soient formulées à l’endroit du défunt, issu de la promotion de 1985. ‘’Première promotion à entrer au barreau sur concours’’, nous ont précisé ses confrères. Selon qui, Me Kane s’était retiré du prétoire, depuis plus de cinq, parce qu’étant alité. La maladie a finalement eu raison de la robe noire inhumée hier, dans l’après-midi. Le substitut général Madiaw Diaw ainsi que le président de la Cour ont salué la mémoire du défunt. ‘’Nous allons tous un jour rejoindre Me Kane là où il est’’, a soutenu le président Mamadou Lamine Diédhiou qui dans son discours de clôture s’est satisfait du déroulement de la session. Le président toujours hanté par la panne d’essence Toutefois, il a regretté la panne d’essence qui a failli renvoyer les accusés d’hier à une session ultérieure. ‘’J’ai la satisfaction d’avoir rendu de bonnes décisions de justice. Tous les avocats ont joué le jeu (…). Le seul incident, c’est ce dossier qui a failli être renvoyé’’, s’est désolé le juge. Et poursuivre : ‘’le motif (panne d’essence du véhicule des gendarmes devant convoyer les accusés au tribunal) m’a tellement irrité au point que je n’ai pas pu cacher mes sentiments’’. Aussi il s’est félicité de ‘’l’ordonnance spéciale’’ prise finalement par le Premier président de la Cour d’appel pour le jugement de l’affaire. Le substitut général Madiaw Diaw a tenu à rendre hommage à la Cour. Idem pour Me Issa Diop qui dira : ‘’vous avez rendu de bonnes décisions. Certains ont quitté cette salle en souriant, d’autres en pleurant. La vie est ainsi faite. On ne peut pas avoir tout ce que l’on veut’’. |
FATOU SY